Présentation de la production
A bien des égards, Carmen, l’œuvre de Georges Bizet, sent le soufre. Il a pour héroïne une femme du peuple, une cigarière, marginale puisque gitane. Les gens bien intentionnés lui conseilleraient volontiers la discrétion, la modestie, l’humilité, toutes ces « qualités » que récuse Carmen : elle est belle, fière, elle plaît aux hommes et le sait et parce qu’elle n’a que l’embarras du choix, elle choisit celui qui sera un temps son amant : elle est libre. Pour la bonne société française de la seconde moitié du XIXème siècle, l’attitude de Carmen était franchement scandaleuse : ne pas oublier que l’Opéra-comique était un lieu de rencontre pour de futurs époux et que Carmen n’était pas un bon exemple pour des jeunes filles en fleurs. Cet opéra connaîtra pourtant le succès, passé le tumulte de la création : 33 représentations à l’Opéra-comique de Paris entre le 3 mars 1875 et la mort du compositeur en juin de la même année.
Le livret, signé Meilhac et Halévy, s’inspire de la nouvelle de Mérimée publiée 30 ans plus tôt. L’œuvre originale est un opéra-comique qui comporte donc les airs des dialogues parlés. Ernest Guiraud fut chargé de transformer l’œuvre de Bizet en opéra en y ajoutant, en lieu et place des dialogues parlés, des récitatifs chantés. Telle quelle, l’œuvre demeure l’une des plus populaires du répertoire ; elle a été montée sur presque toutes les scènes lyriques du monde dans des distributions prestigieuses. Faut-il rappeler que Maria Callas, qui ne l’a jamais chantée sur scène, reste une inoubliable Carmen au disque ?
Philippe Gut