Ramón Vargas, Première Avignonnaise : Libiamo!
Le programme captivant de la soirée présente une sélection d’extraits d’opéras et de romances du répertoire italien, mettant à l'honneur des œuvres de Verdi, Donizetti et Puccini, ainsi que de Pietro Mascagni et Francesco Cilea. Le ténor internationalement reconnu, Ramón Vargas, se produit pour la première fois à l’Opéra Grand Avignon, partageant la scène avec le Chœur de la maison, dont trois de ses solistes, et bénéficiant d'interventions en solo de l’Orchestre National Avignon-Provence, dirigé par le maestro Giulio Prandi.
Charismatique, l’artiste invité offre un concert riche en émotions et en talent. Il débute par deux des romances pour ténor et orchestre de Verdi (In solitaria stanza et L’esule), et conclut avec trois grands airs du répertoire opératique italien, extraits de L'Arlesiana et de Tosca. Ramón Vargas déploie une voix puissante, surtout dans les médiums et les aigus, à la sonorité ronde et brillante, appuyée sur un vibrato ample. Sa diction italienne, très claire, illumine son chant, tandis qu'il projette une voix libre et détendue. Ses aigus, solides et bien soutenus, lui permettent de produire des notes éclatantes jusqu'à la fin de la soirée. Malgré quelques imprécisions, il parvient à séduire le public grâce à la puissance de sa voix soutenue par une interprétation intense et émotive, qui transmet le désespoir des personnages.
Le Chœur de l’Opéra Grand Avignon se distingue également au cours de cette soirée musicale, interprétant des extraits de Macbeth, Nabucco et Madama Butterfly. Le Chœur produit un son harmonieux et équilibré, avec des phrases élégamment menées et des cadences joliment prolongées (notamment à la fin du "Va pensiero"). Les hommes du Chœur soutiennent également leur collègue, le ténor Cyril Héritier, depuis les loges dans "Percorrete le spiagge vicine" (Lucia di Lammermoor). Cyril Héritier se révèle avec un timbre fin et lumineux, aux nuances légèrement métalliques. Bien qu’il soit parfois couvert par ses partenaires et l’orchestre, ses aigus brillent grâce à un bon soutien et un vibrato rapide. La mezzo-soprano Clélia Moreau joint à Ramón Vargas sa voix ronde et placée, un timbre chaud et velouté, caractérisé par un vibrato bien marqué et un phrasé délicat. Elle demeure néanmoins physiquement en retrait par rapport au ténor. La soprano Agnès Ménard, quant à elle, descend de l’estrade du Chœur pour interpréter avec Ramón Vargas, en guise de bis, le Brindisi de La Traviata (opus récemment donné sur cette même scène), avec un timbre clair et chaud, riche en harmoniques, particulièrement distinct lors des ensembles, notamment dans ses aigus éclatants et puissants.
L’Orchestre National Avignon-Provence joue un rôle éminemment central durant cette soirée. Sous la direction de Giulio Prandi, il accompagne les chanteurs avec finesse, produisant un son homogène et riche en couleurs et nuances, apportant vitalité ou délicatesse selon les pièces interprétées. L'Intermezzo de Cavalleria Rusticana est particulièrement touchant, interprété avec une grande sensibilité, faisant couler plus d’une larme dans le public. La ligne musicale indépendante, menée par la harpiste Aliénor Girard, est totalement distincte parmi les autres instruments, avec un jeu sonore et sensible, illustrant l'isolement imposé et le désespoir du personnage de l'œuvre de Mascagni. Giulio Prandi dirige avec des gestes clairs et fermes, alternant entre mouvements ouverts et détendus et d’autres plus discrets, transmettant ainsi une variété subtile de textures et de tempi et offrant une interprétation empreinte d’ardeur et de poésie. À la fin de L’esule, le public applaudit le ténor avant que l’orchestre ne termine sa prestation, ajoutant à la convivialité de la soirée (le chef réagissant avec humour en dévoilant un pari fait avec Vargas).
Le public, totalement subjugué par une telle démonstration artistique sur la scène de l’Opéra Grand Avignon, ovationne longuement les artistes (même debout pour certains), en particulier le ténor Ramón Vargas, les rappelant à plusieurs reprises. En remerciement de cet accueil chaleureux, ils offrent au public deux bis : Amor ti vieta (Fedora) et donc le Libiamo (La Traviata).