Synopsis
Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg
L'action se passe à Nuremberg au milieu du XVIe siècle. Walther, amoureux d'Éva, participe à un concours de chant pour devenir Maître chanteur et ainsi obtenir la main de cette dernière. Mais le Maître Beckmesser, lui aussi épris, cherche par tous les moyens d'empêcher son triomphe.
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Création de l'opéra
Les Maîtres chanteurs de Nuremberg (Die Meistersinger von Nürnberg) est un drame musical en trois actes de Richard Wagner (1813-1883), chanté en allemand et composé entre janvier 1862 et octobre 1867. Seule comédie de Wagner avec La défense d'aimer (Das Liebesverbot, 1836), cette œuvre très longue (environ 4 heures 30) a été créée au Königliches Hof und Nationaltheater (actuellement la maison du Bayerische Staatsoper) de Munich le 21 juin 1868 dans une production sponsorisée par le principal mécène de Wagner et dédicataire de l'œuvre, Louis II de Bavière, et sous la direction de Hans von Bülow. Son œuvre reçut un accueil très enthousiaste, amenant même Wagner à briser le protocole le soir de la première en saluant les auditeurs depuis la loge royale de Louis II de Bavière.
L'idée d'écrire un drame musical comique témoigne de la volonté de Wagner de se plier aux canons athéniens d'alterner l'écriture d'une tragédie avec une comédie. En 1845, le compositeur vient juste de finir Tannhäuser, une œuvre dans laquelle il met en scène la rédemption de Tannhäuser à travers le sacrifice d'Élisabeth. Influencé par sa lecture de Geschichte der deutschen Dichtung de Georg Gottfried Gervinus, Wagner a l'idée d'écrire un drame satirique gai sur le sujet des Maîtres chanteurs de Nuremberg dans lequel il mettrait en scène un amour rendu possible par l'acceptation par le personnage de Walther de se plier à des règles esthétiques ainsi que par le renoncement par Hans Sachs de son amour pour Eva. Il écrit d'ailleurs dans la foulée la première esquisse dite de « Marienbad » (ville où il se trouvait à ce moment-là). Dans son autobiographie, Mein Leben, il raconte qu'il aurait déjà conçu la fameuse scène comique du deuxième acte au cours de laquelle Hans Sachs tourne en ridicule la sérénade de Sixtus Beckmesser.
Mais la composition de Lohengrin, puis de Tristan und Isolde et le début de sa tétralogie l'empêchent dans un premier temps de mener à bien son projet. En 1861, il décide de se pencher à nouveau dessus et complète ses recherches avec deux autres lectures majeures : le Livre de l'art sublime et divin des Maîtres Chanteurs de Jean-Christophe Wagenseil (1697), et l'essai de Jacob Grimm Du chant de maître vieil-allemand (1811). Fort de ses nouvelles connaissances, il écrit une seconde puis une troisième esquisse en novembre de cette même année, puis le livret en décembre et enchaîne dès janvier 1862 sur la composition de l'ouverture et du premier acte.
Mais à partir du printemps 1863, de nombreux problèmes professionnels et personnels l'empêchent de terminer sa composition. Lorsqu'il en reprend l'écriture en 1867, l'enjeu est grand : il faut absolument que cette œuvre rencontre le public pour obtenir une avance de son éditeur et ainsi pouvoir se consacrer au Ring.
En 1854, Wagner découvre l'œuvre du philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860) qui va influencer toute sa pensée artistique. En effet, le compositeur puise notamment dans Le monde comme volonté et représentation (1819) ses grandes idées sur l'art, sur l'amour et sur l'humanité, qu'il va chercher à magnifier dans l'œuvre de sa vie : L'anneau du Nibelung (Der Ring des Nibelungen) composé d'un prologue (L'or du Rhin) et de trois opéras (La Walkyrie, Siegfried et Le crépuscule des Dieux). Wagner est notamment séduit par les théories esthétiques de Schopenhauer qui font échos aux siennes (qu'il avait d'ailleurs exposé dans son ouvrage publié en 1851 : Opera und drama) où l'art est un moyen d'échapper aux souffrances du monde et où la musique est le plus pertinent de tous les arts à cause de son essence abstraite propre à communiquer des émotions sans l'aide des mots.
Par ailleurs, la découverte de Schopenhauer le fait revenir sur certaines idées qu'il avait avancées dans Opera und Drama : il revient par exemple sur l'idée qu'écrire une forme continue implique de se concentrer sur le drame intérieur d'un petit groupe de personnage. C'est pourquoi il va réévaluer le rôle des chœurs, des duos et des récitatifs dans ses opéras. La non-prédominance des solistes dans Les Maîtres chanteurs en est l'une des manifestations. Dans cet opéra, Wagner met en scène d'autres idées fortes qu'il partage avec Schopenhauer comme la place de la musique dans la société, la renonciation (voir le monologue de Hans Sachs dans l'acte 3 « Wahn, Wahn, überall Wahn ! »), ou encore l'illusion du monde qui pousse les hommes à la folie (illustré par la bagarre à la fin de l'acte 2).
Les Maîtres chanteurs de Nuremberg est une « œuvre de l'avenir » (titre de l'un de ses livres dans lequel il théorise une nouvelle manière de pratiquer le spectacle vivant), car elle illustre à elle seule les principales idées esthétiques défendues par Wagner dans Opera und Drama notamment, en plaçant l'art au centre du drame. En effet, dans ce drame musical, l'œuvre trouve son aboutissement dans la création du Chant du concours de Walther à l'acte III. En opposant Walther à Beckmesser, Wagner met également en scène un débat sur le renouvellement de l'art qui n'est rendu possible que par la conciliation de la tradition et de la nouveauté. Le triomphe de Walther à la fin de l'acte III illustre bien cette conciliation puisqu'il gagne le concours en s'étant à la fois plié aux règles du Bar (ancêtre du lied), et en les ayant transcendées par son propre génie créateur. En tournant en ridicule le personnage de Beckmesser (qui serait une caricature du principal opposant à Wagner : le critique Édouard Hanslick), Wagner fait une critique des tenants des traditions institutionnalisées et du conservatisme corporatiste.
À travers le personnage de Pogner, qui réserve la main de sa fille Éva à un Maître chanteur, Wagner réaffirme la nécessité pour les artistes d'être dévoué à leur tâche d'éveil et d'éducation du peuple. Hans Sachs est le véritable héros de ce « drame musical » (nom donné par Wagner à ses œuvres), puisqu'il renonce à Éva et s'efface devant Walther, allant jusqu'à le faire triompher. Il incarne la figure idéale de l'artiste humble face à son art. La fin de l'œuvre et notamment la dernière tirade de ce personnage, nous laisse entrevoir un autre thème de ce drame : celui de l'aspiration nationaliste qui fait gloire à l'art allemand. Enfin, ce drame musical parle de l'art comme ascenseur social avec une opposition entre le bourgeois qui veut sortir de sa condition de commerçant et s'élever spirituellement et socialement grâce à l'art (personnage de David) et l'aristocrate (Walther) qui veut s'allier à la classe montante, mais refuse de se soumettre aux règles du concours, pensant ne pas avoir besoin de reconnaissance.