Ambronay 2023 : "Le Don de la Vie éternelle"
Leonardo García Alarcón revient avec sa Cappella Mediterranea à Ambronay où il a enregistré Le Déluge universel (Il diluvio universale) de Michelangelo Falvetti et où il interprète cet été Le Don de la Vie éternelle (Il dono della vita eterna) d’Antonio Draghi. Le chef nous propose ainsi une présentation comparée de ces deux opus :
« Quatre années séparent Il diluvio universale de Michelangelo Falvetti, composé à Messine en 1682 et Il dono della vita eterna d’Antonio Draghi composé en 1686 à Vienne. Falvetti et Draghi partagent un même type de langage musical, développé à la fin du dix-septième siècle, qui s'est imposé en Italie et qui s'exporte dans toute l'Europe et les Amériques. Alors qu'Arcangelo Corelli en fait la synthèse pour la musique instrumentale, ce langage se développe dans la musique vocale, et surtout dans la musique vocale sacrée, où l'église devient presque un théâtre. On le sent déjà avec Il diluvio universale, où la théâtralité s'incarne à l'intérieur de la forme oratorio, et on le retrouve dans Il dono della vita eterna dont on sait aujourd'hui qu'il a été représenté avec de grands décors et des costumes, comme pour un opéra. On ne trouve pas encore l'aria da capo [avec reprise] telle qu'on la connaît dans les œuvres du début du dix-huitième siècle, mais l'aria et les duos commencent à se développer dans ces deux œuvres, et annoncent d'une certaine manière Haendel qui, au dix-huitième siècle, va faire de la forme oratorio un événement théâtral absolument extraordinaire.
Il faut ajouter également que ces deux œuvres partagent le même contexte de domination espagnole, à Vienne comme à Messine.
En définitive, les différences entre les deux œuvres proviennent essentiellement des sujets des livrets. Dans le cas du Diluvio universale, l'incarnation des forces destructrices de la nature, les mouvements des flots autour de l'arche de Noé ou encore l'image rhétorique de l'arc-en-ciel à la fin de la pièce, ont provoqué une écriture musicale unique et très particulière, une pièce absolument unique du point de vue de la rhétorique. Falvetti a eu une inspiration extraordinaire avec ce livret, et il en a fait une pièce qui reste unique.
La différence est évidente avec Il Dono della vita eterna, où vraiment, c'est un oratorio qui parle essentiellement d'allégories : le Péché, le Genre Humain, etc. On est déjà plus dans un "Stile rappresentativo", c'est-à-dire un style qui ressemble aux opéras de Cavalli, avec beaucoup de récitatifs et d'action entre les personnages. Mais la manière d'écrire, les mélodies sont exactement les mêmes.
Ce qui me tient à cœur, c'est d'observer de quelle manière Antonio Draghi, un compositeur de l'école de Francesco Cavalli (et qui a même chanté dans ses opéras), devient le compositeur de la cour espagnole de Vienne, et comment il a développé ce genre de la Passion, qu'il appelle "sepolcro", et qui devient un genre musical typique de la ville de Vienne. Il s'agit de pièces écrites pour la semaine sainte et qui, chaque année, représentent un thème autour de la passion du Christ. Ici, il s'agit des forces infernales qui condamnent le Genre Humain, bientôt racheté par l'Amour Divin et le Mérite du Christ.
C'est pour cela aussi que j'ai trouvé, dans l'écriture musicale, quelque chose d'absolument extraordinaire : la colère, le désespoir et plus tard la pitié des différentes allégories qui rentrent en scène. On se retrouve à l'intérieur d'une pièce "charismatique", d'une grande force, propre à convaincre les fidèles, comme une sorte de sermon en musique. Je suis convaincu que ce genre constitue une page essentielle de l'histoire de la Passion en musique, mais restée totalement méconnue. C'est pourquoi pouvoir la ressusciter au Festival d'Ambronay est pour nous quelque chose d'absolument extraordinaire. »
Cet air se situe vers la moitié du Don de la Vie éternelle. L'Humanité implore l’Amour Divin, la Vie Éternelle et la Grâce face au Péché d'Adam, à la Mort Éternelle et à la Haine Infernale. L'Homme est sauvé par la Passion de Jésus.
Amor Divino (Mariana Flores) et Grazia (Maud Bessard-Morandas) chantent ici : « L’Eterno al Tempo, e l’Immortale a Morte. » / « L’Éternité au temps et l’Immortalité à la Mort »
Retrouvez ci-dessous tous les épisodes de cette série, dans laquelle les artistes vous présentent leurs liens avec le Festival d'Ambronay et leur concert au programme de l’édition 2023 : un parcours à travers la richesse de ces grands week-ends, faisant résonner la musique ancienne dans toutes ses dimensions, dans ses échos à travers les frontières et les siècles.
1. Bach par Les Surprises
2. Salade de Taureau par Cantoría
3. Les Itinérantes, exploratrices
4. Télémaque et Calypso par Les Ombres
5. Destins de Reines par Amarillis
6. Les rues de Londres avec PRISMA
7. Grands Miserere avec Ora Singers
8. Requiem et Symphonie de Mozart par Le Concert de la Loge
9. Au fil de la nuit avec La Palatine
10. Mon Amant de Saint-Jean par Le Poème Harmonique
Bonus - Le Don de la Vie éternelle par Cappella Mediterranea