Tosca à Metz, commémorer Puccini sans excès pour que dure l’opéra
Metz offre la Tosca en hommage à cette année Puccini, qui commémore les cent ans de sa mort. Cet opéra, d'un immense fond tragique qui mêle intrigue politique et drame amoureux, emmène le public dans une histoire ici teintée d'innovations technologiques. La création vidéo, par Julien Soulier, en constitue un des piliers qui anime l'arrière-plan de scènes en l'augmentant d'éléments architecturaux ou de paysages. Les costumes d'inspiration très XIXème siècle, créés par Giovanna Fiorentini, ont comme couleurs essentielles le noir, le gris, le blanc ou le rouge pour les cardinaux du Chœur. Ces couleurs simples permettront notamment à Patrick Méeüs, à la scénographie et aux lumières, de créer surtout pendant l'acte I de véritables tableaux en complétant les couleurs par des teintes contrastées en écho à l'histoire racontée par cet opéra.
La soirée trace la ligne de fond sur les quatre principaux personnages : Tosca, le peintre Cavaradossi, le Baron Scarpia et le prisonnier politique Cesare Angelotti. Des acteurs suivent ces quatre protagonistes par leur présence muette en arrière-plan, comme des anges impuissants qui assistent à la fin inéluctable de leurs protégés. Ce choix déploie l'épaisseur de l'histoire sans trop détourner l'attention du public.
C'est principalement sur le duo entre Angelotti et Cavaradossi que s'affirme la technicité théâtrale et la voix du premier, le guadeloupéen Joé Bertili, une voix de basse en devenir pour le personnage, plutôt directive et articulée, qui s'équilibre avec celle du deuxième, Aquiles Machado, ténor expérimenté qui parvient aisément à ajuster sa puissance vocale au vibrato serré. L’intensité de l’air de Cavaradossi "E lucevan le stelle", plein d’émotion et de maîtrise vocale du ténor, amène immanquablement des applaudissements spontanés du public.
Le Sacristain, interprété par le baryton-basse alsacien Olivier Lagarde, est un élément d’agrément de l’opéra. Sa première apparition comme homme de ménage du peintre, sur fond de caractère désabusé, le dos droit mais le corps voûté dans sa soutane noire, ne souffre pas d’incohérence. Sa voix de sacristain puissante permet de bien l’entendre, et son duo avec Cavaradossi semble afficher un début de complicité scénique entre les deux chanteurs.
Le geôlier est interprété par Jean-Sébastien Frantz, qui jouait le douanier l’année dernière dans La Bohème à Metz. Semblant vraisemblablement aimer Puccini, et malgré ses quelques mots de façon parlée-chantée, il joue son rôle avec sérieux, tout comme le pâtre au troisième acte, incarné par la soprano Adélaïde Mansart, dont le vibrato léger déploie une voix ronde et également légère.
Face à la nonchalance tranquille du personnage de Cavaradossi, Tosca s’affiche comme la diva jalouse qui doit se compromettre auprès du baron Scarpia pour sauver sa propre vie et celle de son amant le peintre. La soprano Francesca Tiburzi se montre à l’aise de ce rôle-titre et offre une certaine fluidité dans son chant de soprano à la voix plutôt ample jusqu’à être encouragée pas des applaudissements après son air Vissi d’Arte (J’ai vécu d’art), qui, comme traditionnellement, sera chanté allongé par terre.
Le baron Scarpia, interprété par le baryton Devid Cecconi, offre le traditionnel rôle de méchant fier au costume noir. Il prend ses aises sur scène et adopte une posture très droite, posant ses mélodies de sa voix moyennement puissante, et articulée sans excès.
Le policier Spoletta, interprété par Orlando Polidoro, est son bras armé. Quelques gestes théâtraux fermes contrastent avec une voix plus timide, qui est recouverte par l’orchestre par endroits, mais qui offre aux oreilles de l’auditoire un dialogue avec Scarpia qui globalement se rapproche de l’esprit du livret.
La direction de Nir Kabaretti laisse beaucoup de place à la respiration et au tempo de l'Orchestre national de Metz Grand Est. Cette direction volontariste qui aboutit parfois à des décalages entre l'orchestre et les voix, laisse toutefois les musiciens s'exprimer, des cordes jusqu'aux bassons et aux clarinettes, et même plus haut dans les premières loges d'un côté pour la harpe, et de l'autre pour les percussions d'humeur assez discrètes.
Les chœurs, dont l'espacement suit la logique blanc-rouge-noir pour les costumes, offrent un équilibre du chant naturellement mêlé entre les générations dans un ensemble homogène et dynamique.
Le public applaudit pendant sept autres minutes les artistes de l’opéra, et assurément Puccini en son centenaire.