Mort du ténor Jon Vickers
Le ténor canadien s'est éteint à l'âge de 88 ans dans sa maison de Toronto « après une longue lutte contre la maladie d’Alzheimer ». De sa stature et de sa voix dense à la couleur dramatique, le canadien avait dominé la scène lyrique pendant plus de trente ans.
Surnommé le « ténor de dieu » pour sa ferveur religieuse, Jonathan Stevart Vickers s'essaye au chant dès son plus jeune âge dans des chorales d'églises. C'est après avoir décroché une bourse d'études au Conservatoire royal de musique de Toronto, où il suit l’enseignement du baryton britannique George Lambert, qu'il se dévouera corps et âme à la musique.
En 1957, il fait ses débuts à Covent Garden dans l'imposant Troyens de Berlioz, son interprétation d'Enée -incandescente- propulse sa carrière. Il y endosse peu après le rôle de Riccardo dans un Bal masqué de Verdi, puis celui de Don José dans Carmen. Un an plus tard, au prestigieux Festival de Bayreuth, en Allemagne, il campe Siegmund dans La Walkyrie de Wagner. L'Opéra de San Francisco fait appel à lui pour Aïda de Verdi, puis les plus grandes salles lui ouvrent leurs portes : il joue dans Paillasse au MET et à la Scala de Milan pour Fidelio sous la direction de Karajan aux côtés de Birgit Nilsson. En 1973, il livre deux interprétations époustouflantes : il est le Tristan de Birgit Nilsson (Isolde) aux Chorégies d'Orange sous la direction de Karl Böhm, et incarne le rôle-titre de Peter Grimes au Met.
Extrait de Carmen enregistré en 1967 et sorti chez Deutsche Grammophon en 1995.
Épousant le répertoire wagnérien, il en refuse pourtant certains rôles qu'il juge opposés à sa foi chrétienne, comme ceux de Tannhäuser ou Siegfried. Il s'ouvre également au répertoire britannique, français, italien, russe et même tchèque en chantant Luca dans Jenufa (Janacek) en 1974. Capable de pousser la nuance dans son plus grand raffinement, de passer de graves dignes d'un baryton à des aigus les plus maîtrisés, comme d'approfondir et exacerber la psychologie des personnages, Jon Vickens laisse derrière lui une carrière solide forte d'interprétations inoubliables.
En 1987, le Met, où il a joué durant 22 saisons, l’accueille une dernière fois dans Samson et Dalila (Saint-Saëns). Onze ans plus tard dans sa patrie, à Montréal, il fait ses adieux à la scène dans Enoch Arden de Richard Strauss.