Suzanne Sarroca, une grande dame du chant français nous a quittés
Élevée dans le quartier animé de la Trivalle, où ses parents tenaient une épicerie, Suzanne Sarroca découvre le chant à l’occasion de la projection du film de Sacha Guitry, La Malibran, avec Geori Boué.
La jeune artiste en devenir part étudier au Conservatoire de Toulouse de 1946 à 1948, avant de débuter dans sa ville natale en Charlotte de Werther, étant alors mezzo-soprano, et ce grâce à Louis Izar, ancien ténor et directeur du Théâtre du Capitole de Toulouse qui l’aura repérée rapidement.
Sa notoriété grandissante fait que Le Théâtre de La Monnaie de Bruxelles l’engage pour Carmen et Charlotte. Elle reviendra régulièrement sur la scène bruxelloise notamment pour Salomé d’Hérodiade de Massenet auprès de Rita Gorr, puis pour Octave du Chevalier à la Rose avec Elisabeth Schwarzkopf en Maréchale.
L’année 1952 marque par ailleurs ses débuts à l’Opéra de Paris comme grand soprano lyrique en Tosca, abordant plus tard des rôles plus dramatiques. Au Palais Garnier, sa présence au premier plan va s’étendre sur presque une trentaine d’années. Elle y chante la Marina tentatrice de Boris Godounov en 1953 auprès de Boris Christoff (le Tsar Boris) et José Luccioni (Dimitri), ainsi que Senta du Vaisseau Fantôme.
Lors de la représentation à l’Opéra de Paris d’Oberon de Weber, elle incarne Rezia auprès de Nicolai Gedda (Huon) sous la baguette d’André Cluytens. Son incarnation vibrante d’Aïda, elle qui dispose d’un contre-ut facile, lui ouvre les portes des grandes maisons d’opéras.
Un autre rôle, celui d’Elisabeth de Valois du Don Carlo de Verdi auprès de Franco Corelli notamment marque les esprits. Puis elle s’empare du rôle d’Octave du Chevalier à la Rose auprès de Régine Crespin déjà, puis d’Elisabeth Schwarzkopf ensuite.
En 1972, sous la baguette de Georges Prêtre, elle aborde le rôle de Blanche de la Force de Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc avec Régine Crespin (Madame Lidoine) et Denise Scharley (Madame de Croissy), deux des créatrices de l’ouvrage. L’arrivée de Rolf Liebermann l’année suivante -ce dernier l’admirant beaucoup-, à la tête de l’Opéra de Paris lui offre des opportunités nouvelles : Musetta au sein de la nouvelle production de La Bohème signée par les soins de Gian Carlo Menotti auprès de Katia Ricciarelli et Luciano Pavarotti notamment, Giulietta des Contes d’Hoffmann dans la mise en scène mythique de Patrice Chéreau (1974) ou Junon de Platée de Rameau salle Favart auprès de l’incontournable Michel Sénéchal dans le rôle-titre. À l’Opéra Comique, la présence de Suzanne Sarroca fut tout aussi importante avec Louise, Santuzza ou Tatiana d’Eugène Onéguine entre autres, et tout particulièrement Tosca.
La cantatrice se produit sur pratiquement toutes les scènes françaises, de Toulouse (La Reine de Saba de Gounod sous la baguette de Michel Plasson), Marseille en passant par Lyon, Nice (Tosca avec Corelli) et Strasbourg (Mère Marie de l’Incarnation).
Malheureusement, malgré sa notoriété, Suzanne Sarroca n’a pas énormément enregistré (une Tosca complète), mais des documents pris en direct permettent de retrouver cette voix authentique, aux superbes assises et à l’aigu flamboyant. Sa haute et fine silhouette, son élégance innée, son tempérament dramatique firent merveille. Après avoir dirigé l’Opéra Studio de l’Opéra du Rhin, et être devenue professeure de chant, Suzanne Sarroca -femme au caractère enjoué et toujours souriante- s’était discrètement retirée dans son appartement à Paris, avant de rejoindre sa famille à Carcassonne ces dernières années. Elle y décède à l’âge de 96 ans.