Michael Spyres, Baritenor au Théâtre des Champs-Élysées
Michael Spyres fait fi de la nomenclature habituelle des voix masculines, passant du ténor aigu belcantiste et rossinien au ténor de tessiture centrale ou même plus grave, tout en abordant avec la même aisance des airs pour barytons accessibles à un chanteur doté d’un registre grave sonore. Il reprend ainsi au Théâtre des Champs-Élysées la majeure partie du programme paru en disque l’an dernier pour le label Erato sous la dénomination Baritenor voulue par l‘artiste lui-même. Phénomène vocal exceptionnel certes, mais Michael Spyres apparaît en premier lieu comme un musicien curieux de tout et porté par une intelligence du texte et du chant avec une diction modèle dans toutes les langues choisies. Par ailleurs, il fait preuve de robustesse vocale dans toutes ses multiples approches. En première partie, le versant dramatique de l’artiste se révèle avec La Vestale de Spontini d’une puissante densité (et avant d’aborder cet été le rôle-titre d’Idoménée de Mozart au Festival d’Aix-en-Provence, il en interprète le terrible air "Fuor del mar" avec vocalises et tenue de souffle imparables). Le médium permet d’apprécier le legato et le phrasé, tandis que les enchaînements de contre-uts périlleux sont pleinement maîtrisés. Les airs de virtuosité sont enlevés avec ornements et facilité, sans négliger des couleurs barytonnales intenses et décisives chez Verdi, mais aussi une réjouissance presque canaille (avec La Veuve joyeuse). Pour conclure avant les bis, Hoffmann chante la légende de Kleinzach avec une acuité et une largeur de voix imposante, encore rehaussée par son interprétation scénique (à demi replié sur lui-même ou les jambes en arc de cercle).
Placé à la tête de l’ensemble qu’il a fondé, Opera Fuoco qui joue sur instruments anciens, David Stern donne la réplique avisée et complice à Michael Spyres. Plusieurs ouvertures d’opéras s’insèrent entre les airs (Le Barbier de Séville, Les Noces de Figaro et surtout celle d’un ouvrage rare de Giovanni Simone Mayr -compositeur sur lequel David Stern a beaucoup travaillé-, L'amor conjugale datant de 1805, musique de transition entre les époques et agréable à l’écoute).
Devant l’enthousiasme du public, deux premiers bis viennent compléter le programme : "La Donna e Mobile" du Rigoletto de Verdi et Le Postillon de Lonjumeau d’Adolphe Adam avec contre-ré ! Facétieux, Michael Spyres se disant fatigué fait demander au public par David Stern si un autre ténor se trouve dans la salle pour le suppléer pour un troisième bis. Et aussitôt, Lawrence Brownlee et René Barbera surgissent des coulisses pour un feu d’artifice vocal et amical à trois voix avec de nouveau La Fille du Régiment. Le premier répète actuellement Platée à l’Opéra Garnier, le second Le Barbier de Séville à l’Opéra Bastille. C’est peu dire que le public du Théâtre des Champs-Elysées debout ne ménage pas ses acclamations et ses applaudissements.