Loïc Lachenal : « Malgré les défis, l’opéra se dresse comme un phare »
L’an dernier, vous expliquiez mener des discussions avec vos tutelles pour mettre en adéquation vos moyens et vos missions : où en êtes-vous un an plus tard ?
Un an plus tard, nous avons réussi à trouver des perspectives rassurantes, grâce au volontarisme de la région et à la montée en puissance des financements de la métropole. En effet, au niveau de la région, une transformation importante concerne l’aspect territorial, qui est une spécificité de l’Opéra de Rouen Normandie liée au fait que la région soit notre principale source de financement. Nous avons de fait besoin de rayonner largement, en proximité avec les habitants. La moitié des concerts de l’Orchestre de l’Opéra se font déjà sur le territoire. Le rapprochement avec l’Orchestre Régional de Normandie va transformer cette maison en un établissement musical régional important, basé sur les deux grandes communautés urbaines de la région, Caen et Rouen.
Par ailleurs, notre modèle économique était fragile, et la soudaineté de la crise énergétique et inflationniste de l’an dernier avait révélé ces difficultés en précipitant sa dégradation. Il y a eu une prise de conscience de nos tutelles et la métropole de Rouen-Normandie a pris ses responsabilités, faisant de la culture l’un des enjeux principaux pour la ville, qui a d’ailleurs porté un beau projet pour devenir capitale européenne de la culture. Elle nous a ainsi redonné une trajectoire financière permettant de consolider nos missions, puisque nos moyens vont être en augmentation jusqu’en 2028. Cela permet de retrouver un cadre serein pour les équipes, de retravailler avec le niveau d’anticipation nécessaire, et de revenir progressivement à un niveau de programmation adéquate pour la maison, notamment en termes de nouvelles productions. L’établissement retrouve ainsi la solidité qui lui est nécessaire pour porter le projet de réunion des orchestres.
Dans quelles proportions vos moyens vont-ils augmenter ?
La métropole, qui fait le principal effort, va progressivement faire passer sa participation de 1,3 Million d'euros en 2022 à 2 M€ dès 2024, 2,4 M€ en 2025 et 2,7 M€ en 2028. C’est un vrai effort. Je rappelle que précédemment, l’État s’était déjà réengagé en passant sa participation de 1,1 M€ à 1,5 M€ depuis mon arrivée, avec la labellisation Théâtre lyrique d'intérêt national.
Vous aviez été obligé de réduire le niveau d’activité de la maison en 2023/2024 : qu’en est-il de la saison prochaine ?
Nous allons remonter progressivement, nous aurons trois nouvelles productions portées et initiées par la maison (avec des coproducteurs) la saison prochaine : Sémiramide, Le Docteur Miracle et les Dialogues des Carmélites. La saison de danse sera également plus étoffée. L’opéra participatif fera son retour, certes dans une forme encore intermédiaire cette saison. L’impact de ces nouveaux moyens se verra ainsi dès la saison prochaine.
De votre côté, vous avez été prolongé jusqu’en 2028 : comment comptez-vous faire évoluer votre projet à cet horizon ?
Le travail sur ce nouveau projet est en cours. L’établissement va évoluer dans ses missions, sa dénomination va être modifiée et sa gouvernance va changer puisque le périmètre des membres du conseil d’administration ne sera plus le même. Le point de bascule administratif est prévu au 1er juillet, les nouveaux statuts sont en cours d’approbation par les tutelles. Le nouveau cahier des charges vient d’être validé : je vais pouvoir m’appuyer dessus pour construire un nouveau projet, et pourrai communiquer dessus après l’été.
Vous attendiez des annonces de la part du Ministère de la Culture sur un pacte suite au rapport de Caroline Sonrier : quelles ont été les réponses et sont-elles à la hauteur de vos attentes ?
