Bastille-Metropolitan : jeunes talents trans-atlantiques
Le Programme Lindemann Young Artist Development du Metropolitan et l’Académie de l’Opéra national de Paris partagent la même ambition de former et de soutenir de jeunes artistes talentueux dans leur parcours vers l'excellence opératique. Ce soir, à l’Amphithéâtre Olivier Messiaen de l’Opéra Bastille, cinq membres du programme français accueillent quatre collègues/correspondants venus d’outre-Atlantique, pour un programme Bel Canto.
La mezzo-soprano Seray Pinar ouvre la soirée en malicieuse Rosine. Le jeu est intense dans les regards et les médiums qui mènent à des aigus volubiles, sans que ses graves ne manquent de chaleur. Si son phrasé semble rester dans la maîtrise, avec un soutien minutieusement calculé, elle soigne son chant autant que sa diction (malgré des sauts de registres un rien brusques). Elle ne perd rien de son espièglerie en duo avec Amanda Batista, pour Le Gittane extrait des Péchés de vieillesse de Rossini. La finesse de la chanteuse turque installée à Paris se marie avec la chaude voix de la soprano New Yorkaise. Celle-ci se fait intense et sensible, avec une présence vocale vibrante en Mimi, notamment par la subtilité de ses propositions de nuances. Elle poursuit en partageant la tendresse de son chant avec le ténor Jonghyun Park sur “Dunque è proprio finita?” (La Bohème toujours).
Peu avant, l’artiste coréen avait déjà montré son investissement pour transmettre une émotion profonde avec “Una furtiva lagrima” de L'Élixir d'amour. Son timbre allie brillance et chaleur avec une présence précisément nuancée. Le phrasé se fait naturellement constant grâce à un souffle soutenu. Il est rejoint par son collègue à Paris, le baryton Andres Cascante pour l’amusant duo “Venti scudi” du même opus. Chacun assume à propos sa rivale différence, entre le tendre Nemorino et le bourru Belcore, tous deux épris de la belle Adina. Le baryton costaricien montre un timbre sonore, chaud et moelleux, riche en harmoniques. Il aurait certes pu apporter un peu plus de finesse au service de La Favorite de Donizetti, qui ne manque néanmoins pas d’intensité dans la conduite de ses phrasés.
La soprano toulousaine Lisa Chaïb-Auriol chante Don Pasquale avec le charme de sa voix claire et par son fin jeu des nuances. Sa ligne vocale se fait souriante avec des aigus pointus et des médiums d’une agréable fraîcheur. Elle partage un moment transatlantique avec l’américain Daniel Rich, qui fait entendre, seul et au service de Lucia di Lammermoor, sa voix autoritaire et large, comme son vibrato. Il nuance son timbre jusqu’à légèrement l’engorger pour exprimer la colère, mais ses aigus se serrent aussi jusqu’à la limite du déraillement (ce qui finit par arriver lors de la tenue finale). L’auditoire ne lui en tient pas rigueur, appréciant notamment sa présence scénique.
Enfin, la basse Adrien Mathonat en formation à Paris boucle la boucle en effrayant Banco de Macbeth, porté par sa voix caverneuse et ténébreuse à souhait. Il porte une attention concentrée à son texte et surtout à ses aigus qui parviennent à se faire éclatants.
Pour accompagner les chanteurs, deux pianistes se relaient après une vive ouverture du Barbier de Séville à quatre mains. La première partie de soirée est assurée par Paul Coispeau et son toucher clair et net. La seconde partie est confiée à Deborah Robertson, au toucher rond et souple, parfois comme orchestral. Si quelques maladresses se font discrètes dans certains traits, ils font tous deux preuve d’un accompagnement attentif et très équilibré.
Le public, venu nombreux pour découvrir ou revoir certains de ces jeunes artistes qui parcourent déjà le monde, se montre fort reconnaissant envers cette soirée alliant malice et émotions, avec des talents remarqués.