À propos de ce lieu
Le Royal Opera House est situé à Covent Garden, et le nom de l’emplacement est fréquemment utilisé pour désigner l’Opéra lui-même. L’endroit accueille son premier théâtre à partir du 7 décembre 1732, date de l’inauguration du Théâtre de Covent Garden. L’endroit sert surtout à des représentations théâtrales, quoiqu’il s’y donne parfois des saisons musicales. La personnalité la plus marquante de la vie musicale du premier théâtre est sans conteste Haendel, qui y crée nombre de ses œuvres majeures, notamment Ariodante (1735), Alcina (1735) et Theodora (1750). Ce premier théâtre est détruit par les flammes en 1808. Le deuxième théâtre est reconstruit peu après, et ouvre ses portes en 1809. Là encore, l’art lyrique n’occupe qu’une part secondaire dans la programmation de la salle, qui accueille des acteurs majeurs de l’époque, notamment Edmund Kean. Le véritable centre de la vie musicale londonienne est alors Le Théâtre de Sa Majesté. Tout cela change quand le directeur musical de cet établissement se brouille avec sa direction en 1846, et décide de s’installer à Covent Garden. Pour l’occasion, la salle est réaménagée, et à sa réouverture le 6 avril 1847, le Théâtre de Covent Garden est renommé Opéra Italien Royal. Il est inauguré par une performance de Sémiramide de Rossini. Le deuxième bâtiment brûle le 5 mars 1856.
Le troisième théâtre est encore utilisé aujourd’hui. Il est de style néoclassique, conçu par l’architecte Edward Middleton Barry. Sa construction commence un an après l’incendie de la précédente salle. Il est inauguré 15 mai 1858 par une représentation des Huguenots de Meyerbeer. Comme son nom d’alors l’indique, la compagnie d’alors favorise le répertoire italien, et tous les opéras sont chantés dans cette langue. Cela change en 1892, quand l’établissement prend le nom de Royal Opera House, au moment où Gustav Mahler y dirige le premier Ring de Wagner de l’établissement dans l’allemand d’origine. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, il s’y donne de brèves saisons lyriques, permises par la venue de prestigieux chefs étrangers. Cependant, Londres n’est à cette époque pas une ville de premier plan sur la scène lyrique. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Covent Garden devient une salle de bal.
Après l’armistice, le sort de l’établissement est longuement débattu. Finalement, l’opéra est conservé. De plus, le climat politique est favorable à une plus grande intervention de l’Etat dans la vie culturelle. Le but des subventions est de permettre le développement d’une culture lyrique insulaire, au lieu de se contenter d’importer les talents du continent. Si la maison accueille la compagnie de ballet de Sadler’s Wells, elle fonde en revanche sa propre troupe d’opéra. Le directeur général des débuts du nouveau Covent Garden est David Webster (1946-1970). Sa politique d’un opéra anglais comprend la traduction de toutes les œuvres étrangères dans la langue de Shakespeare, la mise en avant de la création anglaise contemporaine et le recours à des artistes britanniques ou issus du Commonwealth. La première saison est inaugurée en 1946 par un ballet, La Belle au Bois Dormant. La troupe d’opéra fait ensuite sa première apparition dans The Fairy Queen de Purcell, puis donne un Carmen de Bizet anglophone. La plupart des objectifs sont atteints au cours du mandat de Webster. En effet, dès les années 50, Covent Garden devient un vivier de talents, jouant un rôle essentiel dans la formation de légendes de l’art lyrique telles que l’australienne Joan Sutherland ou le canadien Jon Vickers. L’institution devient également un lieu de création important, avec des œuvres de Britten telles que Billy Budd (1951) ou Gloriana (1951), ainsi que The Midsummer’s Marriage de Tippett (1955). En revanche, la politique de l’anglais généralisé n’est pas toujours tenable. En effet, le recours aux vedettes étrangères s’avère malgré tout nécessaire, et ces dernières ne sont pas toujours disposées à réapprendre leur rôle. La Callas, qui y chante à de nombreuses reprises, s’y refuse toujours, jugeant que personne ne prendrait l’opéra en anglais au sérieux. Quoiqu’il en soit, Covent Garden connaît plusieurs mises en scène légendaires à cette époque : la première mise en scène complète jamais réalisée des Troyens de Berlioz en 1957, dirigée par Kubelik, alors directeur musical, la mise en scène de Don Carlos de Verdi par Visconti en 1958, qui remet au goût du jour cet opéra qui n’avait pas alors sa popularité actuelle, et la production de Lucia di Lammermoor de Donizetti par Zeffirelli, qui transforme la jeune Joan Sutherland en star mondiale.
La décennie suivante assoit définitivement Covent Garden comme pilier du paysage lyrique mondial. La direction musicale de Georg Solti de 1961 à 1971 y est pour beaucoup. En plus du répertoire habituel (Mozart, Verdi,…), celui-ci met en avant les œuvres de Richard Strauss, d’Haendel, de Janacek, qui étaient jusque là assez peu données en Angleterre, et continue de donner les œuvres de Benjamin Britten. Il témoigne par ailleurs d’une réelle volonté de promouvoir l’opéra en langue anglaise. La plus grande star qui émerge lors des années Solti est sans doute Gwyneth Jones. La production la plus célèbre de cette période est peut être la Tosca de Puccini interprétée par la Callas en 1964, dans une mise en scène de Franco Zefirelli. La stature de Covent Garden est renforcée par des tournées en Allemagne de l’Ouest en 1970.
Colin Davis succède à Solti en 1971, et reste en poste jusqu’en 1986. La toute première production qu’il dirige est Les Noces de Figaro de Mozart. La révélation de la soirée est Kiri Te Kanawa, qui chante la Comtesse Almaviva. Davis est d’ailleurs très admiré pour ses directions de Mozart, notamment sa Clémence de Titus de 1974, qui remet l’œuvre au répertoire. C’est à cette époque que l’anglais sur scène est abandonné, contrairement à l’autre grande institution lyrique de Londres, l’Opéra National Anglais. Le successeur de Davis est Bernard Haitink (1987-2002). Son mandat voit notamment la création mondiale de Gawain de Birtwistle en 1990. Haitink est surtout un grand wagnérien, donnant notamment Les Maitres Chanteurs de Nuremberg en 1993. En 1994, une Traviata de Verdi dirigée par Solti propulse Angela Gheorghiu vers la gloire. Un cycle Verdi complet est entamé en 1995, mais doit être interrompu en raison de conséquents travaux de rénovation de 1997 à 1999. Le Royal Opera continue d’assurer des saisons dans plusieurs salles londoniennes dans l’intervalle. La maison rouvre ses portes avec une mise en scène de Falstaff par Graham Vick, avec Bryn Terfel dans le rôle-titre. L’actuel directeur musical, Antonio Pappano, prend ses fonctions en 2002. Il dirige notamment plusieurs créations, comme Le Choix de Sophie de Nicolas Maw (2002) ou Le Minotaure de Birtwistle (2008). Parmi ses autres directions notables figurent Paillasse de Leoncavallo avec Plácido Domingo (2002) et un Ring de Wagner (2004-2008).
Le Royal Opera House monte environ vingt spectacles par saison, dont près de la moitié sont de nouvelles productions. La programmation allie le grand répertoire et la création contemporaine.