Le pacte qui devait être proposé par le Ministère de la Culture n’a toujours pas été signé. Il y a eu un changement de ministre et nous attendons encore ce geste de réengagement de la part de l’État. Je reste toutefois optimiste quant à une signature future de ce pacte : nous avons fondamentalement besoin que le Ministère dise à notre réseau l’importance qu’il lui accorde et reconnaisse les transformations qui ont été opérées ces dernières années. Entre temps, il y a eu le plan « Mieux produire, mieux diffuser » qui touche tous les acteurs du spectacle vivant, qui est bon à prendre en temps de crise puisque nous avons reçu quelques dizaines de milliers d’euros qui ont permis de faire quelques petits projets, mais à l’échelle d’un opéra, ce n’est pas suffisant pour remettre à niveau les opéras qui en ont besoin. Nous avons vu après le Covid que le lien avec le public reste très fort : le public est revenu très vite en nombre. Nous sommes à plus de 90% de remplissage sur nos deux salles, et à quasiment 100% sur le genre lyrique sur la saison dernière.
Votre saison 2024/2025 a pour thème « Interrogez vos forces » : pourquoi ?
Ce thème, qui est une citation littérale des Dialogues des Carmélites, découle des titres qui ont été choisis : l’enchainement des œuvres trace un fil rouge. Ce qui est frappant, c’est que tous les ouvrages que nous représentons entrent en résonnance forte avec le monde d’aujourd’hui, même lorsqu’ils ont été composés il y a des siècles. La force des œuvres est toujours impressionnante. Cette année, les ouvrages que nous représentons ont en commun des personnages ayant une forme de résilience, de résistance et d’engagement. Le monde intranquille dans lequel nous vivons nous oblige à nous questionner : ces grands ouvrages nous amènent à réfléchir à nos ressources profondes, à ce que nous sommes, ce que nous voulons.
Vous ouvrez votre saison avec Aida, qui bénéficiera du dispositif Opéra en direct : pourquoi avoir choisi ce titre ?
Opéra en direct permet de rencontrer les spectateurs là où ils sont dans l’espace public. L’opération a eu un succès extraordinaire l’an dernier avec Carmen : cela montre la popularité de ces grands ouvrages. C’est un moment de fête et nous voulons montrer des œuvres qui ont vocation à rassembler les publics les plus divers. Tout comme on connait tous des extraits de Carmen, tout le monde connait la fameuse marche triomphale d’Aida, qui pourtant ne résume pas l’œuvre, loin de là. C’est une coproduction avec le Festival de Savonlinna mise en scène par Philipp Himmelmann avec qui nous avons déjà fait Simon Boccanegra.
Pouvez-vous nous présenter la distribution ?
Elle est marquée par des débuts sur la quasi-totalité des rôles, ce qui devient notre marque de fabrique. Cela ne veut pas dire que nous engageons des chanteurs débutants : ce ne peut pas être le cas sur des rôles de premier plan sur un ouvrage comme celui-ci. Ce sont des artistes que nous suivons et qui savent qu’ils peuvent bénéficier ici d’un environnement confortable et bienveillant pour se confronter à un rôle pour la première fois. Ainsi, Joyce El-Khoury débutera dans le rôle-titre. C’est un choix qui est en adéquation avec la conception de l’œuvre et de la mise en scène que nous souhaitions porter : si le cadre de l’histoire est grand dans Aida, son intrigue est finalement assez intimiste et sa musique est parmi les plus raffinées que Verdi ait écrites. Nous retrouverons Pierre Bleuse, qui était venu pour le Trouvère, à la direction musicale.
En novembre, vous présenterez Ariane à Naxos de Strauss : qu’est-ce qui vous a attiré dans cette œuvre ?
C’est un ouvrage dont nous parlons depuis longtemps avec notre directeur musical Ben Glassberg car il donne une place importante aux capacités d’un orchestre et à ses solistes. C’est un orchestre réduit, mais qui sollicite le talent et la technicité des musiciens : Ben Glassberg voulait faire ce travail avec notre effectif. Il s’agira d’une nouvelle collaboration avec Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, avec qui nous entretenons une relation de fidélité. C’est une production qui a déjà été présentée à Limoges. Fidélité encore, Sally Matthews, qui est très proche de Ben Glassberg, fera sa première Ariane chez nous. John Findon sera un Bacchus attendu, Caroline Wettergreen, que nous suivons depuis un moment mais qui viendra pour la première fois à Rouen, sera à découvrir dans le rôle pyrotechnique de Zerbinette et Paula Murrihy, qui a été repérée par Ben Glassberg, sera le Compositeur.
En décembre, Le Banquet Céleste présentera Le Couronnement de Poppée en concert à la Chapelle Corneille : pourquoi présentez-vous ce projet ?
