La Métamorphose de Nieto au Théâtre de l'Athénée
Œuvre la plus célèbre de Kafka avec Le Procès, écrite avant la guerre et publiée en 1915, La Métamorphose raconte l'histoire de Gregor Samsa, dont le salaire de vendeur permet de faire vivre ses parents et sa sœur. Gregor voit la trivialité de son quotidien bouleversée lorsqu'il se réveille un jour transformé en un « monstrueux insecte». Alors qu'il prend conscience de sa nouvelle condition, sa famille et son patron s'empressent de savoir pourquoi Gregor est en retard au travail. Lorsqu'il arrive finalement à se traîner jusqu'à la porte de sa chambre et leur ouvre, sa mère s'évanouit, son patron s'enfuit et son père le poursuit dans le salon avec un balai. Condamné par sa famille à se terrer dans sa chambre, Gregor est exclu de toute vie sociale. Sa souffrance grandit à mesure qu'il éveille le dégoût chez sa famille. Sa sœur, Grete, vient l'alimenter chaque jour, toujours quand Gregor est caché sous le lit. Puisqu'il ne peut plus subvenir à leurs besoins, ses parents décident de prendre des locataires et engage une femme de ménage, une veuve âgée qui parle avec Gregor. Un soir, alors que Grete joue du violon pour les locataires, Gregor, attiré par le jeu de sa sœur, sort de sa chambre. D'abord amusés, puis épouvantés par Gregor, ceux-ci décident qu'ils partiront sans payer. Excédée, sa sœur insiste alors pour se débarrasser de lui. Gregor meurt le lendemain.
« La nouvelle de Kafka, La Métamorphose, s’est imposée à moi comme un véritable mythe théâtral inspirateur d’une langue chantée et d’un monde de l’opéra. » écrivait Levinas en novembre 2008 en guise de note d'intention. Il aura fallu près d'un siècle pour que le livre de Kafka se fonde en opéra et à peine quatre ans avant que celui-ci ne mute. Créé à l'Opéra de Lille en 2011, sur une mise en scène de Stanislas Nordey, La Métamorphose fait peau neuve en faisant se dialoguer l'artiste Nieto et Levinas. Le compositeur parisien, porté par les préoccupations texte-chant-théâtre-opéra rencontrées avec Les Nègres sur un livret de Genet, s'était entouré du dramaturge Valère Novarina et du poète Emmanuel Moses pour mettre en exergue la puissance lyrique de l'écriture kafkaïenne. Comme un long sanglot, l'opéra se module au gré des lamentos, chants suggestifs et autres éclats de rires mesquins sur une partition virtuose, dans laquelle rapidité et lenteur s'entrechoquent pour mieux signifier la déchéance de Gregor. La voix plaintive de haute-contre de Gregor, que les réalisations électronique de l'Ircam se chargent de démultiplier, est interprété ici par Rodrigo Ferreira. L'Ensemble Le Balcon dirigé par Maxime Pascal retrouve Nieto, déjà à l’œuvre dans Pierrot Lunaire et Paroles sans musique au Théâtre de l'Athénée.
À l'origine du mouvement artistique El perversionismo qui s'établit autour du livre éponyme du philosophe Francisco Flores, l'artiste vidéaste Nieto réalise la mutation absurde de Gregor, dont l'ignominie et l'inutilité provoque la lâcheté de sa famille et questionne la nôtre : « Malgré Gregor et Kafka nous mettons La Métamorphose en scène, tel un père qui décortique une crevette vivante à table. Mais malheur ! On a oublié nos bavoirs et maintenant notre conscience est éclaboussée par cette substance.» Qui est l'homme et qui est le monstre ? Ici, Nieto soulève ce paradoxe profondément présent chez Kafka, en inversant les apparences dans un contraste criant et cauchemardesque : Gregor se transforme en humain et son entourage est monstrueux. Dans sa nudité originelle, vulnérable et fragile, Rodrigo Ferreira ne va pas à rebours, mais évolue et se confronte à un monde aussi désincarné que déshumanisé. Projections vidéos, personnages hybrides, insectes ou difformes, lumières animales et ambiance hallucinatoire, tout est mis en place pour mettre à mal le spectateur.
L'opéra de Lévinas clôturera la saison de l'Athénée et sera précédé par de « Je, Tu, Il » de Valère Novarina.
Informations pratiques :
La Métamorphose de Michaël Lévinas, d'après la nouvelle de Franz Kafka
Vendredi 12 et samedi 13 juin à 20h, mardi 16 juin à 19h
Mercredi 17 juin à 20h (grande salle)
Tarifs :
Entrée de 8 à 34 € - plein tarif : de 16 à 34 € - demi-tarif : de 8 à 17 € (moins de 30 ans, demandeurs d’emploi, bénéficiaires du RSA) - e-tarif : de 14 à 31 € - groupes / collectivités : de 20 à 27 € (à partir de 10 personnes)
Avant la représentation, le musicologue Philippe Cathé vient apporter son éclairage sur l'œuvre de Michaël Levinas, en salle Christian-Bérard. mercredi 17 juin de 19h à 19h30. Entrée libre.