Présentation de la production
C’est au Festival d’Aix-en-Provence en 1991 que le public français a découvert Robert Carsen, avec sa mise en scène du Songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten. Plus de vingt ans plus tard, Carsen a eu le succès qu’on lui connaît, et la production est passée par l’English National Opera, la Scala, le Liceu et l’Opéra-Comique de Paris. Pourtant, les années n’ont en rien entamé le charme de ce songe. Dès la levée du rideau, nous retrouvons les lits chers à Carsen, motif utilisé notamment dans sa Rusalka donnée cet avril à l’Opéra de Paris. En lieu et place de la traditionnelle forêt, le décor du premier acte n’est autre qu’un gigantesque lit qui épouse les dimensions de la scène. L’image surréaliste est saisissante, tout en rendant explicite la dimension onirique (et érotique) de l’œuvre.
L’œuvre de Britten, et bien entendu celle de Shakespeare avant lui, offre son lot de défis, avec ses multiples changements de registres : des inquiétantes manigances des fées, aux balourdises des comédiens, en passant par le marivaudage des quatre Athéniens. Ici, ces défis sont amplement relevés, la scénographie épurée de Carsen permettant de naviguer aisément entre le merveilleux et le burlesque. Particulièrement réussi, le changement de tableau du troisième acte, une fois les Athéniens fiancés et Obéron et Titania réconciliés, quand l’action quitte la forêt pour faire place à la représentation de Pyrame et Thisbé par Bottom et les autres comédiens amateurs. Pour l’occasion, le plateau est entièrement dénudé en un seul mouvement de machinerie, le songe se dérobant avec l’immense drap hissé jusqu’au plafond. Les choix de décor et de costume alternent avec bonheur entre littéral (les habits princiers de Thésée et Hippolyte, le costume d’âne priapique pour la transformation de Bottom) et symbolique (les lits au lieu des arbres, etc.), pour un dispositif à la fois lisible et singulier.