C’est un ouvrage qu’ils ont déjà monté, avec une belle équipe de chanteurs français. Le concert sera donné au Théâtre des Champs-Élysées avant : c’était donc l’occasion de faire redémarrer une tournée. C’est un ouvrage qu’on aime beaucoup et qui n’a jamais été présenté à Rouen. Le cadre de la Chapelle Corneille, avec son acoustique, sera idéal.
Pourriez-vous nous parler de Tiphaine Raffier, qui mettra en scène les Dialogues des Carmélites en janvier ?
Tiphaine Raffier est l’une des plus brillantes jeunes metteuses en scène actuelles. Elle vient d’adapter avec beaucoup de succès le Némésis de Philip Roth à l’Odéon, qui fait aujourd’hui une belle tournée en France. Ce seront ses débuts à l’opéra : nous en sommes très heureux car elle a refusé beaucoup de propositions d’éminentes maisons ces dernières années. Ce que j’aime dans son théâtre, c’est que ce sont toujours des projets très collectifs, dans lesquels la musique en direct a toujours une place importante, qu’il s’agisse de musiciens classiques ou non. Elle était déjà d’une certaine manière dans l’opéra, par sa narration, sa dramaturgie, sa façon de faire exister ses personnages. Dialogues des Carmélites est une œuvre qui lui parle beaucoup. Elle va rebattre nos habitudes de production et de conception de spectacle.
Quelle est sa vision de l’ouvrage ?
Ce qui l’a frappée, c’est la question de la liberté que nous avons individuellement lorsque l’on est pris dans des évènements aussi forts que ceux qui se produisent dans cet ouvrage. Comment une période de terreur et de révolution génère aussi des mouvements contestataires et contre-révolutionnaires ? Est-ce que l’échappatoire spirituelle en est vraiment une et est-ce consubstantiel à la lutte ? Ce sont des questions très profondes que porte cette œuvre.
Pourquoi avoir choisi de présenter cette œuvre ?
Ben Glassberg et moi voulions la programmer depuis longtemps. C’est un ouvrage qui devient comme un compagnon de vie dès qu’on le découvre : on a du mal à s’en défaire. Ce qui est formidable avec cette œuvre, c’est que tout le monde l’adore. Quand on la propose aux artistes, ils ont tous envie de la faire. C’est aussi pourquoi nous n’aurons sur cet ouvrage que des prises de rôles. Lorsque j’ai proposé à Hélène Carpentier de chanter le rôle de Blanche, le soir de la première d’Iphigénie, elle a fondu en larme car c’était le rôle dont elle rêvait. Ça a été le cas avec tout le monde. Nous avons beaucoup discuté avec Lucile Richardot du rôle qu’il fallait lui confier. Nous aurons aussi Jérôme Boutillier en Marquis, Julien Henric en Chevalier de la Force, François Rougier en Aumônier : ce ne sont que des fidèles de la maison, avec qui nous avons beaucoup cheminé.
En février, vous présentez un titre original : Le Docteur Miracle de Bizet. Pourquoi ce choix ?
Cette production est un bon exemple de l’évolution du projet de la maison puisque nous la créons hors les murs avec l’Orchestre Régional de Normandie. Sa forme est pensée dès le départ pour être agile et s’adapter à tous les théâtres et les lieux de la région qui ne sont pas faits pour de l’opéra, mais qui ont vocation à l’accueillir sur la dizaine de dates de la tournée. Il faudra notamment pouvoir faire sans fosse. Il s’agira d’une orchestration nouvelle qu’on a commandée pour l’occasion. C’est un ouvrage idéal pour ce projet car la musique est délicieuse, le livret est savoureux. C’est une collaboration avec le Palazzetto Bru Zane : ce Docteur miracle existera aussi dans une forme élargie qui sera présentée en fin de saison au Théâtre du Châtelet, couplée avec L’Arlésienne. Ces nouveaux modes de production, qui nous font travailler ensemble avec des conceptions scéniques qui peuvent être adaptées en fonction des impératifs de chacun, sont aussi une réponse à la crise que nous traversons. Ces réflexions sont assez stimulantes.
Qu’attendez-vous de la mise en scène de Pierre Lebon ?
