Synopsis
Tristan et Isolde
Le roi Marke de Cornouailles charge son héritier Tristan de lui ramener sa promise, la Princesse d’Irlande Isolde. Mais l’absorption d’un philtre d’amour par Tristan et Isolde les fait tomber amoureux l’un de l’autre. Ils se jurent alors fidélité jusque dans la mort.
Met Live Tosca
Création de l'opéra
Tristan et Isolde est un drame musical en trois actes écrit et composé par Richard Wagner (1813-1883). Pour son poème, Wagner s’inspire de la légende celtique médiévale écrite par Gottfried von Strasbourg et qui s’intitule Tristan et Iseut.
Depuis leur rencontre à Zurich en 1852 après une représentation du Tannhäuser, Otto Wesendonck est le mécène principal du compositeur. Ce patronage permet pour la première fois à Wagner, depuis sa fuite précipitée de Dresde après sa participation aux émeutes de 1849, de se consacrer à nouveau à la composition de l’œuvre de sa vie : la tétralogie.
En décembre 1854, le compositeur émet pour la première fois dans une lettre à son ami et collègue Franz Liszt l’idée de mettre en scène un amour idéal à partir de l’œuvre de Gottfried von Strasbourg. Mais le projet, lent à mûrir, ne prend véritablement forme que lorsque Wagner s’installe, avec sa femme, deux ans plus tard à l’« Asile » (le 27 avril 1857), une maison près de la villa de son mécène. Cette arrivée marque le véritable début de la relation intellectuelle et artistique que le compositeur entretient avec la femme de ce dernier, Mathilde Wesendonck.
Porté par cette émulation, Wagner suspend l’écriture de Siegfried pour se consacrer à l’écriture de Tristan et Isolde. Avec le soutien et l’aide de Mathilde, il termine le brouillon du poème en prose le 20 août 1857, puis finit l’écriture du livret un mois plus tard, le 18 septembre 1857. Il enchaîne ensuite avec la composition du premier acte, dont il finalise l’élaboration en avril 1858.
Au cours du mois suivant, la relation artistique entre Mathilde et Wagner évolue à nouveau et se mue en véritable passion (platonique). Les poèmes de Mathilde que Wagner met en musique à partir de l’automne 1857 constituent l’expression artistique de l’amour que se portent les deux amants : à travers le texte, l’auteure exprime la puissance de leur amour, mais aussi l’impossibilité de cet amour dans le monde des vivants.
Le contenu poétique étant intimement lié à celui développé dans le drame musical, Wagner se sert de la mise en musique de ces poèmes comme d’une étude musicale à Tristan et Isolde et il sous-titre d’ailleurs deux de ses lieder « étude à Tristan » : « Träume » (Rêve) et « Im Treibhaus » (Dans la serre). Dans « Träume » (composé en décembre 1857), il développe ce qui deviendra par la suite le cœur du duo d’amour de l’acte II et dans « Im Treibhaus » (composé fin avril 1858) ce qui constituera le futur thème qui hante tout le dernier acte et qui exprime la solitude et la détresse de Tristan.
En janvier 1858, la tension monte entre Wagner et sa femme Minna. En effet, cette dernière suspecte une liaison entre son mari et Mathilde. Pour calmer la situation, Wagner quitte l’Asile et part pour Paris. Durant cette période loin de la Suisse, il signe le contrat de publication de son futur drame musical avec la maison d’édition basée à Leipzig Breitkopf & Härtel. Wagner revient à l’Asile au début du mois de février et se consacre à l’écriture de la fin de son premier acte.
Le 7 avril 1858 a lieu la fameuse « affaire de la note » où Minna intercepte une note de Wagner adressée à Mathilde, accompagnant la musique de son prélude. Le contenu et le style de cet écrit ne laissant aucun doute sur la nature de leur relation, Minna confronte d’abord son mari, puis Mathilde. Comprenant l’imminence d’un scandale, cette dernière décide de mettre son propre mari au courant de son « aventure » (restée a priori platonique) avec le compositeur. Après s’être expliqué de cette liaison auprès d’Otto Wesendonck, le compositeur décide de quitter définitivement l’Asile en juillet 1858.
Durant les sept mois suivants, Wagner se concentre sur la composition du second acte de Tristan et Isolde, dont un tiers est entièrement consacré au célèbre duo d’amour entre les deux héros. Puis entre mars 1859 et août 1859, il s’adonne à la composition du troisième et dernier acte de l’œuvre.
Son œuvre terminée, le compositeur cherche à la faire créer dans un théâtre européen. Il pense pendant un temps à Paris, mais l’échec de sa production du Tannhäuser dans la capitale française en 1861 étant encore vif dans son esprit, il jette son dévolu sur le théâtre allemand de Karlsruhe. Une fois l’accord obtenu avec la maison d’opéra allemande, Wagner se rend à Vienne dans l’espoir d’y débaucher des chanteurs capables de créer cette œuvre d’un genre nouveau.
Enthousiasmé par ce projet de drame musical, le directeur de l’Opéra de Vienne propose à Wagner de créer plutôt son œuvre dans son théâtre. Le rayonnement de cet opéra étant immense, Wagner s’empresse d’accepter cette proposition. Les répétitions commencent au cours de l’année 1862 et avec elles débute un véritable cauchemar artistique, tant pour Wagner, que pour le directeur ou les musiciens. En effet, la mise en scène de l’action s’avère extrêmement compliquée : les chanteurs ont du mal à exécuter les lignes vocales et surtout l’orchestre semble dans l’incapacité à la fois musicale et technique de jouer la musique de Wagner. Après soixante-dix-sept répétitions étalées entre 1862 et 1864, le directeur de l’Opéra de Vienne s’avoue vaincue et le projet est abandonné pour le plus grand malheur du compositeur.
