Kévin Amiel et Anaïs Constans : Duos d’amour à Bagnères-de-Bigorre
Kévin Amiel et Anaïs Constans sont tous les deux des habitués du festival dont ils ont été ensemble parrain et marraine (leur succède aujourd’hui Omar Hasan). Ce sont donc des retrouvailles avec le public bagnérais, venu un peu moins nombreux qu’anciennement à ce qui se murmure dans les gradins (peut-être en raison de l’avancement du festival ou de sa concomitance avec d’autres évènements). Qu’importe le nombre, le programme n’en est pas moins ambitieux. Il ménage une large place au grand répertoire de l’opéra mais aussi à la mélodie. Le programme comporte des parties solos (entre autres L’ultima canzone de Tosti et Una furtiva lagrima pour le ténor et Hui! Stridono lassu extrait de Pagliacci ainsi que "Les filles de Cadix" pour la soprano), quelques interludes de piano seul mais surtout des scènes de duos d’amour chantées (et jouées !) dans leur intégralité constituent les points culminants de la soirée. Il s’agit notamment de la rencontre entre Mimi et Rodolfo dans La Bohème (Puccini), du grand duo d’amour au quatrième acte de Roméo et Juliette (Gounod) et celui de Nemorino et Adina dans L'Élixir d'amour (Donizetti) après que Nemorino ait bu « l’élixir ». Les spectateurs les plus assidus du Théâtre du Capitole non loin d’ici auront en plus quelques souvenirs des rôles pour avoir entendu Kévin Amiel dans L'Élixir d'amour et Anaïs Constans dans La Bohème. La complicité des protagonistes, leur engagement dans le jeu (dans la sensibilité exacerbée comme dans la comédie) et la virtuosité des voix galvanisent les scènes d’une énergie commune.
Anaïs Constans révèle un timbre souple qui évolue avec agilité même dans les parcours les plus ardus de Donizetti. La puissance est aussi présente et offre de belles poussées dans le vérisme, harmonieuses dans les duos avec celles du ténor. L’aigu est limpide et la tendresse du médium souligne la sensibilité. L’ornementation vocale est légère et choisie avec goût selon les répertoires. Elle renforce la sensibilité tout en conservant une ligne claire et directement lisible. La diction est impeccable et permet la plus nette appréciation des textes français. La technique de souffle permet la continuité des répliques et la tenue des aigus puissants.
Kévin Amiel est précis dans son chant que ce soit par le placement de la voix ou l’articulation qui contribue à structurer les lignes par le détachement de chaque syllabe. Les accentuations sont pertinentes. Le style est épuré dans les effets mais comme Anaïs Constans il offre au public une belle projection sur les poussées qui baignent le public d’émotions. L’ancrage des lignes vocales leur confère une stabilité qui donne de la stature et même une certaine autorité à son Roméo qui brille également par ses aigus enchanteurs. À l’aise et engagé dans le jeu, la griserie de son Nemorino est tout à fait réjouissante. Il finit de dévoiler sa maîtrise dans Mexico et ses passages fluides et efficaces en voix de tête.
L’accompagnement de Jean-Marc Bouget veille à laisser un maximum d’espace aux solistes quitte à parfois s’effacer. Attentif au rythme et aux évolutions du chant, les notes tombent précisément sur celles des voix. Les jeux de regards, d’expressions voire quelques murmures entre les airs prouvent son entente avec les chanteurs.
Le public, lui aussi complice de la soirée, offre des applaudissements chaleureux aux artistes. En bons toulousains qu’ils sont, de naissance et de formation respectivement, Kévin Amiel et Anaïs Constans interprètent pour rappel et en duo une version lyrique de la chanson Toulouse de Claude Nougaro.