Enivrant récital d’Ambroisine Bré et Mathieu Lamboley à l’Opéra de Rennes
Ce programme est pensé comme un bouquet de fleurs variées, un pot-pourri de morceaux que les deux artistes affectionnent particulièrement.
La chanteuse butine d’un compositeur, d’un style ou d’un genre à un autre, distille chaque pièce choisie pour en extraire des parfums tantôt délicats, frais, fugaces ou au contraire, plus capiteux, suaves, piquants. Dans son sillage, le pianiste diffuse des accords harmonieux intensifiant les effluves du chant.
Le récital s’ouvre avec quatre mélodies extraites des Ariettes oubliées composées par Debussy sur des textes de Verlaine. D’emblée émerge du tapis sonore pianistique le chant au timbre voluptueux, tout en délicatesse, d’une grande précision dans la diction et la prononciation, pour rendre le climat onirique de ces mélodies « atmosphériques ». La maîtrise du souffle et de la coloration permet à la chanteuse les plus délicates inflexions laissant l’auditoire en extase (langoureuse).
Émue d’être ici à l’Opéra de Rennes, se remémorant être venue enfant avec son grand-père voir son premier opéra (elle montre même la loge où ils avaient pris place), pour ensuite éclore sur la scène avec le Chœur Mélisme(s) après avoir poussé à la Maîtrise de Sainte-Anne-d'Auray (Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral 2021), la bretonne et fière de l’être Ambroisine Bré prendra la parole tout au long du concert pour introduire les œuvres avec naturel et enthousiasme. Elle laisse aussi s’exprimer Mathieu Lamboley, pour partager leur plaisir d’être là ensemble.
Tout au long du récital où les ambiances, les styles, les genres musicaux se succèdent, sans cesse variés, la voix se libère peu à peu avec élégance et finesse, en évitant tout excès et pathos. La diction impeccable, la projection et la justesse du propos sont une constance dans le chant d’Ambroisine Bré, lui permettant d’aborder chaque pièce musicale à la façon d’une comédienne donnant ainsi le caractère propre à chaque personnage incarné. À partir de cette assise, elle module son chant à son gré, toujours dans un souci d’être au plus près du texte.
Ainsi, son chant se teinte-t-il de nuances délicates et de vocalises sensuelles offrant un moment d’intimité lorsqu’elle évoque Eros appelant le sommeil pour lui rendre sa Psyché (Ambroise Thomas). Son phrasé ample et lyrique s’épanouit dans les airs opératiques comme celui peu connu "Dopo l’oscuro nembo" extrait du premier opéra de Bellini (Adelson e Salvini). Dans "O mio Babbino Caro" (Puccini) , elle enrichit l’air écrit pour soprano par des aigus chatoyants et des mediums mordorés, module sa voix à sa guise grâce à une technique de souffle modèle donnant ainsi une consistance intense au personnage de Lauretta. Son timbre lumineux associé à une agilité colorature convient aussi à merveille pour l’espiègle Cenerentola (Rossini) laissant alors éclater toute l’ampleur de ses possibilités vocales.
Elle s’invite également dans le répertoire baroque avec l’air "Lascia ch’io pianga" (Haendel). Elle ciselle la phrase mélodique avec une ornementation subtile et délicate agrémentée d’un léger vibrato, se montrant particulièrement émouvante et convaincante.
Sa voix acidulée et pétillante convient également pour l’opérette, apportant humour et persiflage lorsqu’elle évoque la bêtise des hommes dans "J’ai deux amants" (André Messager) ou dans l’air de La Grande-Duchesse de Gérolstein « Ah, Que j’aime les militaires ! ».
La chanteuse forme un duo complice avec le pianiste contribuant aussi à l’expressivité de chaque pièce. À l’écoute de sa partenaire, Mathieu Lamboley trouve le bon dosage, toujours dans un souci d’équilibre. Il intervient également plusieurs fois en soliste pour partager des pièces qu’il aime particulièrement mais qui trouvent également leur place dans le programme comme les Jeux d’eau de Maurice Ravel , la 1ère gymnopédie de Satie, la 1ère arabesque de Debussy ou encore Rêve d’amour de Franz Liszt. Son interprétation coule de source, se jouant avec aisance des difficultés techniques, l’articulation est précise, la texture colorée, les sons du piano se diffusent par le soin apporté à la résonance.
Également compositeur spécialiste de musique de film (et notamment pour la série à succès Lupin), il joue des pièces de sa composition, sorte d’exercice de style autour de Satie et Poulenc, ce dernier choix introduisant Les Chemins de l’amour, interprété par les deux artistes avec raffinement pour conclure ce récital.
Après de chaleureux applaudissements, la cantatrice fait une fleur à son public en lui offrant comme bis une version « arrangée à sa façon » comme elle le précise, de la chanson J'ai deux amours sur un accompagnement jazzy et où elle ne peut s’empêcher de modifier certaines paroles pour rendre hommage à sa « belle Bretagne ».