Puccini sacré à la Collégiale Saint-Didier en Avignon
En cette année centenaire de la disparition de Giacomo Puccini, nombre de maisons organisent des productions ou évènements en hommage au célèbre compositeur. À deux semaines de la date exacte, Avignon a fait le choix de se tourner vers sa musique sacrée (en plus d’une nouvelle production de La Bohème à venir dans quelques mois). Et rien de plus adapté pour commémorer une mort qu’un Requiem. Qui plus est dans une église gothique où une odeur d’encens flotte encore à l’arrivée du public. C’est donc le Requiem de Puccini qui ouvre le programme. Toutefois, contrairement à ce que cette dénomination suppose le plus souvent, il ne s’agit pas ici d’une messe complète mais d’une Séquence isolée. Une messe est tout de même interprétée en fin de programme : la Messa a quattro voci con orchestra plus connue par son surnom impropre de Messa di Gloria. Entre les deux se glissent, tel un interlude, quelques extraits de Sei versetti per il Gloria, suite pour orgue de Vincenzo Petrali et seule œuvre profane de la soirée, interprétée par Luc Antoni qui accompagne aussi le Requiem. Il joue sur le grand orgue historique de la collégiale, de la facture François Mader (parfois surnommé le Cavaillé-Coll marseillais et dont les orgues sont largement répandues dans le Sud-Est de la France).
L’interprétation de Luc Antonini est sobre dans le Requiem même s’il ne manque pas d’en souligner les reliefs et notamment la note finale tenue marquant l’obscurité et le mystère succédant aux pieuses paroles. Jouant sur les oppositions dans son jeu, les Sei versetti per il Gloria se manifestent comme le retour de la vie après la mort. L’orgue y devient dans le premier extrait dynamique, espiègle et semble même par moments emprunter des motifs à l’orgue de barbarie. Il se termine ensuite par une grandiose amplification finale digne d’une fin d’acte de Verdi. L’interprétation se fait ainsi dans un langage dramatique qui emprunte beaucoup plus à l’Opéra qu’au répertoire sacré. Le deuxième extrait par exemple prend quelques airs d’air de ténor par sa langueur lyrique. Le jeu sur les rythmes est pertinent et souligne l’évolutivité des extraits. Enfin, la lamentation lyrique du violon alto s’avère aussi sobre que virtuose dans le Requiem.
L’ensemble instrumental Cum Jubilo intervient dans la Messe. Il est dirigé par Pierre Guiral (qui connaît bien la ville pour être ancien directeur de son conservatoire et de son opéra et qui a développé au cours de sa carrière une affinité particulière pour la musique sacrée). Il modèle efficacement les atmosphères et les fait évoluer comme dans le Kyrie qu’il plonge dans une ambiance éthérée avant d’y générer de la profondeur grâce aux timbales qui s’accordent harmonieusement avec l’intensification des pupitres masculins du chœur dans les graves. Le premier Gloria in excelsis Deo s’inscrit lui dans une vivacité rythmée en opposition. En pupitres comme en solos, les musiciens s’avèrent expressifs et parviennent à instaurer des dialogues avec les parties de chant. La précision autant mélodique que rythmique est par contre variable et quelques décalages sont parfois audibles vis-à-vis du chœur. Il en va de même pour la stabilité et la coordination qui doivent parfois être récupérées par le chef. Une attention manifeste est portée au volume des voix ainsi qu’à leur accompagnement. Quelques déséquilibres sont par contre audibles entre les sections de l’orchestre, notamment au niveau des cuivres qui effacent parfois les cordes et les bois.
Pour sa Messe, Puccini a choisi de représenter dans les parties solistes les trois tessitures masculines. Patrick Garayt assure les Séquences de ténor. La pureté et l’élégance du timbre sont tout à fait adaptées à ce répertoire. Le style demeure sobre même s’il laisse tout de même une place à quelques agiles poussées qui ne laissent paraître aucune faille. L’aigu est ainsi puissant et coloré.
La basse Adrien Djouadou offre un Crucifixus vibrant et puissant où la force divine ressort de la profondeur sépulcrale de la voix. Le baryton Jean-François Baron développe son aisance dans l’aigu. Dans l’Agnus Dei, il crée ainsi un duo tout à fait harmonieux avec le ténor.
Au centre de cette soirée, le Chœur de l’Opéra Grand Avignon livre une interprétation finement ciselée du Requiem comme de la Messe. Il s’avère minutieux et coordonné dans le travail de chaque nuance. Du Requiem, la sobriété permet de révéler pleinement le caractère humble, peu commun pour Puccini. La netteté des pupitres et l’accentuation précise des temps forts contribuent à rendre le Gloria in excelsis Deo entraînant. Les sopranos développent des aigus aériens, en particulier dans le Qui tollis peccata mundi. L’Et resurrexit alterne la ferveur dynamique manifestant le retour en force de la vie et un recueillement intense caractérisant la modestie de l’Homme face à Dieu. La puissance du chœur aurait tout de même par moment pu être encore plus déployée pour saisir encore plus le public et accentuer certains effets, notamment l’expression de la Gloire.
Le public applaudit chaleureusement ce concert hommage à la fin du programme. L’Agnus Dei qui termine la Messe est redonné en bis. Gloria Puccini !