Le metteur en scène Pierre Audi naît en 1957 à Beyrouth. Tandis qu'il est élève au lycée français de Beyrouth, il anime un ciné-club, dans le cadre duquel il fait venir des personnalités telles que Pier Paolo Pasolini, Jacques Tati ou Max Ernst. En 1974, sa famille est contrainte de fuir le Liban suite à l'irruption de la guerre civile. Après un court séjour à Paris, où il est scolarisé au lycée Stanislas, il part faire des études d'histoire à l'Exeter College d'Oxford. C'est là qu'il se lance dans la mise en scène. Il découvre alors une halle décrépite dans la banlieue de Londres, l'Almeida. Avec le soutien financier de son père banquier, il remet le lieu en état afin d'y ouvrir un théâtre expérimental en 1979.

L'Almeida devient l'un des lieux de référence du théâtre et de la musique expérimentaux, grâce aux mises en scène d'Audi et à ses choix de programmation. C'est sans doute cette dimension atypique qui pousse la compagnie De Nederlandse Opera à lui confier la direction de l'établissement en 1988. La maison traverse une mauvaise passe financière et cherche une approche novatrice pour redorer son blason. Le pari paye, puisque d'une petite scène provinciale, le Dutch National Opera (DNO) devient au fil des années l'un des lieux les plus réputés à travers le monde. Ce succès tient justement aux choix non-conventionnels de Pierre Audi, qui donne une place importante au répertoire baroque et contemporain : pour son début en tant que metteur en scène en 1990, il choisit Le Retour d'Ulysse dans sa patrie de Monteverdi. Cette mise en scène inaugure son cycle Monteverdi, composée des trois œuvres survivantes du compositeur baroque, soit Orphée et Le Couronnement de Poppée, plus le madrigal dramatisé Le Combat de Tancrède et Clorinde. Ces mises en scène sont abondamment reprises (notamment au Los Angeles Music Center en 1997) et contribuent à remettre le compositeur au goût du jour.

Une autre réussite de Pierre Audi est de savoir tirer parti de la nouvelle salle dont il hérite deux ans après son inauguration. Son style minimaliste et radical se marie bien avec l'immense scène du Stopera, en particulier pour des œuvres monumentales telles que Les Troyens de Berlioz (première mise en scène en 2003) ou la Tétralogie de Wagner (mise en scène en 1999), Saint-François d'Assise de Messiaen (mis en scène en 2008). Pour ces deux dernières mises en scène, Pierre Audi prend le parti de rendre l'orchestre plus visible. En effet, dans la Tétralogie, la scène s'étend au-delà de la fosse, plaçant l'orchestre au centre de l'action, tandis que pour Saint-François d'Assisse, l'orchestre est sur scène. Pierre Audi n'hésite pas à faire appel à des personnalités extérieures au monde de l'opéra, et compte parmi les premiers à utiliser la vidéo sur scène.

Par ailleurs, il prend les rênes du Festival de Hollande de 2005 à 2014, et réussit à replacer ce festival d'art vivant au centre de la scène mondiale, alors que celui-ci était tombé en désuétude. Cette expérience lui donne l'occasion de renouer avec sa première passion, le théâtre. En dehors des Pays-Bas, il fait ses débuts en France en 2002 aux Théâtres des Champs-Elysées avec une mise en scène du Mariage secret de Cimarosa, puis il met en scène La Flûte enchantée de Mozart en 2006 au Festival de Salzbourg (qui fait l'objet de plusieurs reprises les années suivantes), et Pelléas et Mélisande de Debussy à La Monnaie de Bruxelles en 2008, avec le plasticien indien Anish Kapoor comme scénographe. En 2015, il met en scène Penthesilea, une création de Dusapin, à La Monnaie et à l'Opéra national du Rhin. En 2016, il retourne au TCE pour Tristan et Isolde de Wagner. En 2017, il partage sa vision des Vêpres de la Vierge de Monteverdi à Amsterdam. En 2018, il prend la direction du Festival d'Aix-en-Provence pour préparer 2019 et met en scène la première mondiale de Fin de partie (Kurtag) à La Scala. En 2022, il programme au Festival d'Aix-en-Provence une production de la 2ème Symphonie de Mahler par Romeo Castellucci, donnée dans un stadium désaffecté.