Wagner désespère de voir son drame musical monté. Mais l’année suivante, la chance lui sourit enfin. En effet, le roi Louis II de Bavière, grand mélomane et qui a entendu parlé du travail de Wagner, décide de devenir le mécène du compositeur. Grâce aux fonds qui sont désormais illimités, l’œuvre de Wagner est créée au Théâtre Royal de la cour de Munich le 10 juin 1865 sous la baguette de Hans von Bülow. La tentative ratée de Vienne étant dans tous les esprits, les critiques accueillent défavorablement l’œuvre qu’ils jugent trop longue, incompréhensible et surtout injouable. Il faut attendre les productions à Bayreuth et les grandes versions du XXe siècle pour que l’œuvre rentre au répertoire des maisons d’opéra.
Lorsqu’il écrit son livret, Wagner se base sur la version du mythe de Tristan et Iseut de Gottfried von Strasbourg. Ce mythe d’origine bretonne et issu de la tradition orale a été couché pour la première fois sur papier par des poètes normands au XIIe siècle. De cette époque, il existe deux versions de référence écrites : celle de Béroul (vers 1170) intitulée Le roman de Tristan et qualifiée de version de « légende », et celle de Thomas d’Angleterre (Tristan) qui date de 1175 et que l’on qualifie de version « courtoise » à cause de la profondeur du développement psychologique de ses personnages. L’autre particularité de cette seconde version est de mettre en scène un amour qui n’est pas maîtrisé par les amants, qui leur échappe. Ce point de vue véhicule l’image d’un désir destructeur, d’une passion amoureuse qui ne peut que se terminer mal, à la différence de l’autre version où l’amour est imposé par magie aux amants.
C’est probablement à partir de cette version courtoise que le poète allemand du Moyen-Age Gottfried von Strasbourg élabore son Tristan vers 1210. Elle devient rapidement la nouvelle version de référence, même si elle est restée fragmentaire. La particularité de l’œuvre de Gottfried von Strasbourg est de présenter Tristan avant tout comme un artiste (et non comme un chevalier). Par ailleurs, les amants s’aiment déjà bien avant qu’ils ne boivent le philtre. Ainsi dans cette version, le philtre sert de révélateur à des sentiments préexistants, mais qui étaient refoulés. Gottfried von Strasbourg fait l’apologie de l’amour où les amants voient l’amour comme la valeur suprême, sans tenir compte des conséquences sociales et religieuses.
Pour son livret, Wagner part de l’œuvre de Gottfried von Strasbourg et effectue quelques modifications tant dans la structure que dans l’histoire. Comme beaucoup d’auteurs de livrets, Wagner part du principe que ses futurs auditeurs auront en mémoire l’épopée du Moyen-Age, c’est pourquoi il se permet de faire l’économie d’un certain nombre d’épisodes et se concentre sur la passion entre Tristan et Isolde et ses conséquences. Il fait néanmoins quelques allusions dans le texte à ce qui s’est passé auparavant, comme le fait que Tristan est un orphelin, ou qu’il y a eu un serment de paix décidé entre l’Irlande et l’Angleterre.
L’énorme travail d’élimination entrepris par le compositeur a eu pour but principal de condenser le drame et de le recentrer autour d’une figure principale : celle d’Isolde. Dans son œuvre, Wagner réinvente le drame de Tristan et Iseult en amplifiant des grands thèmes déjà présents dans l’histoire et en leur donnant une nouvelle intensité. Wagner fait le pari de mettre en scène l’aboutissement de la passion des héros où le philtre du mythe devient la matérialisation d’une métaphore poétique : il devient le symbole de la passion et l’amour, et non plus un « simple » breuvage magique.
Au niveau de la structure globale, Wagner garde trois éléments majeurs et constitutifs du drame et les place à la fin de ses trois actes : l’absorption du breuvage, l’agression de Melot au cours de laquelle Tristan est mortellement blessé et enfin le jugement de la mort. Le compositeur conserve également l’idée d’un quiproquo autour du philtre, mais son dénouement se fait très tardivement dans l’histoire puisqu’il ne survient qu’au troisième acte, lorsque le roi Marke arrive trop tard pour informer les amants des pouvoirs du philtre et les sauver de la mort.
Au-delà de celle de Gottfried von Strasbourg, les influences de Wagner dans la conception de son poème sont multiples. Tout d’abord celle du théâtre de Calderon auquel il emprunte plusieurs grands thèmes comme celui de la conception de l’honneur qui prend un sens tragique lorsque le héros se retrouve dans une position intenable. D’autres grands thèmes comme celui de l’hymne à la nuit, de la femme rédemptrice de l’homme, de l’amour possible que dans la mort, ne sont pas sans rappeler ceux développés par Novalis. Enfin, la grande influence de Wagner a été la philosophie de Schopenhauer et notamment de son ouvrage Le monde comme volonté et représentation. En effet, le compositeur insère dans son drame la dimension d’un homme rongé par des désirs inaccessibles et qui le mènent à sa propre perte, et décrit l’état extatique dans lequel les amants se trouvent après leur nuit d’amour.