Synopsis
Ariane à Naxos
Un riche bourgeois de Vienne organise une représentation d'un opera seria superposé à une farce burlesque, au grand dam du compositeur du premier. L'opéra qui suit dépeint la solitude d’Ariane, abandonnée par Thésée, alors que les comédiens comiques cherchent à la divertir de son malheur et à lui faire reprendre goût à la vie.
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Création de l'opéra
Ariane à Naxos (Ariadne auf Naxos) est un opéra en allemand de Richard Strauss (1864-1949), en un prologue et un acte, sur un livret d'Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) inspiré du Bourgeois gentilhomme (1670) de Molière. L'idée de prendre comme base une pièce du père de la comédie française remonte à l'époque du travail préparatoire sur Le Chevalier à la rose (1911). En effet, c'est au cours de ses recherches d'une pièce à adapter en livret pour Strauss qu'il découvre cette pièce. Il émet alors l'idée d'en faire une adaptation dans laquelle il mêlerait le sérieux et le comique et imagine une pièce où un opera seria (Ariane à Naxos d'après le huitième livre des Métamorphoses d'Ovid) et une comédie (jouée dans le genre de la commedia dell'arte) seraient des divertissements offerts par monsieur Jourdain à ses invités lors de l'une de ses soirées mondaines. Ce mélange de genres et de tons lui permettrait notamment de travailler sur les oppositions de personnages et de dépeindre deux interprétations de la fidélité à travers un double portrait de femme : Zerbinetta, une jeune femme légère qui collectionne les amants, et Ariane qui a juré son éternelle fidélité à un seul homme (Thésée). Lorsqu'il fait part de ce projet à Strauss, Hofmannsthal se heurte à l'incompréhension et l'indifférence du compositeur. Il lui fallut beaucoup de patience et d'obstination pour expliquer à Strauss la complexité de l'histoire et lui en montrer l'intérêt. Finalement, ce dernier finit par se laisser convaincre et une première version de l'opéra fût créé à Stuttgart le 25 octobre 1912 au Neues Königliches Hoftheater.
Mais le succès n'est pas au rendez-vous pour plusieurs raisons. Dans cette première version, l'opéra était précédé d'une adaptation en 2 actes de la pièce de Molière par Hofmannsthal, ce qui donnait un spectacle d'une durée incroyable de presque 6 heures. Une véritable épreuve pour le public. D'autre part, cet opéra demandait à la fois une troupe de comédiens et de chanteurs ce qui rendait sa production impossible dans la plupart des théâtres parce que trop cher et inexécutable d'un point de vue technique. Ces difficultés n'ont pas empêché sa reprise dans plusieurs théâtres européens comme ceux de Munich, de Prague ou encore de Londres. Mais à chaque fois, les représentations étaient suivies de fortes critiques de la part des professionnels et du public.
Devant cet échec, Hofmannsthal décide de remanier le livret et propose à Strauss dès juin 1913 une nouvelle version où la comédie-ballet de Molière a disparu au profit d'un prologue chanté qui dépeint les minutes précédant les deux spectacles donnés en l'honneur des invités d'un bourgeois de Vienne. Pour régler les problèmes dramaturgiques survenus après la suppression de la pièce, il invente le rôle parlé du Majordome qu'il charge d'expliquer pourquoi il y aura la superposition des deux œuvres : celle de la farce burlesque interprétée par une troupe de commedia dell'arte et un opera seria composé pour l'occasion par un jeune compositeur. Strauss accepte de se pencher sur la musique de la nouvelle version en 1916 et la création le 4 octobre 1916 au Wiener Hofoper (maintenant Wiener Staatsoper) de Vienne eu un succès immédiat. Cette version, la plus montée jusqu'à ce jour, a été jouée 93 fois jusqu'en 1934 à Vienne, et a été donnée partout en Europe comme à Berlin, Budapest, Amsterdam, Londres, puis à partir de 1928 aux États-Unis et eu à chaque fois un succès retentissant.
Le comique d'Ariane à Naxos
Le comique d'Ariane à Naxos dérive des traditions de la commedia dell'arte, un genre théâtral populaire improvisé inventé en Italie au cours du XVIIe siècle. La commedia dell'arte met en scène des situations conventionnelles qui aboutissent à un dénouement heureux où le comique de répétition (essentiellement gestuel) est de mise. Ces comédies improvisées obéissaient à des règles dramaturgiques très précises : des personnages types comme celui d'Arlequin étaient improvisés à partir d’une histoire dont la trame préétablie avait des allures de satire sociale. Dans Ariane à Naxos, Hofmannsthal introduit cinq personnages types de ce genre italien, ceux appartenant aux genres des lazzi (des valets) : Arlequin, Scaramouche, Truffaldin, Brighella et Zerbinetta que l'on peut apparenter à Colombine. Ces personnages appartiennent à la troupe de comédien qui a été invitée à jouer une farce à la suite de l'opéra. Finalement obligés d'intégrer leur comédie dans l'opéra, ils tentent de divertir Ariane par leurs bouffonneries. À travers ce décalage de ton, Hofmannsthal accentue l'ineptie et l'aberration du comportement d'Ariane, qui se laisse aller à la fatalité. Enfin, puisque commedia dell'arte rime avec absurde, Hofmannsthal concilie l'inconciliable en imaginant la superposition de deux œuvres aux genres et tons différents.