Le Duo Symbiose en escale à Avignon
Le spectacle est tout d’abord visuel, les deux artistes se présentent au public habillés avec élégance : Rodolphe Lospied dans un costume bien taillé, bleu minéral quadrillé assorti aux chaussures avec un nœud papillon à motif géométrique. Julie Goussot est vêtue dans une robe longue légèrement échancrée sur le bas des jambes, imprimée de motifs floraux et de feuilles brillantes couleur airain, assorties aux boucles d’oreilles et tout à fait de saison.
La salle est de capacité modeste mais entièrement remplie. Le programme intitulé « Escales Latines » se consacre à des œuvres françaises et italiennes mais mélange habilement des styles et des répertoires variés : mélodies, grand opéra romantique, vérisme, piano seul, et même une pointe de bel canto ("Una voce poco fa" parmi les rappels). En plus de montrer l’éclectisme des artistes, il permet ainsi de maintenir le public en haleine en évitant de trop fortes redondances. Les airs fameux tels que "Donde lieta" (La Bohème), "Ebben? ne andro lontana" (La Wally), À Chloris (mélodie de Hahn donnée en rappel) côtoient des extraits plus rares tels que "Plus grand dans son obscurité" (La Reine de Saba), Sevillana (extrait du Don César de Bazan de Massenet) ou encore Aime-moi (écrit par Pauline Viardot sur une Mazurka de Chopin).
Passée une légère timidité sur les trois premiers extraits du programme, le piano de Rodolphe Lospied se révèle pleinement à partir de sa première intervention solo, le Foglio d’album de Puccini. Il dessine des ambiances immersives et finement ciselées. Il contribue aussi à leur transformation au sein de chaque pièce comme dans l’excellent Enfant, si j'étais roi de Liszt où une tension retenue créée par la légèreté du jeu succède à l’intense bouillonnement des notes graves. Rodolphe Lospied exprime aussi bien son sens du rythme et des accentuations entraînantes dans la Mazurka et dans la Sevillana notamment, que la sensibilité et l’empathie de son jeu dans À Chloris et l’air de La Wally en particulier. Il se montre, dans l’accompagnement, à l’écoute de la soprano et demeure en phase avec elle.
Julie Goussot semble présenter une tessiture de soprano lyrique voire lyrico-spinto car elle offre régulièrement de très belles poussées sur les fins de strophes qui créent de l’intensité. Leur effet est maximisé par la taille réduite de la salle et l’absence d’orchestre à traverser. La voix est largement assez puissante pour l’envergure de la salle. La fluidité est par contre inégale et peut par moment être interrompue par des reprises de souffle souvent audibles. La ligne de chant peu ainsi connaître quelques fragilités qui s’inscrivent parfois dans le rôle (pouvant par exemple traduire l’émotion et la maladie de Mimi) mais limitent à d’autres instants la virtuosité (comme dans La Reine de Saba). Elle se montre à d’autres moments plus sûre, lorsque la malléabilité de la voix s’allie à un puissant engagement dramatique et une diction minutieuse. La précision autant rythmique que mélodique est globalement présente mais elle se perd un peu dans les passages les plus techniques et les plus effrénés où quelques notes peuvent être manquées (traduisant peut-être un début de fatigue pour le dernier air intervenant en rappel). La maturation de la voix et le travail technique lui permettront sûrement à l’avenir de venir pleinement à bout ce ces rôles particulièrement exigeants.
Le public manifeste son enthousiasme en applaudissant le plus souvent entre chaque air. Il rappelle chaleureusement les artistes à deux reprises en fin de programme.