Don Pasquale au Palais Garnier : l’amour n’a pas d’âge
La mise en scène, signée Damiano Michieletto souligne par l'épure la modernité que conserve l'opera buffa, sa profondeur dans sa légèreté. Les décors de Paolo Fantin sont à la fois épurés-modernes et classiques (évolutifs). La maison est simplement matérialisée par des embrasures de portes, et un toit formé d'arrêtes suspendues, d'un figuratif avant gardiste (bien que de la fumée s’échappe de la cheminée). Le mobilier d'intérieur est au contraire tout à fait réaliste avec tables, chaises, lits, jusque dans le détail des décorations avec peintures et cadres.
La modernité même de Don Pasquale est traduite par son aspiration à la modernité : son mobilier est renouvelé, même sa voiture échangée pour un plus modèle récent.
Ce mouvement est renforcé et dynamisé par le plateau tournant, permettant des changements d'espaces, ainsi que par la palette de lumières concentrée d'Alessandro Carletti, habillant clairement les différentes ambiances des scènes par des tons correspondants.
Sont même employés la caméra filmant en direct les personnages devant un fond vert, permettant de surimposer, sans avoir besoin de les poser, des décors à la candeur assumée (jardin pour la découverte de l'adultère, église pour le travestissement en bonne sœur).
Les costumes d’Agostino Cavalca parachèvent ces transformations et caractérisations, entre les combinaisons de couleurs approximatives pour Don Pasquale et l'évolution de la garde-robe de Norina (de la tenue de couvent à la robe de soirée).
Le baryton Laurent Naouri incarne le rôle-titre de Don Pasquale en alliant la richesse de sa voix et l'aisance de sa prestation scénique. Son jeu attachant, son chant plein et profond avec la maîtrise d'un souffle épais et prolongé, lui permettent d'embrasser aussi les nuances émotionnelles du personnage (loin d'être réduit au méchant barbon).
Julie Fuchs déploie dans le rôle de Norina l'agilité de sa ligne vocale. Elle alterne ainsi entre les deux facettes de son personnage, tantôt d'une ferme chasteté, tantôt d'une séduction assumée (le tout influant sur sa manière de déclamer son texte chanté). La souplesse de son soprano navigue aisément à travers les lignes mélodiques exigeantes, tandis que son timbre clair fait ressortir le piquant du personnage.
René Barbera sculpte la lumière de son timbre de ténor, lui permettant d’exprimer les sentiments amoureux de ce jeune Ernesto au jeu attachant. Sa technique vocale est irréprochable, le phrasé conduit avec justesse. Les aigus sont atteints et émis avec une facilité déconcertante.
Le baryton Florian Sempey confirme son aisance dans le rôle de Malatesta. Son souffle long et son coffre épais ne l'empêchent nullement de mettre parfois plus en avant son agilité de phrasés. Et la vitesse poussée à un rythme soutenu n’altère en rien sa ligne vocale ni sa richesse sonore, nourries avec constance.
Dans le rôle du (faux) notaire, Slawomir Szychowiak propose un timbre chaleureux et une voix veloutée. Son personnage, comique à ses dépens, occupe la scène dès que l’opportunité lui en est donnée.
La direction musicale de Speranza Scappucci se remarque dès l'ouverture par l'énergie de son interprétation, sensible et passionnée. Elle guide ainsi l'œuvre avec l'élégance de ses mouvements souples et amples, sans rien perdre en rigueur. L’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra national de Paris livrent ainsi la partition avec grande précision technique, sans perdre la dimension touchante. Les nuances sonores et les passages rythmiques plus complexes restent impeccablement coordonnées, entre fosse et plateau.
Le public est visiblement conquis, à en juger par les sourires qui se dessinent sur les visages et quelques "bravo" se détachant des applaudissements, rappelant plusieurs fois les artistes.