Les Chants d’amour d’Olivier Messiaen
Le partenaire habituel et de longue date au récital de Barbara Hannigan, Reinbert de Leeuw est décédé en 2020 la laissant alors quelque peu orpheline de ce compagnon musical si important pour elle. Heureusement, par l’intermédiaire de Didier Martin du label Alpha Classics, la conjonction entre la cantatrice et Bertrand Chamayou s’est effectuée autour du présent projet Messiaen.
Les deux artistes ont pris le temps indispensable pour se familiariser avec cette musique spécifique qui échappe à tout conformisme ou contrainte. « Messiaen a une clarté, le caractère est extrêmement personnel et clair, et il devient naturel. Cela devient vite naturel » disait justement Reinbert de Leeuw. Et le chemin à parcourir pour parvenir justement à cet état idéal n’est pas sans obstacle ou déboire !
Une période de rodage et concerts n’en fait paraître le résultat publié aujourd’hui que plus abouti. Que ce soit dans Chants de terre et de ciel ou Poèmes pour Mi, deux cycles de mélodies composées sur ses propres textes avant la Seconde Guerre Mondiale en hommage à son épouse bien aimée Claire Delbos et à son fils Pascal tout juste né, Messiaen a fait appel à un grand soprano dramatique français Marcelle Bunlet.
Outre ces cycles, c’est elle aussi qui devait créer en 1946 le terrifiant cycle Harawi. La voix limpide et longue de Barbara Hannigan apparaît somme toute différente, plus lyrique de timbre –avec des éclats flamboyants– que strictement dramatique, plus solaire certainement que celle de Marcelle Bunlet. Les parties graves sonnent un peu juste. Mais l’intelligence musicale de l’interprète, la sensibilité et la souplesse de la ligne de chant, apportent aux deux cycles exigeants comme une nouvelle jeunesse expressive, plus proche de nous, plus intuitive.
Le jeu de Bertrand Chamayou est tellement pénétrant et lumineux que la conjonction des deux artistes se révèle au même niveau d’inspiration et de compréhension.
Aux deux cycles enregistrés, vient s’ajouter une pièce plus brève intitulée La Mort du nombre datée de 1931 qui fait intervenir en sus un violoniste (ici Vilde Frang, sur le fil de l’archet) et un ténor (en l’occurrence le majestueux canadien Charles Sy qui survole sa partie).
Un disque rare et ponctué d’une sensualité toute en transparence.