Pierre Lebon, un fidèle du Palazzetto Bru Zane, est un metteur en scène et un acteur agile qui sait s’adapter à tous les cas de figure. Ce sera du théâtre de tréteaux, avec un décor qui sera monté le jour même : nous avions besoin de quelqu’un qui puisse être partie prenante. Il a bien démontré cette capacité d’adaptation et son amour du jeu.
Pourquoi avoir choisi Alphonse Cemin pour diriger cet opus ?
Il s’agira d’une orchestration réduite : ce sera un vrai travail de chef de chant, dans toute sa noblesse, pour accompagner les chanteurs, s’adapter et respirer avec eux. Alphonse fait déjà cela très bien de longue date depuis le piano, mais aussi avec un orchestre : il a déjà tenu ce rôle avec nous dans un opéra participatif. Il est très proche des chanteurs et l’opéra lui va bien : il dirigera d’ailleurs également la production d’ouverture de saison de l’Opéra du Rhin [il s’agira de Picture a Day Like This de George Benjamin, ndlr].
Vous poursuivrez la tradition des opéras participatifs avec L’Île Indigo de Julien Le Hérissier : pouvez-vous nous présenter ce projet ?
C’est un projet de spectacle musical créé à l’initiative du Théâtre du Capitole de Toulouse avec l’Orchestre National d’Île-de-France, qui est déjà passé par la Philharmonie de Paris. Ce n’est pas tout à fait un opéra participatif, mais plus un conte musical interactif. Cela nous laisse le temps de préparer une nouvelle production participative, comme nous les faisions avant la crise, pour la saison suivante. Nous retrouverons nos partenaires habituels, comme le Théâtre des Champs-Élysées.
Enfin, en juin, vous retrouvez Rossini avec Sémiramide, après Tancrède cette saison : pourquoi ?
Nous avons l’esprit d’escalier : lorsque nous avons commencé à travailler à Tancrède avec Pierre-Emmanuel Rousseau et Dieter Kaegi [le Directeur du Théâtre Orchestre Bienne Soleure qui est coproducteur, ndlr], j’avais envie de faire cet autre grand ouvrage sérieux de Rossini sur une pièce de Voltaire. Cela permettait de montrer le chemin parcouru par Rossini dans son écriture et son orchestration. Nous avons eu l’idée de travailler les deux ouvrages comme un tout, l’un répondant à l’autre. La dramaturgie sera dans une évolution par rapport à Tancrède, dans une scénographie reprenant les bases du premier opus, mais en encore plus grand. C’est aussi une réponse que nous apportons sur les questions écologiques et économiques.
Comment avez-vous construit la distribution ?
C’est un ouvrage qui a participé à créer la légende de certaines artistes, de Montserrat Caballé à Jessye Norman en passant par Marilyn Horne : nous sommes très heureux que Karine Deshayes chante le rôle-titre pour la première fois en version scénique. Franco Fagioli est l’un des seuls contreténors qui a aujourd’hui l’abattage, la projection et la technique pour affronter un rôle aussi long, aussi lourd et aussi dense qu’Arsace qu’il avait déjà fait à Nancy. Ce sera une soirée où le beau chant sera mis à l’honneur.
Était-ce une gageure de rassembler ces artistes ?
Oui, mais nous avons su rapidement que nous les aurions. Comme Tancrède, ce sont des ouvrages qui reposent sur la capacité des interprètes à les faire vivre. Nous savions que Karine Deshayes rêvait de chanter le rôle. Cela fait aussi partie de nos missions de jouer ces ouvrages, même s’il est difficile de trouver les chanteurs, car il ne faut surtout pas que ces chefs-d’œuvre disparaissent du répertoire. On en oublierait la tradition et la beauté. Beaucoup de spectateurs de Tancrède ne comprenaient pas pourquoi cet opus n’était plus souvent donné tant il est beau et qu’il fonctionne bien.
Qui est Valentina Peleggi qui dirigera l’opus ?
C’est une jeune cheffe italo-américaine, qui est très enthousiaste à l’idée de se confronter à ce monument. Nous l’avons identifiée grâce au travail de repérage de jeunes chefs que nous menons avec Ben Glassberg. Il l’avait entendue dans Rossini en Angleterre et il avait très envie de lui confier cette production.
