Etat civil
Biographie
La soprano catalane Montserrat Caballé est née à Barcelone le 12 avril 1933. Elle grandit dans une famille très pauvre, très mélomane et très croyante. Son nom lui vient d’ailleurs de la Vierge Noire de Montserrat, Sainte patronne de la Catalogne. Dès l’âge de cinq ans, elle commence à chanter avec les enregistrements d’opéra de son père. Elle ne commence des études de chant formelles qu’à partir de quatorze ans, lorsqu'elle s’inscrit au Conservatoire Liceu de sa ville natale. La suite de ses études est compromise deux ans plus tard, quand son père doit arrêter de travailler pour des raisons médicales, et qu’elle doit subvenir aux besoins de la famille. Heureusement, elle obtient le patronat des plus grands mécènes de la ville, les Bertran, qui lui permettent d’étudier non seulement le chant, mais aussi le solfège, l’harmonie, l’allemand et l’italien.
Elle fait ses débuts sur scène au Liceu de Barcelone à un concert de gala en 1953, et est diplômée du Conservatoire Liceu avec les honneurs l’année suivante. Malgré ses talents manifestes, sa timidité retarde un temps l’avancée de sa carrière l’année après sa sortie du conservatoire. Elle fait finalement ses débuts dans le rôle de Mimi dans La Bohème de Puccini à l’Opéra de Bâle. Elle intègre par la suite la troupe de cet opéra, où elle reste de 1957 à 1959. Elle y chante surtout le répertoire allemand, y compris le rôle-titre de Salomé de Richard Strauss. Elle intègre ensuite la troupe de l’Opéra de Brême de 1959 à 1962, où elle reste aussi dans le répertoire allemand. A cette période, elle commence à se produire dans toute l’Europe, faisant notamment une brève apparition dans Parsifal de Wagner à la Scala en 1960, dans le rôle d’une fille-fleur. En 1962, elle fait ses débuts dans sa ville natale au Liceu dans le rôle-titre d’Arabella de Strauss. La même année, elle part en tournée au Mexique. Elle revient au Liceu par la suite. C’est sur cette scène qu’elle rencontre le ténor Bernabé Martí, qui chante Pinkerton face à sa Madame Butterfly (Puccini). Ils se donnent leur premier baiser sur scène, à la fin du long duo amoureux du premier acte. Leur union est heureusement plus durable que celle de Cio-Cio San et Pinkerton puisqu’ils se marient en 1964. Caballé refusera toujours de s’installer durablement en dehors de Barcelone pour rester proche de son mari.
La gloire arrive soudainement en 1965, lors de sa première apparition aux Etats-Unis. La célèbre mezzo-soprano Marilyn Horne, qui devait tenir le rôle-titre de Lucrèce Borgia de Donizetti dans une version de concert au Carnegie Hall, se rend compte que sa grossesse ne lui permet pas d’assurer sa performance. Montserrat Caballé prend la relève au pied levé, malgré son manque de familiarité avec le Bel Canto. Dans Lucrèce Borgia, elle triomphe dès le premier air. Sa voix s’avère particulièrement apte pour ce répertoire, qui est alors en plein renouveau depuis une dizaine d’années, notamment sous l’impulsion de Maria Callas. Ainsi, sa tessiture imposante, son agilité dans les aigus, ses legato sans faille et son timbre délicat sont idéaux pour ce répertoire notoirement exigeant. En particulier, sa capacité à tenir les pianissimos dans les aigus est désormais légendaire. C’est donc au Bel Canto qu’elle reste principalement associée, quoique son répertoire soit l’un des plus étendus qui soit, incluant notamment Verdi, Puccini et Richard Strauss. En 1965, elle retourne à Carnegie Hall dans le rôle d’Elisabeth I dans Robert Devereux de Donizetti. La même année, elle fait ses débuts à Glyndebourne dans Le chevalier à la rose de Richard Strauss (la Maréchale) et dans Les Noces de Figaro de Mozart (la Comtesse Almaviva). L’année 1965 voit aussi ses débuts au Metropolitan, dans Faust de Gounod (Marguerite). Ses apparitions au Met seront fréquentes.
