Un songe d'une nuit d'été comme neuf à Aix
C’est au Festival d’Aix-en-Provence en 1991 que le public français a découvert Robert Carsen, avec sa mise en scène du Songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten. Plus de vingt ans plus tard, Carsen a eu le succès qu’on lui connaît, et la production est passée par l’English National Opera, la Scala, le Liceu et l’Opéra-Comique de Paris. Pourtant, les années n’ont en rien entamé le charme de ce songe. Dès la levée du rideau, nous retrouvons les lits chers à Carsen, motif utilisé notamment dans sa Rusalka donnée cet avril à l’Opéra de Paris. En lieu et place de la traditionnelle forêt, le décor du premier acte n’est autre qu’un gigantesque lit qui épouse les dimensions de la scène. L’image surréaliste est saisissante, tout en rendant explicite la dimension onirique (et érotique) de l’œuvre.
Lawrence Zazzo et Miltos Yerolemou dans le Songe d'une nuit d'été de Britten à Aix (© Patrick Berger)
L’œuvre de Britten, et bien entendu celle de Shakespeare avant lui, offre son lot de défis, avec ses multiples changements de registres : des inquiétantes manigances des fées, aux balourdises des comédiens, en passant par le marivaudage des quatre Athéniens. Ici, ces défis sont amplement relevés, la scénographie épurée de Carsen permettant de naviguer aisément entre le merveilleux et le burlesque. Particulièrement réussi, le changement de tableau du troisième acte, une fois les Athéniens fiancés et Obéron et Titania réconciliés, quand l’action quitte la forêt pour faire place à la représentation de Pyrame et Thisbé par Bottom et les autres comédiens amateurs. Pour l’occasion, le plateau est entièrement dénudé en un seul mouvement de machinerie, le songe se dérobant avec l’immense drap hissé jusqu’au plafond. Les choix de décor et de costume alternent avec bonheur entre littéral (les habits princiers de Thésée et Hippolyte, le costume d’âne priapique pour la transformation de Bottom) et symbolique (les lits au lieu des arbres, etc.), pour un dispositif à la fois lisible et singulier.
Christopher Gillett et Brindley Sherratt dans le Songe d'une nuit d'été de Britten à Aix (© Patrick Berger)
Quant à la distribution, elle est à la hauteur de la mise en scène. Si les personnages des comédiens amateurs sont censés être ineptes, leurs interprètes ne le sont en rien, en particulier Brindley Sherratt qui incarne un Bottom attachant. Les quatre Athéniens, composés de la mezzo Elizabeth DeShong (Hermia), de la soprano Layla Claire (Hermia), du ténor Rupert Charlesworth (Lysander) et du baryton Scott Conner (Theseus), constituent un parfait ensemble, se prêtant à toutes les permutations que les sorts des fées leur font prendre. Surtout, le duo d’Obéron et Titania, qui occupe une place centrale dans l’adaptation de Britten, ne démérite pas. Les aigus scintillants de la colorature Sandrine Piau (Titania) trouvent leur pendant dans le timbre lunaire du contre-ténor Lawrence Zazzo, à la voix de fausset d’une rare force et expressivité. Quant à Kazushi Ono, l’approche raffinée que le maestro insuffle à l’Orchestre de l’Opéra de Lyon illumine la partition si subtile de Britten.
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