Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid : récital croisé au Bouscat
La programmation des Musicales du Bouscat (métropole de Bordeaux), relancée en 2024 par une nouvelle direction artistique autour d’Aude Marchand et Thomas Quinquenel a une forte identité de musique de chambre, et c’est dans cet esprit que se présente le duo Marie-Laure Garnier - Célia Oneto Bensaid. Plus qu’un récital qui égrène les pièces de répertoire et met les pleins feux sur la chanteuse, leur programme est le fruit d’une union des compétences tout autant que des aspirations, autour d’une identité et d’un message fort, comme le rappellent les deux artistes dans leurs nombreuses prises de parole, pour présenter les œuvres du soir et l’esprit commun qui les unit.
Par un "métissage" des œuvres, les deux artistes veulent porter un message « d’espoir, de solidarité et d’une spiritualité partagée ». Dans le programme de concert, se retrouve dans une alternance quasi régulière un mélange de Mélodies Françaises (Poulenc, Duparc, Messiaen) et de Negro Spirituals dans des arrangements piano-voix réalisés à la même époque que les extraits de répertoire interprétés. L’Invitation au voyage (Duparc) y croise le vibrant Nobody Knows the Trouble I’ve seen, Le Collier (Messiaen) dialogue avec He Never Said a Mumblin' Word, et parfois même la frontière entre les deux répertoires est gommée, quand la note finale de Deep river est la même que celle qui démarre Main dominée par le cœur (Poulenc). L’enchaînement fonctionne ainsi, et c’est alors l’idée d’un continuum possible entre deux mondes qui naît dans l’esprit du public.
Le trait d’union entre les deux répertoires s’incarne dans la voix de Marie-Laure Garnier. La soprano française s’appuie sur ses moyens vocaux considérables pour lisser la frontière entre le lyrisme français et la ferveur afro-américaine, usant d’un vibrato modéré dans l’un et d’une voix de poitrine chaleureuse dans l’autre. Dans cette alternance, les Negro Spirituals deviennent de petites pièces lyriques et les mélodies parfois vaporeuses gagnent en densité. Les textes sont servis par une diction particulièrement précise dans le français, qui rend intelligible chaque tournure de cette langue poétique chargée d’images et de symboles. `
Au piano, Célia Oneto Bensaid doit elle aussi jongler entre les styles et se faire tantôt pianiste de salon ou organiste de messe gospel. Certains des arrangements des Negro Spirituals demandent un swing, un sens de la syncope dont la pianiste complice s’acquitte avec souplesse, offrant alors le soutien rythmique dont a besoin Marie-Laure Garnier pour asseoir son chant. Les couleurs qu’elle trouve dans l’illustration musicale de L’Invitation au Voyage n’ont rien à envier au texte poétique en lui-même, les deux faisant front commun dans l'union des sensibilités.
Historiquement plutôt habitué au répertoire de Bach et à la musique de chambre traditionnelle, le public du Bouscat exprime une joie non-dissimulée à la découverte de ce programme métissé, chantant même de bon cœur sur invitation de Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid pour accompagner le Wade in the Water qui clôt cette soirée, et lance la saison 2024 des Musicales du Bouscat.