Synopsis
Paillasse
Quelques heures avant une représentation, Canio, meneur d'une troupe de théâtre, découvre la liaison de sa femme Nedda avec Silvio. Manipulé par Tonio, amoureux éconduit par Nedda, Canio monte sur scène, mais confondant réalité et fiction, il tue sa femme et son amant.
Met Live Tosca
Création de l'opéra
Paillasse (Pagliacci) est le premier opéra, en un prologue et deux actes, du compositeur italien Ruggero Leoncavallo (1857-1919). Cette œuvre assez brève (1h10 environ) est inspirée d'un fait divers que le père du compositeur aurait eu à juger : une affaire extraconjugale qui avait conduit au meurtre en 1865 d'un serviteur de la famille (Gaetano Scavello) par Gaetano d'Alessandro et son frère Luigi. Mais l'histoire du livret écrit par Leoncavallo ressemble étrangement à la pièce La femme de Tabarin (1874) de Catulle Mendès qui met en scène un meurtre commis par un comédien lors d'une représentation de théâtre. Ces similitudes ont d'ailleurs conduit l'auteur à attaquer le compositeur en justice pour plagiat. Cependant il abandonne ses poursuites quelques années plus tard, après avoir été lui même attaqué pour plagiat. Le thème du théâtre dans le théâtre est tellement en vogue à l'époque, qu'il est devenu rapidement très difficile de retracer les inspirations des artistes et d'établir s'il y a eu copie ou pas.
La création de Paillasse le 21 mai 1892 au Teatro Dal Verme à Milan a reçu un accueil mitigé de la part des critiques, mais cela n'a pas empêché son énorme succès auprès du public. À tel point qu'il est repris dans tous les plus grands théâtres du monde : par le Royal Opera House de Londres le 19 mai 1893, ou encore par le Metropolitan Opera le 22 décembre 1893. C'est d'ailleurs lors de cette représentation américaine qu'il a été pour la première fois programmé avec Cavalleria Rusticana (1890) de Pietro Mascagni en raison de leur parenté littéraire et de leur appartenance à un genre d'opéra italien nouveau : celui du vérisme. Le rapprochement n'est d'ailleurs pas tout à fait arbitraire, car le compositeur lui-même avait révélé que sa volonté d'écrire un opéra vériste s'inspirant de faits réels était survenue après sa découverte de l'opéra de Mascagni. Paillasse est le seul opéra du compositeur encore joué aujourd'hui (de même pour Cavalleria Rusticana pour Mascagni). Les raisons, multiples, tiennent aussi bien à la qualité intrinsèque du reste de la production du compositeur, qu'à l'ombre provoquée par le succès de Puccini.
Le vérisme est un mouvement artistique italien de la fin du XIXème siècle qui s'est manifesté en littérature, en peinture, mais aussi dans les opéras post-romantiques italiens de Pietro Mascagni, Ruggero Leoncavallo, Umberto Giordano (Andrea Chénier, 1896) ou Giacomo Puccini (Tosca, 1899). Ce mouvement assez bref (environ une quinzaine d'année) ne se caractérise pas par une unité de style entre tous ses représentants, mais plutôt par une tendance commune à dénoncer, par tous les moyens, la misère sociale sous toutes ses formes. Né de la volonté de faire revivre l'art et la culture italienne après la désillusion du Risorgimento (la réunification de l'Italie), le vérisme italien puise ses sources notamment dans le naturalisme français d'Émile Zola (1840-1902) dont les sujets s'inspirent de la vie contemporaine des « pauvres gens » qui subissent des injustices sociales. Dans le domaine de la littérature, l'auteur italien vériste le plus prolifique était Giovanni Verga (1840-1922) dont l'œuvre reflète son obsession d'étudier comment les « vaincus de la société » affrontent la vie.
Au niveau musical, il n'y a pas de consensus sur la définition des opéras véristes. Et l'ambiguïté de ce terme, qui recouvre aussi bien la manière verdienne de chanter que la musique de la jeune école italienne post-verdienne, participe à ce flou sémantique. On peut néanmoins établir certaines caractéristiques de ce genre. Tout d'abord, le sujet qui mélange subtilement le sordide et le sensationnel en mettant en scène des meurtres provoqués le plus souvent par la jalousie amoureuse au sein des classes sociales les plus déshéritées. Mais aussi la tendance de mise en abyme où on représente le théâtre dans le théâtre en racontant la vie des gens sur scène et leur métier d'artistes. Comme le dit Tonio dans le Prologue de Paillasse (devenu par la suite le manifeste de ce mouvement musical artistique), les opéras véristes tentent de rapprocher la réalité et la fiction jusqu'à ce qu'elles se confondent totalement. La vocalité y est au service de l'impact dramatique et la phrase est plus importante que l'air. En somme, c'est l'avènement (à nouveau) de la diction face à la virtuosité vocale. La compréhension du texte devient essentiel, voir vitale à l'expression du drame. Pour ce faire, les lignes vocales sont le plus souvent dépouillées de tout bel canto (ce n'est par exemple pas le cas de l'air de Canio « Vesti la giubba ») au profit de nouvelles techniques qui transmettent le côté émotionnel des situations et renforcent l'évocation du « réel » : par exemple, les trémolos sur les notes aigus, la déclamation passionnées avec des notes tenues dans le registre haut de la voix, mais aussi le cri.
L'influence de Wagner se fait également sentir dans les innovations du mouvement et ses transformations dramatiques, avec l'utilisation de la dissonance pour renforcer la tension dramatique, ainsi que d'une forme continue (seule manière d'être proche du « réel ») où l'orchestre dit le drame autant que le texte.