De derrière le rideau : si j’étais un fruit…
Lors des négociations portant sur les accords commerciaux transatlantiques avec nos amis américains, la France a immédiatement mis en avant l’exception culturelle française, pour exclure les biens culturels de ce projet, arguant du fait que ce ne sont pas des biens comme les autres. Elle a su imposer ce choix à l’ensemble des parties prenantes : l’Europe et les Etats-Unis. Imaginez la circulation des œuvres lyriques entravée par des directives, des barrières douanières, des conditions économiques et administratives liberticides ! On peut ainsi encore écouter la Traviata ou Werther dans une langue qui n’est pas l’anglais, où que ce soit dans le monde et laisser les opéras être chantés en italien, en français, en allemand, ou toute autre langue suivant l’inspiration des producteurs et des interprètes. Même aux Etats-Unis. Finalement, l’art lyrique et c’est vraiment important dans le monde d’aujourd’hui, est porteur de valeurs de tolérance.
A l’heure où l’affiche montrant Jacques Tati fumant la pipe ou celle annonçant un concert des « Prêtres » sont interdites dans le métro parisien au motif que le tabac peut tuer, ce qui est certain, ou au nom d’une laïcité mal comprise, ce qui ne l’est pas moins, l’opéra ne tombe pas dans le piège du premier degré. Et sans provocation sous tendue, la belle et désirée Carmen, cigarière de son état, poursuit ses ravages, sans lien aucun avec les produits qu’elle fabrique, et les airs de Bizet ont conquis le monde sans inciter qui que ce soit à se mettre à fumer. Pourtant, les cigarières, des bohémiennes, y mettent du leur en chantant : « Dans l’air nous suivons des yeux/la fumée/qui vers les cieux/monte, monte parfumée ». Dont acte, le premier…
Quant aux Bohémiens, dont on admire le pas dans le ballet du célébrissime « Il Trovatore » de Verdi, ils n’ont pas vraiment bonne presse aujourd’hui. Et pourtant, l’opéra les fait acclamer à chaque fois ! Alors qu’ils accompagnent une intrigue où amour, jalousie fraternelle, haine et désir de vengeance tiennent les premiers rôles ! Mais n’oublions pas que « l’amour est enfant de Bohème/il n’a jamais jamais connu de loi », et comme moi, sûrement vous le fredonnez, sans y penser vraiment ! Alors où est la tolérance vantée plus haut ? Et bien, elle est mise en exergue par les Chorégies d’Orange, dans leur si beau cadre, cet été. Carmen y sera donné en plein air, laissant ainsi cette musique envoûtante et la… fumée monter vers ce ciel si beau. Et « Il Trovatore » me direz-vous ? Et bien, en sachant qu’un trouvère est un poète lyrique du pays d’oil, c'est-à-dire du nord, il sera donné à Orange, dans le sud, c'est-à-dire en pays d’oc ! Ca n’est pas un bel exemple de tolérance, ça ? Allez-y nombreux début juillet et début aout prochain, car cette valeur essentielle a besoin de nous tous. Les gens du voyage, vers Orange, cet été, ce sera nous !
Et si j’étais un fruit, je serais une… ?
Retrouvez ici la dernière chronique de la semaine dernière : Erato !
Réservez dès maintenant vos places pour Carmen ou pour le Trouvère aux Chorégies d'Orange