Synopsis
Lucia di Lammermoor
Afin de sauver sa famille de la banqueroute, Enrico décide de marier sa sœur Lucia à Arturo. Mais cette dernière, fiancée en secret à l'ennemi juré de son frère, Edgardo, refuse de lui obéir. Déterminé, Enrico la manipule afin qu'elle accepte le mariage. Mais le soir des noces, elle tue son nouveau mari dans un accès de folie.
Met Live Bernheim
Création de l'opéra
Lucia di Lammermoor est un drame tragique en trois actes du compositeur Gaetano Donizetti (1797-1848) et du dramaturge italien Salvatore Cammarano (1801-1852). C’est avec cette œuvre, première collaboration entre les deux hommes, que l’auteur napolitain commence sa carrière de librettiste.
Depuis la création d’Anna Bolena en 1830, Donizetti est un compositeur à la renommée internationale. Il confirme son talent deux années plus tard avec la création de l'un de ses chefs-d’œuvre : L’élixir d’amour (L’elisir d’Amore). Sa carrière définitivement lancée, il signe un contrat pour trois opéras avec le Teatro San Carlo de Naples en novembre 1834. Mais ce n’est qu’en mai 1835 qu’il fixe son choix pour l’argument du premier et décide de collaborer avec Salvatore Cammarano. Le livret achevé, Donizetti commence à composer la partition et il termine son travail en seulement six semaines.
Début août 1835, alors que les répétitions pour la création commencent, le théâtre de Naples, en pleine banqueroute à la suite de productions ratées, est menacé de fermeture : seule une production réussie et triomphale de l’opéra de Donizetti est en mesure de sauver le théâtre. C’est dans cette ambiance de catastrophe et d’urgence qu’a lieu la création le 26 septembre 1835 au Teatro San Carlo de Naples. Au sommet de son art et resté seul grand maître italien (Rossini a pris sa retraite et Bellini est mort subitement), l’opéra est un immense succès. Il rentre immédiatement au répertoire dans plusieurs maisons d’opéra européennes (comme au Théâtre-Italien à Paris, le 12 décembre 1837) et fait rapidement l’objet d’adaptations en langues étrangères.
La version française intitulée Lucie de Lammermoor est créée le 6 août 1839 au Théâtre de la Renaissance à Paris. Afin d’adapter son œuvre aux goûts français et de rendre l’action plus concise et plus percutante, Donizetti effectue quelques modifications. En effet, avec l’aide d’Alphonse Royer et de Gustave Vaëz, il fait disparaître le rôle d’Alissa, grossit le rôle d’Arturo et amoindrit celui de Raimondo. Ces modifications entraînent malheureusement un affaiblissement dramaturgique de l’œuvre, car elles atténuent son caractère romantique et par là même tout son intérêt.
Le roman de Walter Scott et le livret de CammaranoEn 1818, Walter Scott (1771-1832) publie son roman tragique et historique La Fiancée de Lammermoor (The Bride of Lammermoor). Il fait partie, avec Une légende de Montrose, des Contes de mon hôte, un ensemble de sept romans paru entre 1816 et 1831 et construit autour des récits fictifs de Peter Pattieson. La Fiancée de Lammermoor est publiée le 21 juin 1819 sous le pseudonyme de Jedediah Cleishbotha. Du point de vue de son contenu, cette œuvre tient une place particulière dans l’œuvre de l’auteur, car l’histoire n’est pas reliée à un événement d’importance nationale, la période n’est pas précisée clairement, il n’y a aucune irruption de figures historiques, les propos sont moins didactiques qu’habituellement, des ressorts surnaturels sont utilisés (apparition de fantômes) et enfin, la fatalité est omniprésente tout le long de l’histoire pour les deux personnages principaux. C’est le plus sombre des romans de Walter Scott, qui s’inspire d’un drame familial qui s’est déroulé dans le sud-ouest de l’Écosse (plus précisément à Carscreugh dans le Wigtownshire) en 1668.
Pour son adaptation, Cammarano est parti du principe que les futurs spectateurs ont en mémoire l’œuvre de Scott, c’est pourquoi il choisit de faire l’économie d’un certain nombre de scènes afin de réduire la longueur de l’œuvre. Il établit une construction dramatique cohérente en se basant sur le mécanisme des situations clefs (comme le retour inopiné d’Edgardo) et en articulant avec beaucoup d’habileté les péripéties entre elles. Dans ce même esprit de synthèse, il fusionne trois personnages de l’histoire en un seul. Ainsi, le frère de Lucia, Enrico, hérite de la position sociale du père (chef de famille et Lord), du caractère de la belle-mère (autoritaire, arriviste, méchante et ambitieuse socialement) et du nom du frère (Henry). L’histoire est resserrée autour d’un thème central : celui de la problématique du mariage. Problématique qui devient, à la fin de l’opéra, un drame direct dans le présent sans retour possible au passé. Enfin, pour des besoins d’efficacité dramatique, le rôle de Lucie est transformé : on passe d’un être sentimental et presque enfantin à une femme déterminée et énergique.