Loïc Lachenal : « L’Opéra de Rouen n’a jamais attiré autant de monde »
Loïc Lachenal, l’Opéra de Rouen a été particulièrement impacté par l’inflation ces derniers mois : quelle est la situation aujourd’hui ?
La situation est en partie stabilisée, mais nous restons au milieu du gué. L’Opéra de Rouen a une fragilité historique de son modèle et de son niveau de financement par rapport au cahier des charges attendu. Nous avons donc été impactés par la crise inflationniste alors que nous étions déjà dos au mur financièrement. Il nous fallait réagir et nous avons, comme d’autres opéras, adapté la fin de notre saison 2022/2023. Nous sommes aussi au milieu du gué institutionnel : nous continuons de travailler avec les partenaires publics à la mise en adéquation de nos moyens et de nos missions. Nous avons besoin de cette clarification car l’enchaînement des crises épuise les équipes et est porteur d’interrogations, voire de déstabilisation. Il faut absolument que nous retrouvions un cadre serein, d’autant que nos métiers nécessitent une projection sur plusieurs années et qu’il nous faut du coup un minimum de visibilité sur nos moyens financiers.
Quel bilan faites-vous de la saison écoulée ?
Paradoxalement, la maison fonctionne très bien avec le niveau d’activité que nous avons défendu cette saison, soit une programmation dense et riche. L’Orchestre a donné toute sa plénitude et le public a suivi puisque nous sommes à plus de 95% de remplissage sur l’ensemble de la saison. Nous avons accueilli plus de 90.000 spectateurs, dont un tiers est venu pour la première fois : nous n’avons jamais attiré autant de monde à l’Opéra de Rouen. Nous ne sommes donc pas en crise de spectateurs et il faut conforter cette réussite. Nous restons un opéra sobre par rapport à l’impact que nous avons en termes d’activité et de nombre de projets. L’ambition ne nous a jamais quittés mais cela ne veut pas dire que les solutions ont été trouvées. Il reste de beaux projets malgré les arbitrages que nous avons dû opérer. Au niveau national, la baisse d’activité correspond à l’annulation des saisons complètes de deux maisons : cela fait autant de travail en moins pour les artistes (notre Chœur aura par exemple 30% de travail en moins la saison prochaine), mais aussi autant de propositions en moins pour les spectateurs. À Rouen, nous accueillerons 15.000 spectateurs en moins la saison prochaine, soit l’équivalent d’un théâtre de ville. Au niveau national, il y aura 200.000 spectateurs de moins. Cette situation s’inscrit dans un long processus (décrit dans le rapport rédigé par Caroline Sonrier), qui avait déjà abouti, avant cette nouvelle crise, à une perte de 20 à 30% du nombre de représentations d’opéra.
Quelle est à vos yeux la solution ?
Cela fait des années que les maisons d’opéra et les orchestres se sont emparés de missions sociales qui n’ont jamais été financées. Le Ministère de la Culture fera des annonces en marge des festivals suite aux travaux menés depuis le rapport de Caroline Sonrier, avec un pacte qui doit être proposé pour mieux accompagner nos maisons. Tout l’enjeu sera ensuite de décliner ce pacte maison par maison, car nos situations sont très différentes d’un établissement à l’autre. Il faut une impulsion politique : cette prise de parole de la Ministre est très attendue. Cela devrait nous réarmer politiquement sur l’intérêt de nos structures : s’il n’y a pas de volonté politique, rien ne peut se passer. Mais il y a aussi une grosse attente financière sans quoi nous rentrerons dans une spirale décliniste qui débouchera immanquablement sur des questions sur l’intérêt de nos maisons, dès lors qu’elles seront empêchées de produire et de créer. La situation était déjà difficile il y a deux ans, lorsque Caroline Sonrier a remis son rapport, et nous avons été très fragilisés depuis par le contexte économique. Cela nous place dans un contexte urgent de crise et nous espérons que ces annonces permettront d’y répondre.
L’an dernier, vous appeliez de vos vœux des États généraux : ont-ils eu lieu ?
Il n’y a pas eu d’États généraux, mais des ateliers de travail sous l’égide du Ministère pour arriver à ce pacte qui sera annoncé sous peu. Au point où on en est, il n’est de toute façon plus temps de faire des États généraux car cela relancerait un long processus, alors que la situation requiert des actions immédiates. Il faut que le Ministère replace un cadre, redise sa volonté et son ambition ainsi que ses capacités et ses financements afin que cela puisse être rapidement décliné maison par maison. Même si le contexte et la situation de chaque opéra est différent, ce sont toujours les mêmes ingrédients qui mettent les maisons en difficulté.