Elle fait ses véritables débuts italiens au Maggio Musicale Fiorentino de Florence dans le rôle de Leonora dans Le Trouvère de Verdi en 1966, où elle retourne l’année suivante dans Le pirate de Bellini (Imogène). En 1969, elle donne l’une de ses performances les plus célèbres : Elisabeth de Valois dans Don Carlos de Verdi aux Arènes de Vérone, avec Placido Domingo dans le rôle-titre, où elle tient le si aigu final durant vingt mesures à la fin de l'opéra. En 1970, elle tient son premier grand rôle à La Scala, Lucrèce Borgia. En 1972, elle débute à Covent Garden et à Chicago dans le rôle-titre de La Traviata de Verdi. Elle retourne à Chicago l’année suivante dans le rôle-titre de Marie Stuart de Donizetti, et chante également le rôle-titre de Norma de Bellini au Metropolitan.
C’est peut-être en 1974 que sa carrière atteint son apogée. Elle y donne Aida de Verdi au Liceu, Les vêpres siciliennes de Verdi au Metropolitan, Parisina d’Este de Donizetti à Carnegie Hall, Norma de Bellini au Bolshoï, Adrianna Lecouvreur de Cilea à La Scala, Norma aux Chorégies d’Orange (qu’elle considère elle-même comme sa plus grande performance). Elle réalise aussi des enregistrements comme Aïda sous la direction de Riccardo Muti et des duos avec Giuseppe Di Stefano. Tout cela en moins d’un an, puisqu’à l’automne, elle se fait opérer d’une large tumeur bénigne. Elle n'est pleinement remise qu'en 1976 quand elle chante Aïda au Metropolitan, avec d’ailleurs Marilyn Horne, qu’elle avait remplacée à Carnegie Hall au début de sa carrière, en Amnéris. Elle réalise plusieurs performances au Metropolitan cette année là, y compris une Bohème de Puccini où elle joue Mimi tandis que Pavarotti joue Rodolfo. Elle jouera un rôle de mentor pour ce dernier, avec qui elle partagera la scène à plusieurs reprises.
A partir des années 80, sa voix commence à se dégrader, et perd quelque peu de sa pureté et de sa souplesse d’antan. Elle compense cette perte en renforçant l’intensité dramatique de sa voix, et en choisissant des rôles qui correspondent mieux à cette évolution. Ainsi, elle chante Tosca de Puccini à de nombreuses reprises, notamment pour sa dernière apparition au Metropolitan en 1985 avec Pavarotti dans le rôle de Cavaradossi. C’est sa quatre-vingt-quinzième apparition sur la scène. Sa notoriété à la fin de sa carrière repose notamment sur ses collaborations avec des artistes non lyriques. En effet, Freddie Mercury de Queen, un grand admirateur, lui propose d’enregistrer un duo. Le résultat, Barcelona, sorti en 1987, est un grand succès, qui donne lieu à un album complet de duos en 1988. Leur performance dans la ville éponyme en 1988 est d’ailleurs la dernière apparition en concert de Freddie Mercury, dont la santé se dégrade rapidement. En 1992, la chanson devient l’hymne olympique pendant les Jeux Olympiques de Barcelone, mais Caballé refuse de la chanter seule, Mercury étant décédé du SIDA l’année précédente.
Sa fin de carrière s’illustre particulièrement par sa volonté de réhabiliter des œuvres oubliées. Cela reste dans la continuité de sa carrière, marquée par une grande curiosité, par une volonté de ne pas se reposer sur ses succès établis pour sans cesse élargir son répertoire. Ainsi, en 1992, elle chante Le Voyage à Reims, œuvre de Rossini presque totalement oubliée, restaurée depuis peu, au Royal Opera House avec Renée Fleming. Parmi ses dernières apparitions sur scène, on compte Henri VIII de Saint-Saëns (Catherine d’Aragon) en 2002 et Cléopâtre de Massenet en 2004 au Liceu. Elle fait sa dernière apparition sur scène en 2007 au Wiener Staatsoper, dans le rôle de la Duchesse de Crakenthorp dans La fille du régiment de Donizetti. Ainsi, elle passe le flambeau à Juan Diego Florez, qui s’impose alors comme l’une des plus grandes voix du Bel Canto contemporain avec sa performance de Tonio dans cette production. « La Superba » s'éteint le 6 octobre 2018 à l'âge de 85 ans.