De derrière le rideau : c’est bien vous Franck ?
Ce soir le ciel est couvert et des millions de larmes atteignent la terre. Mais ce n’est pas de la pluie. Elles n’empêcheront pas la talentueuse Arielle Dombasle de poursuivre en plein air cette immortelle Traviata dans des Parcs qui résonneront longtemps des notes si belles voulues par Verdi. Oui le ciel est couvert et seule une étoile réussit à percer cette membrane ouatée, inquiétante et douce, vulnérable, dernier rempart avant l’infini. Une seule étoile qui nous fait lever la tête et plisser les yeux. Une seule étoile que peuvent apercevoir des millions d’hommes et de femmes en même temps. Une vision inhabituelle. Tous les visages sont tournés vers le haut, comme lorsqu’on admire tous ensemble le plafond de Chagall au Palais Garnier, en prenant possession de notre fauteuil.
On ajuste nos petites jumelles de vision pour en percevoir les détails. Là, dans ce ciel méditerranéen, c’est inutile. La plus puissante longue vue ne peut discerner les contours de cette étoile. Un détail, pourtant, à peine perceptible. Elle émet des sons, des sons graves qui hypnotisent. Des sons qui se faufilent, entre immeubles et maisons du beau Comté de Nice, comme un écho qui n’en finirait jamais. Des sons qui donnent la chair de poule. Des sons qui prennent soudain corps et qui deviennent des voix. Des voix qui nous enveloppent comme le plaid qui nous réchauffe quand la brise devient fraiche. Des voix que l’on voudrait tant voir habiller nos nuits quand les yeux restent ouverts alors que les premières lueurs du jour se glissent entre les interstices des volets et que l’on fait tant d’efforts pour repousser ces pensées invasives qui déjà nous étouffent. Des voix qui nous parlent, rien qu’à nous.
Et là, c’est la voix de Franck Ferrari qui descend jusqu’à notre terre. Elle s’est éloignée, mais elle nous touche encore et nous touchera longtemps. Comme pour tout voyage vers le ciel, vous avez été enregistré, et c’est bon de le savoir. Il suffit d’un clic sur ce site pour que la magie demeure. Cette magie qui a si souvent opéré lorsque vous preniez possession d’une scène et par là-même d’un rôle. Et que dire lorsqu’il s’est agi de quatre rôles ? Ces merveilleux Contes d’Hoffmann d’Offenbach, où votre voix supposée diabolique prenait des accents divins sous les traits, tour à tour, de Dapertutto, de Lindorf, de Coppelius et du fantasque et haut en couleur Docteur Miracle.
Et si ce dernier, porteur d’un nom prédestiné, acceptait de se racheter et de nous illuminer comme s’il ne s’était rien passé en ce 18 juin 2015, anniversaire d’un autre appel, londonien celui-là ! Docteur Miracle, faîtes que Franck Ferrari écarte doucement le rideau de toutes les scènes d’Opéra du monde pour venir saluer dans un éclat de rire et nous offrir un bis. Alors le ciel s’ouvrirait lentement et laisserait passer la pluie, la pluie de nos hommages.
Ovation !
Retrouvez la précédente chronique De derrière le rideau : si j’étais un fruit…