Vous avez été renouvelé en 2020 jusqu’en 2025 à la tête de l’Opéra de Rouen : comment voyez-vous la suite ?
Nous arrivons à la fin de la première période de conventionnement du théâtre lyrique d’intérêt national : nous réfléchissons donc pour son renouvellement à un nouveau projet qui doit être lié au projet du directeur, qui lui-même doit prendre en compte le nouveau cahier des charges qui sera fixé suite au pacte annoncé dans quelques jours. La décision quant à mon renouvellement interviendra donc dans le trimestre de la rentrée, en même temps que le renouvellement de la convention : tous ces enjeux trouveront leur conclusion de manière concomitante, pour de bonnes raisons.
Sur quel thème avez-vous construit votre saison ?
Notre slogan, « Déclarez l’amour », est quelque chose de très volontariste. Alors que les vents sont contraires, nous en revenons à ce sentiment premier qui donne la force de se dépasser, d’aller plus loin. Ce n’est pas un sentiment monolithique, comme le montreront les différents ouvrages que nous présenterons la saison prochaine, à commencer par Carmen. Lucile Richardot viendra d’ailleurs en récital avec des mélodies d’amour, mais d’amour consommé cette fois, dans Les nuits d’une demoiselle, avec son talent de conteuse.
Vous lancerez votre saison avec Carmen, qui sera diffusé sur grand écran en plein air à Rouen et partout en Normandie : quelle importance accordez-vous à cet évènement ?
C’est encore plus important que d’habitude : malgré tout ce qui est dit sur ce qui serait supposé être le public de l’opéra, ce public est fidèle et se renouvelle. Notre pouvoir d’attraction existe donc, grâce à ce type d’opération et toutes les autres que nous organisons. Un enfant sur quatre de la métropole vient chaque saison dans le cadre de nos actions culturelles. Tout cela crée une appétence qui progresse. Ces évènements gratuits font ensuite venir de nouveaux spectateurs en salle. Bien sûr, au niveau national, seuls quelques pourcents des français auront été dans un opéra dans l’année, mais avec 20 théâtres en France, nous n’avons pas le même maillage que les salles de cinéma. Cette opération permet aussi de prendre notre place dans l’espace public : quand on pose un écran géant un samedi à 18h dans le centre-ville, nous nous y rendons visible au moment où ce cœur de ville est le plus battant. Au-delà d’un public un peu éloigné qui planifie sa venue pour cette retransmission, nous attirons également beaucoup de personnes qui se promènent, picorent un acte ou simplement quelques minutes, y trouvent une satisfaction et développent un avis plus positif sur notre institution. C’est une opération populaire gratuite et de grande ampleur. Et nous continuons de progresser : nous allons tester une nouvelle technologie de diffusion, qui ne passera plus par le canal satellite, ce qui nous permettra à terme d’accroitre le nombre de supports de diffusion de manière économiquement vertueuse.
Cest parti pour la retransmission en plein air du Barbier de Séville, sur le parvis de la Cathédrale de #Rouen ! Quel spectacle offert à tous ! Bravo à lOpera de Rouen Normandie ! pic.twitter.com/OsKdpqtJQa
— Robert PICARD (@rpicard) 5 octobre 2019
Pourquoi avoir choisi de présenter Carmen à cette occasion ?
Cet évènement doit être fédérateur : nous y refréquentons les grands ouvrages du répertoire. Or, tout le monde connait Carmen, même sans le savoir. Ces grands ouvrages sont aussi des moments de réconfort pour le public. Ils sont devenus des piliers du répertoire car ils sont universels.
La production de Romain Gilbert constitue un projet original du Palazzetto Bru Zane appliquant le concept de recréation à la mise en scène d’origine de l’œuvre : comment la présenteriez-vous ?
C’est en effet un contre-pied des relectures que nous proposons parfois de certains ouvrages, avec une dramaturgie décapante qui réveille les œuvres. Carmen a fait scandale avant de connaître un très grand succès, notamment dans une configuration qui a été redécouverte à la Bibliothèque nationale de France. Nous avons désormais tout le livret de mise en scène, le carnet du régisseur général, et toutes les esquisses du décor et des costumes, qui étaient envoyés avec les partitions à travers le monde pour que les théâtres s’en inspirent et les recréent. Nous partirons donc à la découverte de la Carmen qui a fait le tour du monde après 1875. Mais nous resterons dans l’idée d’un théâtre d’aujourd’hui : avec des décors qui ne nécessitent pas trois heures d’entracte à chaque changement, avec un jeu d’acteurs, une fantaisie et une poétique d’aujourd’hui.
