Biographie
Jon Vickers
Le ténor canadien Jon Vickers est né le 29 octobre 1926 à Prince Albert dans le Saskatchewan. Il est issu d’une famille religieuse très stricte, son père étant prêcheur laïc dans l’église presbytérienne locale. Quoique qu'il chante dès son enfance dans la chorale de son église, sa vocation pour l’art lyrique lui vient sur le tard. Il pense d’abord devenir médecin, puis commence une carrière dans le commerce. Ce n’est qu’en 1950, à 24 ans, qu’il s’essaye sérieusement au chant lyrique, décrochant rapidement une bourse pour étudier au Conservatoire Royal de Musique de Toronto. Dès le début de ses études, il commence à donner des concerts à travers le Canada, notamment dans des oratorios. En 1954, il obtient son premier rôle lyrique, celui du Duc de Mantoue dans Rigoletto de Verdi à la Canadian Opera Company. Néanmoins, les critiques sont encore mitigées, et ses revenus très faibles, rendant ses conditions de vie difficiles, d’autant qu’ayant déjà cinq enfants, il doit soutenir une famille nombreuse.
Il hésite à abandonner, mais sa carrière internationale décolle finalement en 1957, lorsqu'il fait ses débuts à Covent Garden, avec un opéra alors très rarement joué : Les Troyens de Berlioz. Le rôle qu’il doit assurer, Enée, est considéré par Vickers lui-même comme ayant été « écrit pour un ténor qui n’existe pas ». Pourtant, le ténor inconnu triomphe, et devient du jour au lendemain l’une des étoiles de Covent Garden. Peu après, il y chante Don José dans Carmen de Bizet et Riccardo dans Un Bal Masqué de Verdi. L’année suivante, il y campe Don Carlo (Verdi) dans la production de Luchino Visconti.
Sa voix de ténor héroïque, remarquable pour sa puissance et son aisance à passer de graves dignes d’un baryton à des aigus parfaitement maîtrisés, en fait un interprète wagnérien idéal. Aussi n’est-il pas surprenant que dès 1958, il soit à Bayreuth, incarnant Siegmund dans La Walkyrie (Wagner). Pourtant, contrairement à de nombreux heldentenors (ténors héroïques), il refuse de se cantonner à ce seul répertoire, montrant une diversité immense dans ses choix de rôle. Ainsi, la même année, il partage la scène de l’Opéra de Dallas avec Maria Callas, incarnant le Jason de sa Médée (Cherubini). En 1960, il fait ses débuts au Met en Canio dans Paillasse de Leoncavallo. La même année, il débute en Florestan à la Scala sous la direction de Karajan, avec Birgit Nilsson en Fidelio (Beethoven). Un an plus tard, il donne le premier enregistrement de l’un de ses plus grands rôles, Othello de Verdi, avec Tito Gobbi et Léonie Rysanek. En 1962, il donne son premier Samson et Dalila de Saint-Saëns, dans un enregistrement avec Georges Prêtre. En 1964, il retourne à Bayreuth pour Parsifal (Wagner). Deux ans plus tard, il débute à Salzbourg en Don José, Carmen étant campée par Grace Bumbry et Micaëla par Mirella Freni. La même année, il s’essaye également avec succès au répertoire russe, enregistrant Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch (Sergei), puis La Dame de pique de Tchaïkovski l’année suivante (Hermann).
En 1973, il donne deux de ses performances les plus inoubliables : un Tristan et Isolde (Wagner) avec Birgit Nilsson aux Chorégies d’Orange sous la direction de Karl Böhm, et Peter Grimes (Britten) au Met. Benjamin Britten, présent dans le public, désavoue totalement sa vision du personnage (Vickers va jusqu’à changer le texte), mais le public et la critique sont sous le charme, et son interprétation intense et nuancée du pécheur meurtrier fait date, souvent considérée comme l’un de ces cinq meilleurs rôles avec Don José, Tristan, Enée et Othello. L’année suivante, le public français le revoit à Orange à deux occasions, en Hérode face à la Salomé (Strauss) de Léonie Rysanek, et en Pollione face à la Norma (Bellini) de Montserrat Caballé. La même année, non content d’être autant reconnu pour ses incursions dans les répertoires britannique, français, italien, russe et allemand, il chante Luca dans Jenufa de Janacek. Hormis ses apparitions aux Chorégies d’Orange, sa plus illustre performance en France est sans doute son Couronnement de Poppée (Monteverdi) à l’Opéra de Paris en 1978, avec Gwyneth Jones dans le rôle-titre. Il joue quant à lui Néron.
Jon Vickers est connu pour son intransigeance. Il lui arrive de quitter des productions s’il estime que le travail de ses collègues n’est pas à la hauteur, et il refuse les rôles qu’il juge immoraux. Ainsi, quoiqu’au vu de son interprétation brillante de Tristan, il aurait pu assurer à peu près tous les grands rôles wagnériens, il refuse Tannhäuser (Wagner), dont il considère le message comme antichrétien.
Jon Vickers commence à ralentir son activité prodigieuse à partir des années 80, se recentrant sur le récital. Il donne son dernier rôle sur scène à Denver, dans Samson et Dalila, en 1987. Sa dernière apparition a lieu en 1998, à l’occasion du mélodrame de Richard Strauss, Enoch Harden, à Montréal. Il décède le 10 juillet 2015 à Toronto après avoir longtemps souffert de la maladie d'Alzheimer.