Contes et légendes à l’Auditorium de Radio France : d’Apulée aux Mille et une nuits
Consacrée aux contes et légendes, cette soirée, en collaboration avec le Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française, survole trois régions et trois époques : la Grèce antique avec le mythe de Psyché narrée par le poème symphonique de César Franck inspiré du récit d’Apulée, les Mille et une nuits avec la Shéhérazade de Ravel et enfin, les contes de Perrault repris par Prokofiev dans sa suite de ballets Cendrillon. Cette promenade mythologique à travers les temps et les âges, conduite par ces trois compositeurs, s'ouvre avec César Franck – et c’est par l’envoûtant premier mouvement de sa Psyché que surgit la musique.
Tonight is our Orchestre National de France @NationalDeFce concert with soprano @SiobhanStagg! We hope you will join us at the Auditorium of @RadioFrance or tune in for the live broadcast on @FranceMusique at 8pm Paris Time. pic.twitter.com/rlvsPSdjvQ
— Cristian Macelaru (@CristiMacelaru) 13 octobre 2022
L’Orchestre National de France donne naissance à une sensation solennelle, une sensation de suspension née d’une lente application à la reddition de l’œuvre dans ce premier mouvement, avec de belles et notables manifestations des contrebasses en fond. Mais explosif, l’orchestre l’est aussi dans ses vives emballées colorées exigées par la musique, quoique laissant parfois une impression un peu brouillonne. C’est surtout avec la Cendrillon de Prokofiev, le clou du spectacle, qu’il démontre son habileté et sa ferveur. Dès les premières notes, il se fond dans l’œuvre comme si ses musiciens l’avaient jouée toute leur vie. L’expressivité est à son comble, menée par un Cristian Măcelaru si engagé qu’il en saute presque depuis son piédestal. Sa direction, à la fois souple, fluide et parfois même caressante, se fait vibrante et tendue alors que résonnent les douze coups de minuits (dont le tic-tac est rendu par le wood-block), et devient brusquement extatique au fil des notes. Cette Cendrillon-ci est d'ailleurs une sélection des passages des suites de Prokofiev réarrangée par Cristian Măcelaru lui-même pour l’occasion – une sorte de résumé de l’intrigue et du ballet, qui se termine en beauté par les retrouvailles du Prince et de Cendrillon.
La suite des trois poèmes de Shéhérazade de Ravel est quant à elle interprétée avec la soprano australienne Siobhan Stagg. La cantatrice entre sur scène vêtue d’une ample robe cousue de fils rouges et dorés, sans doute un rappel des couleurs vibrantes de cet Orient qu’elle va chanter. C’est la qualité de l’articulation qui frappe d’abord, à tel point que le texte est rendu dans une parfaite compréhension à l’ouïe. La soprano développe peu à peu un chant à la portée ample, doté d’une puissance modérée et d’un timbre aux graves sombres, colorés d’aigus ombragés – c’est une voix terrestre et affirmée qui se déploie là. Cependant, la connivence manque avec l’orchestre, qui démontre par ailleurs une agréable souplesse et dont les beaux accents de la flûte viennent, eux aussi, envoûter le spectateur. L’entrée en matière de la soprano est également quelque peu difficile dans les attaques des premiers mots (« Asie, Asie »), mais elle se ressaisit bien vite pour rendre une interprétation non dénuée de plaisir, plongée dans les descriptions émerveillées du texte de Tristan Klingsor (mais également leur cruauté, qu’elle rend d’une voix particulièrement mordante). Elle est plus sensuelle, voire aguicheuse, que rêveuse dans La flûte enchantée et réserve l’innocence pour le dernier poème, L’indifférent, qui clôt cette première partie du concert.
C’est avec des applaudissements chaleureux que le public salue les interprètes à la fin de cette première partie, mais c’est surtout après l’entracte, pour Cendrillon, qu’il s’enthousiasme – l’un des spectateurs virevolte presque sur sa chaise au fil de la musique, à mesure des mouvements, tant il est emporté – et qu’il éclate en un nouveau tonnerre d’applaudissements et de bravi. L’orchestre quitte ensuite la scène, la salle se vide et, toujours portés par la musique, les spectateurs s’en ressortent dans la nuit, pris dans le tournoiement du ballet de Prokofiev.
Très beau concert du @nationaldefce dirigé par @CristiMacelaru. Avec la magie de #Prokofiev en prime pic.twitter.com/WXfrN7zH1A
— Jean-Michel Demaison (@JMDemaison) 13 octobre 2022