Pouvez-vous présenter la distribution ?
Nous aurons de belles prises de rôles, attendues, notamment Marianne Crebassa en Carmen et Nicolas Courjal en Escamillo. Il était grand temps que Marianne aborde ce rôle et nous sommes ravis qu’elle ait accepté de le faire chez nous, et avec nous. C’est Ben Glassberg, avec qui elle avait enregistré son premier disque chez Warner, qui dirigera.
En décembre, vous présenterez une autre coproduction avec le Palazzetto Bru Zane, Ô mon bel inconnu : qu’aviez-vous pensé de la production lors de sa création ?
C’est l’occasion pour nous de présenter une comédie musicale, assez peu connue, de manière un peu savante : c’est un ouvrage particulier, qui n’est plus du tout de l’opérette et qui peut être considéré comme la première comédie musicale française, avec son alternance entre comédie et chant. C’est une œuvre assez délicieuse, entre le texte de Sacha Guitry et la musique de Reynaldo Hahn : cela provoque un certain ravissement. Ce focus sur la comédie musicale se verra prolongé par Lea Desandre (ce qui ne surprendra pas ceux qui ont suivi sa carrière) qui avait très envie de faire un spectacle dédié à la figure de Julie Andrews [notamment créatrice du rôle principal de My Fair Lady et interprète de Mary Poppins et de Maria dans La Mélodie du bonheur, ndlr], cette enfant précoce de la musique, du cinéma et de la comédie musicale américaine : ce spectacle sera ainsi créé à Rouen. Cyril Dubois avait aussi envie de rendre hommage à Gershwin et Kurt Weill dans une autre forme de récital : nous aurons donc plusieurs évènements autour de cette forme savante de comédie musicale, avec des projets qui sont vraiment portés depuis leur idée originelle par les artistes eux-mêmes.
Pouvez-vous présenter Marc Leroy-Calatayud qui dirigera la production ?
C’est un jeune chef que nous aimons beaucoup : nous devions travailler avec lui sur L’Elixir d’amour participatif pendant le Covid, qui avait été capté au Théâtre des Champs-Elysées mais n’avait pas pu venir à Rouen. Il est très proche des chanteurs, a beaucoup d’énergie. Cet univers pétillant lui ira très bien.
Pourquoi avoir choisi de présenter Tancrède de Rossini ?
Parce qu’il en appelle un autre, que je ne dévoilerai pas, mais que les connaisseurs pourront deviner [sans doute Semiramide, du même librettiste et également d’après Voltaire, ndlr], et qui sera confié à la même équipe de production dans un dispositif scénique très proche (dans une démarche vertueuse en termes environnemental, de réflexion en amont d’une déclinaison des décors). Il devrait y avoir aussi une très belle distribution. Tancrède fait partie des grands opéras sérieux de Rossini, qui permet de valoriser les chanteurs : la virtuosité vocale est mise en avant, surtout depuis les éditions de Zedda avec les tessitures originelles. Ce sera une fête de la voix.
Quel est le projet de mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau ?
Il avait été l’artisan du Barbier de Séville qui avait donné lieu à la prise de rôle de Rosine par Lea Desandre. C’est déjà Antonello Allemandi qui dirigeait. La fête vocale sera menée par Teresa Iervolino, Marina Monzó et Santiago Ballerini : ça va chanter et vibrer, dans un pur plaisir vocal et musical. Cette distribution fleure bon le Festival de Pesaro.
Quelle est l’origine de ce projet monté avec le Théâtre Orchestre Bienne Soleure ?
Ces collaborations se font souvent autour de projets et autour d’artistes. Pierre-Emmanuel Rousseau travaille régulièrement avec eux et avec nous : ils avaient déjà le projet de monter Tancrède, puis nous avons décidé ensemble d’élargir ce projet à un cycle de deux ouvrages.
Après La Clémence de Titus, c’est Don Giovanni que vous présenterez sur trois dates en version concertante : était-ce prévu ainsi dès le départ ?
