Fables, variété et jeunesse dans le Mecan’Opéra Comique
Dans le cadre du foyer de l’Opéra Comique, réflexions partagées, séance de méditation et airs d’opéras (et de variété) sont au menu du “Mécanopéra” en ce début d’automne.
Mais pourquoi “Mécanopéra” ? Il aura fallu attendre la fin du récital pour avoir la réponse, avec la séance de questions réponses entre les enfants, les solistes, et Lucie Martinez (Chargée de la médiation culturelle ayant pour rôle de faire des remarques, des observations entre chaque air pour expliquer, exposer pour comprendre le sens des événements). Fusion entre “mécanique” et “opéra”, cette représentation à mi-chemin entre le récital et la leçon (d’humour) a pour but selon la pianiste Marine Thoreau La Salle de “montrer aux spectateurs les coulisses, les choses que l’on ne voit pas habituellement à l’opéra, ses différentes mécaniques”.
Chose promise, chose due, un programme de fables mises en musique par Offenbach, Lecocq et Benjamin Godard habilement chantées et même incarnées par la mezzo-soprano Anna Reinhold et le ténor François Rougier. Neuf airs au total, avec (en plus des trois précités), Maurice Ravel mettant en musique Jules Renard dans Le Paon, Emmanuel Chabrier mettant en musique Edmond Rostand dans Ballade des gros dindons, Manuel Rosenthal mettant en musique Michel Veber dans Grammaire. Pour finir, Boris Vian et sa Java des bombes atomiques ainsi que Le Gorille de Brassens. Si les rires des bambins sont au début plutôt moqueurs (car pour la majorité c’était leur première fois à l’opéra) au fur et à mesure, leurs oreilles se laissant porter par l'exécution des trois artistes devant eux, ils finissent tout à fait sincères.
François Rougier fait tout du long régner un calme olympien dans la salle, en s’imposant grâce à son timbre puissant, quasi autoritaire, et son incarnation vigoureuse des personnages. Aussi agile dans ses aigus riches que dans ses graves voluptueux, il reste à l’aise en utilisant sa voix de tête dans “Gare au gorille” de Brassens, pour contraster et ajouter encore un peu plus de comique dans cet air déjà hilarant.
Il réussit même à surprendre toute l’assemblée, lorsqu’il propose au milieu du concert, une séance de méditation/sophrologie visant à calmer un peu son audience pré-adolescente qui commence à perdre patience. Pari gagné, tout le monde finit relaxé, après s’être dégourdi les jambes, la nuque, et quelques exercices de respirations où même la pianiste, la commentatrice et sa consœur Anna Reinhold se prêtent au jeu.
Dans la même optique, tous les deux morceaux, une série de questions par la médiatrice vise à faire réfléchir les enfants, tout aussi bien sur la vie de tous les jours que sur des problématiques de fond, de la guerre jusqu’au racisme en passant par le harcèlement. Ce jeu de questions réponses où les enfants répondent de manière authentiques aux interrogations en lien avec les thèmes proposé par Lucie Martinez, permet également d’introduire les airs suivants interprétés par les deux solistes.
La pianiste Marine Thoreau La Salle les accompagne au piano et comme eux interprète musicalement les personnages, du dindon qui rate une note pour signifier qu’il trébuche, en passant par la mouche qui use des trilles pour montrer sa rapidité à l’audience. Elle va même jusqu’à donner la réplique et faire entendre sa voix au public lors de l’avant-dernier air pour mettre en garde face au gorille, aux côtés de François Rougier.
Après avoir poursuivi le jeu de questions/réponses en demandant à l’assistance ce qu’est pour eux la fidélité, Anna Reinhold, propose une prestation énergique de “Non, la fidélité” de la compositrice trop méconnue du grand public Germaine Tailleferre. Sa voix de mezzo-soprano éclatante et sa maîtrise du vibrato tantôt large, tantôt absent selon les personnages incarnés et les registres, rend justice à sa diction permettant au plus grand nombre d’intérioriser au mieux les messages véhiculés par ses airs. Le dernier, “La Java des bombes atomiques” de Boris Vian, interprété par les deux chanteurs, conclut la matinée tout en humour (fort bienvenu et même cathartique dans le contexte mondial).
Cet auditoire, lui aussi très exigeant, remercie les trois solistes par une ovation qui n’a rien à envier à celles résonnant en ce moment dans la grande salle de l’Opéra Comique pour Lakmé, et le tout se conclut cette fois sur une inversion des rôles : ce sont les spectateurs, des plus petits aux plus grands, qui posent des questions aux artistes “Sauriez-vous faire du rap ? D’où vous est venue cette passion pour le chant ? Êtes-vous gênés quand vous devez vous produire devant un public ?” Tant de questionnements qui demeurent dans l’esprit des enfants et trouvent ici des réponses tout sauf mécaniques.