
Synopsis
Faust
Un vieux philosophe fait un pacte avec le diable pour pouvoir jouir à nouveau des plaisirs de la jeunesse. Poussé par Méphistophélès, il séduit la jeune Marguerite, lui fait un enfant avant de l'abandonner, seule et déshonorée.
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Création de l'opéra
Faust est un opéra français en cinq actes de Charles Gounod (1818-1893) sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré. En 1838, lors de son séjour à la Villa Médicis à Rome, le compositeur découvre la première partie du Faust de Goethe (Faust, eine Tragödie, 1808) dans une traduction française de Gérard de Nerval. Son intérêt pour ce mythe se développant peu à peu en véritable fascination, Gounod exprime la volonté d'en faire un opéra. Sous l'impulsion de Léon Carvalho (Directeur du Théâtre Lyrique de Paris), son projet prend forme en 1855 lorsque le compositeur fait la connaissance du librettiste Jules Barbier et lui commande l'adaptation du drame de Goethe. Ce dernier lui suggère de prendre plutôt comme base le drame fantastique de Michel Carré Faust et Marguerite (1850), lui-même inspiré de l'œuvre de Goethe, car il présente l'avantage d'être plus centré sur le drame de Marguerite et d'écarter de ce fait les débats métaphysiques et idéologiques impossibles à mettre en musique. Ayant l'aval de Gounod, Barbier conçoit le livret en collaboration avec Carré. La participation de ce dernier, bien que limitée dans le texte, fut déterminante puisqu'il élabora l'air du « Roi de Thulé » et la « Ronde du veau d'or ». Le livret terminé, Gounod se met immédiatement au travail, mais il est obligé de repousser son projet d'un an à cause de la création du Faust d'Adolphe Dennery. Car en 1858, Charles Gounod, ne s'étant pas encore imposé sur la scène lyrique française, ne veut pas prendre le risque d'une création ratée. En attendant de pouvoir reprendre la composition de son Faust, le compositeur écrit un autre opéra qui a rencontré un certain succès, Le Médecin malgré lui (1858), sur un livret également de Jules Barbier et Michel Carré.
Après de nombreux remaniements pendant les répétitions, comme la suppression d’un duo entre Valentin et Marguerite à l'acte II, la première version de l'opéra avec dialogues parlés est créée le 19 mars 1859 au Théâtre lyrique de Paris. Mais l'accueil reste assez froid, notamment à cause des dialogues parlés qui ont des allures de « mélodrames » allemands. Cette version est tout de même jouée 57 fois. A partir du 4 avril 1862, les dialogues parlés sont remplacés par des récitatifs chantés et l'opéra connaît un succès retentissant. Le 3 mars 1869 à la salle Le Peletier de l'Opéra de Paris, une troisième version est donnée avec un ballet final. C'est à partir de ce moment que l’opéra commence sa longue et brillante carrière internationale. Il fût même le premier opéra donné au Metropolitan Opera de New York le 22 octobre 1883. Au même titre que le Freischütz de Weber pour l'opéra allemand, Faust devient l'archétype de l'opéra français et a une énorme influence sur les compositeurs des générations suivantes.
L'adaptation du Faust de Goethe
Dans les années 1820, Goethe exprime son scepticisme quant à la capacité des compositeurs à réussir à adapter son Faust en opéra. Pourtant, la structure de cet immense drame s'y prête bien, puisque Goethe a utilisé une structure d’opéra-comique (appelant même certains passages « air ») : son œuvre contient des interludes musicaux, des chœurs, des ensembles, etc. Selon Goethe, le problème n’est pas tant dans la forme que dans l'impossibilité de rendre toute la complexité du personnage de Faust, qui est repoussant, terrible et violent, mais par là même profondément humain et touchant. Goethe ne nie pas le pouvoir suggestif de la musique (il a été notamment très impressionné par la scène du commandeur dans le Don Giovanni de Mozart), mais doute de la capacité d'un compositeur à mettre en musique tous les rapports de force contenus dans cette œuvre. Paradoxalement, son Faust a donné à la musique une dramaturgie et narrativité riche et inépuisable, à tel point que cette version du mythe de Goethe va devenir l’un des thèmes majeurs du romantisme musical européen.
L'adaptation de Barbier et Carré donne en quelque sorte raison à Goethe. Étant parti de Faust et Marguerite, la structure dramatique de l'opéra reprend les grandes lignes du drame en prose de Carré qui fait terminer l'histoire sur la mort prochaine de Marguerite et sa rédemption annoncée par un chœur d'ange, pendant que Satan, sous les traits de Méphistophélès, emporte Faust dans son empire. Par rapport au drame de Goethe, le scénario est respecté tout en étant abrégé. Mais les réductions, si minimes soient elles, ont pour conséquence la disparition du libre arbitre et des débats de conscience de Faust et de Marguerite. Ces personnages, devenus plus sommaires, deviennent des caricatures superficielles de leurs homologues dramatiques : Marguerite n'est pas aussi touchante que la sincère Gretchen, et Faust brille par sa médiocrité. L'histoire tourne alors au sordide en racontant l'assouvissement des désirs de la chair d'un vieil homme au détriment de la vie d'une jeune fille. Alors que dans Goethe ces deux personnages sont anéantis, mais ont pu s'affirmer dans leur pleine humanité aux dépens de Méphistophélès, dans l'opéra il ne reste plus que les pâles scrupules de Faust et une victoire presque totale du diable.
Malgré tout, les mérites de ce livret sont nombreux. La nécessité lyrique a dicté à Barbier le besoin de développer le rôle du page amoureux (Siébel) ou de la femme mure autrefois jeune première (Marthe). Et d'un point de vue dramatique, ces ajouts permettent de complexifier la situation délicate de Marguerite. Barbier versifie les parties de la pièce de Carré qui seront chantées en développant des aspects propices aux lyrismes dans un style épuré, ni ampoulé, ni trivial, ni convenu. Les phrases parlées (puis chantés dans la version avec récitatifs) ont été puisées très largement dans le drame de Goethe, car Barbier voulait conserver le rythme dramatique allemand voulu par l'auteur. Il revient également au texte originel pour tous les moments fantastiques notamment pour la scène de la prison dans le cinquième acte.