Non, c’est un ajustement. Mais ce Don Giovanni sera intéressant malgré tout, d’abord pour la continuité du travail mené sur le répertoire de Mozart, qui est une spécificité de notre Orchestre et de notre Directeur musical. C’est une dramaturgie musicale formidable, sur une histoire qui n’en finit pas de nous questionner, dont nous aurions bien sûr aimé avoir la vision d’un metteur en scène. Et puis c’est une nouvelle occasion pour nous d’accompagner des artistes dans des prises de rôles, puisque ce sera le premier Don Giovanni de Huw Montague Rendall. Nous avons construit une belle histoire avec ce baryton : il a chanté son premier Pelléas ici. Il viendra d’ailleurs dans la maison une seconde fois en novembre en récital, ce qui permettra l’enregistrement de son premier disque chez Warner. Nous avons plaisir à l’accompagner dans sa carrière, qui se développe d’ailleurs très bien sans nous. Les artistes aiment avoir des ports d’attache pour porter des projets dans un cadre bienveillant.
Comment avez-vous conçu le reste de la distribution ?
La distribution est intéressante dans la catégorisation de chacun des rôles : nous aurons des profils vocaux différenciés et marqués dans leur vocalité. Ben Glassberg va probablement les lier dans un grand geste musical. Même en version de concert, cela devrait être très contrasté et vivant.
Vous clôturerez la saison avec Tristan et Isolde de Wagner, dans une mise en scène de Philippe Grandrieux : qui est-il ?
C’est un cinéaste français, qui a été professeur à la Fémis. Il travaille un cinéma de l’intime, du clair-obscur, du non-dit. Ces caractéristiques s’expriment par une recherche plastique afin d’explorer tout le spectre de la psychologie humaine. Or, Tristan et Isolde n’est que ça : l’action y est limitée et Wagner s’attarde sur l’évolution psychologique de cette histoire d’amour absolu. Il créera donc, dans cette coproduction avec l’Opéra des Flandres un dispositif complètement immersif pour entrer dans la musique qui porte de manière exacerbée un flot de sentiments : rien dans le dispositif ne viendra contraindre le torrent d’émotions que la musique procure. L’idée est d’entrer en immersion dans la scénographie, comme si on écoutait la musique les yeux fermés et que les images étaient des projections mentales de l’intrigue. C’est surtout une ode à Isolde, à sa fantasmagorie, son amour et son désir pour Tristan.
Ben Glassberg sera à la baguette : comment déterminez-vous les ouvrages qu’il dirige ?
Le choix se fait assez naturellement, à partir notamment d’une discussion que nous avons eue dès notre prise de contact, sur les ouvrages qu’il souhaitait diriger et ceux que la maison avait besoin de refréquenter selon les programmations passées. C’est un vrai plaisir de travailler avec lui sur ces sujets comme sur la saison symphonique. Nous commençons à récolter les fruits du travail que nous menons depuis sa nomination, notamment en termes de progression de l’Orchestre. Cette production sera un grand défi pour Ben Glassberg qui dirigera son premier Tristan et Isolde, et ce sera aussi un défi pour toute la maison car l’histoire de Wagner à Rouen est très marquée.
La production de Tannhaüser annulée pendant le Covid sera-t-elle reprise ?
J’aimerais beaucoup la montrer au public, d’autant qu’elle avait une séduction formelle. Cela avait été très douloureux de s’arrêter à cette étape de pré-générale. Il a donc d’abord fallu conjurer le sort et sortir de l’embouteillage de productions généré par le Covid. Pour des raisons d’équilibre de saison, ce ne pourra pas être pour tout de suite. Tout dépendra aussi des conclusions du travail sur notre cahier des charges.
Pouvez-vous présenter Les 12 Travaux d’Hercule, qui sera présenté au Festival Berlioz cet été ?
Ce devait être créé à Rouen, mais ce sera en effet finalement d’abord présenté au Festival Berlioz, ce dont nous sommes très heureux. C’est un projet que nous avons depuis longtemps avec l’Ensemble Musicatreize et Zad Moultaka qui est un magnifique compositeur, mais aussi un créateur tous azimuts : un scénographe, un plasticien, etc. Ce qui est intéressant dans cette proposition, c’est que ce n’est pas une simple illustration des 12 travaux d’Hercule : se pose la question de savoir qui serait le Hercule d’aujourd’hui, et quelles seraient ses missions ? Cela permet de parler de notre monde, de la planète.
À quoi ressemblera Le Livre de la jungle de Marc-Olivier Dupin ?
