Ambronay 2023 : Télémaque et Calypso par Les Ombres
Sylvain Sartre, cofondateur avec Margaux Blanchard de l’Ensemble Les Ombres nous présente Télémaque & Calypso de Destouches qui sera recréé vendredi 29 septembre 20h30 à l’Abbatiale d’Ambronay : « Je m’intéresse depuis 2009 au compositeur André Cardinal Destouches. Son parcours étonnant (voyage au Siam, mousquetaire du roi, directeur de l’opéra, etc.) lui a probablement permis de s’affranchir quelque peu du "moule" qui a façonné la plupart des compositeurs du début du XVIIIe siècle (d’autant qu’il se forme sur le tard). S’il compose dans la pure tradition française, Destouches innove, tente de nouvelles choses. Destouches est aussi un formidable dramaturge qui aime densifier un maximum ses opéras au fil du temps et des reprises. Enfin Destouches est un fin mélodiste, amoureux de la langue et de la voix chantée. Les récits chez Destouches, souvent considérés par les détracteurs de la tragédie française comme la partie faible des œuvres, sont extrêmement fluides, avec une maîtrise parfaite de la prosodie. Il utilise également beaucoup la mesure à trois temps afin de transformer le récit en “arioso” ce qui tend à rendre la langue plus musicale, plus poétique.
Depuis 2009, nous avons avec Les Ombres recréé deux cantates, Sémélé et Œnone puis recréé pour les 300 ans de l’œuvre la tragédie Sémiramis. C’est dans le cadre de notre résidence croisée au CMBV (Centre de musique baroque de Versailles) et au CCR d’Ambronay que nous avons décidé de continuer ce travail exploratoire de l’œuvre de Destouches en choisissant une nouvelle tragédie de son corpus.
Après en avoir lu un certain nombre (Amadis, Omphale, Marthésie,…) notre choix s’est porté sur Télémaque & Calypso (qui peut aussi s’appeler simplement Télémaque) pour plusieurs raisons. Le livret est d’une très belle langue utilisée par Pellegrin futur librettiste de Rameau, avec une histoire universelle tirée de l'Odyssée qui nous parle encore aujourd’hui, une trame dramaturgique efficace avec peu de protagonistes. La partition est incroyablement belle, rassemblant des airs magnifiques pour chaque acteur de l’histoire et des divertissements variés (à noter également une chaconne géante sur le modèle de celle d’Armide de Lully réunissant l’orchestre, le chœur et les solistes). Enfin grâce aux différentes reprises de l’œuvre nous avons accès à un certain nombre de sources et de corrections effectuées par Destouches lui-même. Nous pouvons donc suivre l’évolution de la tragédie au fil des ans, avec notamment de nombreuses scènes remaniées et/ou réécrites en 1730, version que nous avons choisie de prendre pour cette recréation. Ainsi, avec les équipes du CMBV sous la direction de Julien Dubruque nous réalisons un matériel d’orchestre complet et une édition critique de l’œuvre. »
Sylvain Sartre pense notamment à un air en particulier : « la chaconne “amoureuse” entre Calypso et Télémaque à l’acte III. Télémaque aveuglé par son amour pour Eucharis, répond à Calypso et lui avoue lui aussi à demi-mot son amour pour la jeune reine. Cette tendresse, ce quiproquo amoureux au milieu du drame est un moment hors du temps, très beau. »
S’il faudra attendre la représentation à Ambronay pour découvrir cette œuvre, Les Ombres, à l’image des autres ensembles qui nous présentent leurs concerts dans cette série, ont enregistré un disque aux Éditions Ambronay (intitulé Concert chez la Reine) : « Ce disque est un moment très important dans la jeune vie des Ombres car nous avions alors seulement deux ans d’activité. Nous souhaitions le dédier au répertoire français qui nous est cher. Avec notre expérience de chambriste nous avons proposé un disque construisant un pont entre le XVIIe et le XVIIIe siècle en France, entre Lully et Rameau, entre la musique de chambre et l’opéra. C’était aussi l’idée de mettre en avant une femme à qui on doit beaucoup et dont on parle peu : Marie Leszczynska. Sous Louis XV c’est elle qui s’occupait essentiellement d’organiser des concerts et de permettre aux compositeurs de continuer à créer à la cour.
Cet extrait est la deuxième partie de l’air qui clôt la cantate Circé de Colin de Blamont. Il est d’usage dans le genre littéraire de la cantate française que le dernier air serve de “morale” ou de conclusion à l’histoire. Ici Jean-Baptiste Rousseau propose un air divisé en deux stances que Colin de Blamont sépare en deux petits airs : un air en si majeur, une tonalité très rare à l’époque et qui vient appuyer le sens du texte “Ce n’est point par effort qu’on aime, l’amour est jaloux de ses droits” comme si cette forêt de dièses (compliqué pour la justesse !) venait surligner l’indépendance de l’amour qu’on ne contrôle pas ; et un air en si mineur, dont l’extrait ici souligne une forme d’apaisement “Sitôt que l’Amour s’envole il ne connaît plus de retour” avec une partie obligée de flûte allemande et de viole qui badinent ensemble ».
Retrouvez ci-dessous tous les épisodes de cette série, dans laquelle les artistes vous présentent leurs liens avec le Festival d'Ambronay et leur concert au programme de l’édition 2023 : un parcours à travers la richesse de ces grands week-ends, faisant résonner la musique ancienne dans toutes ses dimensions, dans ses échos à travers les frontières et les siècles.
1. Bach par Les Surprises
2. Salade de Taureau par Cantoría
3. Les Itinérantes, exploratrices
4. Télémaque et Calypso par Les Ombres
5. Destins de Reines par Amarillis
6. Les rues de Londres avec PRISMA
7. Grands Miserere avec Ora Singers
8. Requiem et Symphonie de Mozart par Le Concert de la Loge
9. Au fil de la nuit avec La Palatine
10. Mon Amant de Saint-Jean par Le Poème Harmonique
Bonus - Le Don de la Vie éternelle par Cappella Mediterranea