Roméo et Juliette à Versailles : Orchestre Royal
« Lorsque j’ai voulu monter Les Fantômes de Versailles de John Corigliano en 2019, nous raconte Laurent Brunner, Directeur de Château de Versailles Spectacles, un orchestre francilien avait accepté de l’interpréter mais il s’est décommandé six mois avant le spectacle. Le deuxième orchestre que j’ai trouvé s’est retiré à son tour, trois mois avant (c’était beaucoup de travail pour cette partition et ils ont préféré faire de la comédie musicale). Je ne voulais pas aller demander à des cachetonneurs, donc j’ai décidé de monter notre Orchestre de l'Opéra Royal de Versailles : et tout s’est très bien passé alors que c’est une œuvre exigeante. Depuis lors, nous avons donc un orchestre, ce qui nous permet de choisir l’œuvre qu’il va interpréter et le chef qui va les diriger dans la mise en scène qui nous plaît (sans inviter nécessairement un orchestre avec son chef attitré, pour un projet qui lui plaît) : c’est là encore le cas pour ce Roméo et Juliette, et cela nous permet de multiplier les répertoires (là encore avec le chef idoine à chaque fois : sur le répertoire italien je vais plutôt inviter Stefan Plewniak, pour le répertoire à la française Gaétan Jarry mais qui va aussi diriger Don Giovanni, ou encore pour d’autres occasions Victor Jacob…). »
C’est donc Stefan Plewniak qui a été choisi pour ce Roméo et Juliette de Zingarelli, et qui nous présente l’Orchestre de Versailles et de cette œuvre : « Le livret de cet opéra est bien structuré, organique, avec des dialogues intenses emplis d’émotion. L'histoire commence directement (avec la scène du bal organisé par le père de Juliette). Dès l'ouverture, l'orchestre installe d'abord la couleur sombre du drame, et en un instant se transforme en grande scène de fête avec chœur et solistes.
Dès le milieu de cette scène l'action commence car Roméo qui n'est pas invité est présent, découvert par les gardiens. La source dramaturgique est donc présente immédiatement (ce qui est assez rare à cette époque, où l'action met d'habitude du temps avant de se lancer).
Nous sommes jetés dans le feu de l'action, comme dans les tragédies antiques et comme dans le cinéma aujourd'hui. Tous les caractères sont dessinés d’emblée, très forts.
Le premier acte passe ainsi très vite avec cette action, tous les motifs de Roméo et Juliette, les caractères au deuxième plan ou troisième plan qui se développent en même temps. Le deuxième acte permet de développer la dramaturgie et de mener vers le troisième acte, le dernier, une immense scène finale sur la tombe. La dramaturgie explose alors avec l’amour, l'émotion, les couleurs musicales : on atteint une puissance dramaturgique qui s’allie à la bellezza.
Tout cela rend d’autant plus étonnant le fait que cet opéra n’ait plus été joué depuis si longtemps, et d’autant plus enthousiasmant qu’il soit ainsi ressuscité.
Pour l'histoire de l’art et l’histoire tout court, nous sommes dans un moment particulier, dans une Réforme de l’opéra (après les œuvres de Gluck et de Mozart), et peu après la Révolution française. L'opéra de Zingarelli reflète ces transformations dynamiques, le baroque tardif, le classicisme, l'émergence du bel canto, l'évolution de l'opéra italien et, par extension, les scènes préfigurant Rossini et Bellini.
J’ai le plaisir d’être régulièrement invité à diriger l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles. Nous nous connaissons donc, nous avons trouvé une langue commune qui nous permet d’avancer assez vite. Cette connaissance et cette régularité est très importante pour la relation entre le chef et l'orchestre, qui doivent croire l’un en l’autre, et ensemble au même projet. Comme je suis violoniste, je comprends bien la manière de lancer et de concentrer le travail.
Ces relations humaines et artistiques, cet amour de l’art fait ensemble donnent un résultat professionnel et heureux (et cela s’entend au disque et en fosse). Je crois en la puissance de cet orchestre et de son développement, grâce à tout le travail et à la vision de Laurent Brunner et de toutes ses équipes, démultipliés par toute l’histoire de Versailles.
À chaque fois que je retourne à Versailles, je peine à croire qu'un tel lieu ait pu être bâti, qu’il existe, qu'on puisse encore y travailler. C'est une chance et un privilège impossible à vraiment réaliser, c'est énormément d'émotion. »
Notre article grand format présentant cette production à Versailles vous attend ici, et vous pouvez retrouver tous les épisodes de cette série d’Airs du Jour :
1. Roméo par Franco Fagioli
2. Juliette par Adèle Charvet
3. l'amour de Juliette et Roméo
4. la mort de Roméo et Juliette
5. Gilberto par Nicolò Balducci
6. Mathilde par Florie Valiquette
7. Everardo par Krystian Adam
8. Teobaldo par Valentino Buzza
9. Orchestre Royal
10. Chœur Royal