L’Opéra de Rouen mène de multiples actions pour le jeune public et les familles. Voici donc un nouvel opus de Marc-Olivier Dupin, basé sur l’ouvrage original de Kipling. C’est une version bien plus complexe que celle de Walt Disney, dans laquelle les animaux sont doués de parole et d’intelligence. C’est une parabole du monde.
Pourquoi n’y a-t-il pas d’opéra participatif cette saison ?
En effet, la situation économique nous contraint à faire des choix et des arbitrages. Celui-ci est très douloureux tant ces productions ont pris leur place dans la maison et sont souhaitées par nos équipes. Le contexte économique ne permet absolument pas de le faire cette année. Pour autant, nos actions envers les familles et les enfants restent maintenues à un très haut niveau d’offre. Nombre de concerts feront ainsi l’objet de représentations scolaires, nous aurons le grand festival Big bang entièrement gratuit ou presque, mais aussi La Belle au bois dormant revue par le Collectif Ubique. Au global, nous n’avons maintenu le nombre de représentations dédiées aux scolaires. Mais il n’est bien sûr pas possible de maintenir tous les projets avec un tel manque de financement.
Pouvez-vous présenter le programme Vivaldi/Telemann avec Bruno De Sá ?
Bruno De Sá est un artiste que nous aimons beaucoup. Nous avions déjà voulu l’engager sur Tannhaüser en 2020 : il n’avait pas pu le faire et nous avions invité un autre excellent contreténor. Mais nous avons continué de le suivre depuis, et nous l’avions invité en 2022 avec son programme Roma Travestita. Et nous le retrouverons donc la saison prochaine avec Rinaldo Alessandrini qui viendra diriger notre orchestre pour la première fois, dans des pièces de Vivaldi et Telemann. C’est une spécificité de l’Orchestre de l’Opéra que de pouvoir aborder beaucoup de répertoires : il pourra ainsi poursuivre ce travail sur une vision historicisante, avec des instruments d’époque, comme nous l’avions déjà fait dans Serse cette saison.
Pouvez-vous présenter la saison chorégraphique ?
Là encore, du fait des arbitrages que nous avons dû faire, les amateurs de danse trouveront une saison un peu réduite. Dans ce domaine aussi, c’est une histoire de fidélité : nous ferons un gros clin d’œil aux ballets russes avec Angelin Preljocaj à qui j’avais dit il y a longtemps que je serais le premier à l’inviter s’il remontait Noces de Stravinsky, l’un de ses premiers grands chefs-d’œuvre. Il présentera aussi Annonciation, un autre de ses magnifiques succès, ainsi qu’une nouvelle pièce. Nous verrons aussi Thierry Malandain et le Ballet Biarritz pour Le Sacre du printemps et L’Oiseau de feu.
Qu’en est-il du reste de la saison symphonique
Nous inviterons de nombreux ensembles indépendants car aujourd’hui, c’est tout l’écosystème du spectacle vivant et de la musique qui est en difficulté et ils sont eux-mêmes très touchés : ce sera donc une saison de fidélité avec ceux que nous côtoyons depuis des années. Nous célèbrerons les 30 ans d’accentus qui seront très présents, le Poème Harmonique présentera leur mythique Carnaval baroque, une grande fête du cirque, de la jongle et de l’acrobatie sur les plus belles pages de la musique du XVIIème et XVIIIème siècle. Nous retrouverons Les Musiciens de Saint-Julien qui résident en Normandie, et Correspondances bien entendu.
Nous souhaitons être au carrefour des grands ouvrages que nous avons déjà joués, mais proposés avec de nouveaux solistes à découvrir (comme Francesca Dego ou Boris Giltburg, magnifique pianiste qui jouera un concerto de Mozart), et de compositeurs oubliés ou de compositrices à qui nous voulons faire une place toute particulière : il y aura par exemple un programme de gala avec des extraits d’œuvres de ces musiciennes de légende, mené par Chloé Dufresne et Marina Chiche qui présentera la soirée dans la continuité de son livre et jouera quelques pièces au violon. Nous aurons de nombreuses invitations de femmes cheffes d’orchestre cette saison : nous n’avons d’ailleurs pas attendu la prise de conscience collective, Laurence Equilbey en est un exemple. Nous retrouverons également des artistes très fidèles qui aiment venir à Rouen enregistrer, comme Thibaut Garcia ou Bruno Philippe qui vient faire l’intégrale des suites de Bach pour violoncelle seul : c’est une joie pour nous que les artistes considèrent l’Opéra et la Chapelle Corneille comme leur maison.