Autour de cette programmation lyrique principale, vous proposez de nombreux concerts et évènements. Ainsi, Les Quatre Saisons seront interprétées par Le Concert de la Loge et chorégraphiées par Mourad Merzouki : pouvez-vous présenter ce projet ?
Nous sommes attentifs aux projets de Julien Chauvin et de son ensemble. Notre saison est pluridisciplinaire et la danse y prend une part importante : j’aime que les maisons d’opéra puissent montrer de la danse avec de la musique en direct, ce que nous faisons régulièrement avec notre orchestre, notamment avec Angelin Preljocaj. Cette fois, cela s’inscrit dans un compagnonnage avec Julien Chauvin qui dirigera aussi nos musiciens dans un programme Mozart, Devienne à la Chapelle Corneille au printemps.
Vous proposerez le Stabat Mater de Scarlatti dirigé par Simon-Pierre Bestion avec une mise en scène de Maëlle Dequiedt : à quoi faut-il s’attendre ?
C’est une part de notre mission que de travailler sur les formats émergeants de l’opéra. Le travail que nous faisons sur les petits formats en diffusion régionale en fait partie et ce Stabat Mater également : il s’agit de s’emparer de notre répertoire musical pour en faire un vrai acte de création de théâtre musical. Simon-Pierre Bestion et La Tempête sont un chœur d’un niveau formidable et qui a beaucoup travaillé la question du format scénique des concerts. Je me souviens notamment des Vêpres de Rachmaninov dans un grand rituel de lumière, qui était très beau. J’ai trouvé cette idée d’adaptation du Stabat Mater de Scarlatti très pertinente. C’est un projet savoureux qui ressemble à un film choral de Robert Altman, où la musique sert de prétexte pour faire parler le monde d’aujourd’hui. C’est un spectacle très fort, très émouvant, très impertinent, qui parle de nos relations avec notre mère, de cette mère qui se tient debout face aux difficultés. C’est aussi un spectacle qui parle avec beaucoup d’ironie de la crise des papes et des jeux de pouvoir au XVIIème siècle. C’est un vrai travail de théâtre musical : les acteurs sont aussi des chanteurs et des musiciens et tous s’emparent d’instruments musicaux, sur lesquels Simon-Pierre Bestion a fait beaucoup d’adaptations. Par exemple, une chanteuse s’empare d’une guitare basse et en joue sur des rythmes cubains : tout cela est très vivant, très réjouissant et très émouvant à la fin.
Vous proposerez également le Poème de l’amour et de la mer dirigé par Ben Glassberg avec Stéphane Degout : pourquoi avoir eu envie de présenter ce programme ?
Je suis de la même génération et du même coin de la France que Stéphane Degout : nous nous connaissons depuis longtemps. J’aimerais beaucoup pouvoir lui offrir un jour un rôle qui correspond à ses envies et à son calendrier, mais il fait une telle carrière que ce n’est pas évident. Or, je savais qu’il souhaitait chanter des mélodies avec orchestre : voilà quelque chose qu’il pouvait venir faire ici.
Autre évènement de la saison, le récital de Lea Desandre et Alexandre Kantorow : pourquoi cette invitation ?
Voilà encore une histoire de fidélité : Lea et Alexandre étrennent une nouvelle collaboration et un nouveau programme qu’ils ne donneront que trois ou quatre fois la saison prochaine. Nous sommes très proches de Lea Desandre depuis qu’elle a fait sa première Rosina ici. Son Ensemble Jupiter a enregistré ses disques chez nous à la Chapelle Corneille. Elle est très attachée à la maison. Il faut être à l’écoute de ce que les artistes eux-mêmes ont envie de proposer et de porter comme projets car ce sont souvent des désirs profonds qui sont bien plus nourris que les idées que nous, programmateurs, pouvons avoir pour eux.
C’est l’avantage que m’offre la Chapelle Corneille : je peux y programmer, moins en amont, les projets du moment que portent les artistes. Cela s’applique notamment aux ensembles résidant en Normandie : Le Poème Harmonique, Les Musiciens de Saint-Julien ou Correspondances, et bien évidemment accentus qui est résident à l’Opéra et qui proposeront deux très beaux projets avec l’orchestre et Laurence Equilbey : Beethoven Wars et Van Gogh, Klimt and me qui va être magnifique, en immersion dans les peintures, animées, de Van Gogh.