Mort & Lumière à la Philharmonie de Paris
La Toussaint résonne encore en cette soirée dans la grande salle Pierre Boulez, où l'Orchestre de Paris guide le public de la Philharmonie à travers des œuvres explorant la mort comme un passage vers la lumière et le divin. Quatre compositions puissantes, à la vision presque mystique, invitent à une réflexion profonde sur le chemin de l’âme.
En première partie, l'orchestre interprète le poème symphonique Mort et Transfiguration de Richard Strauss, suivi de L'Ascension d'Olivier Messiaen, une série de quatre méditations symphoniques. La seconde partie s'ouvre sur le Requiem de Fauré, version 1900. Elle réunit un effectif orchestral réduit pour laisser place aux nombreux artistes des Chœurs de l’Orchestre de Paris, occupant le fond de scène et une partie du balcon. La création Towards the Light de Thierry Escaich (co-commande de l’Orchestre de Paris – Philharmonie, de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, et de The Svetlanov Legacy Charity) s'inscrit alors comme un prolongement du Requiem de Fauré (la réponse du nouvel organiste de Notre-Dame de Paris à l'auguste organiste de La Madeleine), en respectant l'effectif de la version parisienne de 1900 tout en y ajoutant des percussions pour enrichir la palette sonore. Le compositeur travaille les harmonies et les textures avec une densité à la fois légère et sophistiquée, où les superpositions de couleurs et de mélodies, dans l’orchestre comme dans le chœur, apportent des nuances d'une grande subtilité.
Sous la direction active et engagée de Klaus Mäkelä, dont la gestuelle reste souple même dans les moments les plus introspectifs, l’Orchestre de Paris déploie une richesse de textures et de dynamiques sensibles, capturant la profondeur dramatique de Strauss. Les rythmes et harmonies saisissantes de Messiaen offrent à la fois des instants de danse et de méditation extatique. Le pupitre des trompettes, mené par Frédéric Mellardi, se distingue dans la première méditation Majesté du Christ demandant sa gloire à son Père, où les phrasés longs et majestueux semblent porter en un souffle la grandeur spirituelle de l'œuvre.
Près de 180 choristes, encadrés par leur chef Richard Wilberforce et ses assistants, unissent ensuite leurs voix avec une finesse qui témoigne d’une préparation minutieuse. Si certaines voix, encore jeunes, se distinguent parfois par leur fraîcheur, ce contraste ajoute une dimension touchante aux timbres plus mûrs des choristes adultes. La diction, soigneusement travaillée, permet une clarté textuelle sans excès, tandis que la disposition espacée des chanteurs offre un équilibre sonore harmonieux. L'accompagnement orchestral se révèle tout aussi délicat, s’accordant en douceur avec le chœur. Dans l'In Paradisum Fauréen, toutefois, l'orgue aurait pu se faire plus aérien, frôlant parfois un léger décalage dû à une légère précipitation.
La partie de soprano soliste, confiée à Sarah Aristidou, est magnifiée par sa position en hauteur, dans le balcon surplombant le plateau. Sa voix, vibrante de tendresse lumineuse, projette une présence quasi maternelle qui touche par son naturel et son expressivité. À ses côtés, le baryton Jean-Sébastien Bou, malgré certaines parties un peu élevées pour sa tessiture, impose une douce autorité, avec un timbre brillant et une grande sensibilité.
La salle comble exprime son admiration par des applaudissements chaleureux, remerciant tout particulièrement les chœurs et Thierry Escaich, venu saluer aux côtés de Klaus Mäkelä. Ce concert d’œuvres puissantes sait évoquer la mort sous un angle résolument lumineux, imprégné d’espérance et loin de toute morbidité, transportant l’auditoire dans une méditation musicale à la fois solennelle et inspirante.