Versailles joue « The Crown » dans sa Chapelle Royale
Micros et cameramen sont postés dans la Chapelle Royale, prêts à filmer et enregistrer le concert « The Crown », qui n’est pourtant pas la bande son de la série en vogue du moment mais bien une série d’hymnes de couronnements, de Purcell et Haendel. Ces pages musicales sont réunies afin d’évoquer différents sacres à la cour d’Angleterre, celui de Jacques II (1685), de George II (1727) et, bien entendu, du dernier en date, celui du Roi Charles III en Mai 2023.
Le public est immédiatement convié au cérémonial à coups de sonneries de trompettes qui ponctuent régulièrement le concert en introduisant systématiquement chaque hymne.
Dès l’ouverture, My Heart is Inditing (Mon cœur compose) de Henry Purcell, l’Orchestre fait entendre un son majestueux et des phrasés souplement menés (à l’instar des genoux de Gaétan Jarry qui chorégraphie comme toujours sa direction dans une intensité de chaque instant). Le chef mène ses troupes tambour battant, animant le discours musical en faisant avancer le tempo continuellement. Il veille à l’équilibre de l’ensemble sans éviter cependant quelques décalages entre l’orgue et les chanteurs lorsque ceux-ci se retrouvent à la tribune pour les Anthems d’Henry Purcell.
Les voix du Chœur de l’Opéra Royal (créé récemment, en 2022, pour complémenter les forces de la maison, avec son Orchestre du même nom et désormais aussi son ballet) s’unissent dans une cohésion sonore brillante, idoine pour « Louez le Seigneur avec la harpe et à pleine voix ! - Praise the Lord with harp And tongue! », ce qui ne manque pas de ravir l’auditoire et le Roi « The King shall rejoice! ».
La clarté de la polyphonie et l’intelligibilité des passages contrapuntiques (fugues) des hymnes de Haendel sont respectées grâce aux timbres définis et résonnants des chanteurs. Huit d'entre eux interviennent de la tribune pour les Anthems de Purcell offrant ainsi un effet de spatialisation tout en fragilisant cependant l’homogénéité du groupe choral. Néanmoins, les voix au vibrato contenu et riches d’harmoniques mettent en valeur les dissonances et les harmonies subtiles de l'Orpheus Britannicus.
Au milieu de ces proclamations à la gloire du Roi surviennent également des pages recueillies et touchantes qui surprennent le public… ainsi qu’un cameraman qui, s’essayant pourtant à la plus grande discrétion, glisse inopinément de son petit tabouret.
Dans un souci d’enregistrement, le public doit contenir ses applaudissements (et ses toux) et c’est donc avec fougue qu’il les libère à la fin du concert. En cadeau, les artistes exécutent deux bis menés bon train: l’« Alleluja » du Messie de Haendel et, pour passer aux réjouissances françaises (en contrepoint aux couronnements britanniques) « Les sauvages » extrait des Indes Galantes de Rameau.