Pene Pati enivre l’Opéra Bastille avec L’Elixir d’amour
Créée sur la scène de l’Opéra de Paris en 2006, cette production de L'Élixir d'amour de Gaetano Donizetti est réapparue à plusieurs occasions depuis lors sans réellement perdre sa fraîcheur et son caractère. Pour autant, il convient de lui donner pleinement vie lors de chaque reprise et de lui restituer pleinement son dynamisme d’origine (ce ne fut pas totalement le cas pour la première série de représentations d’octobre dernier).
Cette seconde série voit les débuts à l’Opéra de Paris du ténor samoan, Pene Pati, découvert en France à l’Opéra de Bordeaux avec, successivement, Anna Bolena de Donizetti puis Roméo et Juliette de Gounod. Le jeune artiste, à la présence imposante, parvient à se glisser avec une délectation certaine dans les habits de Nemorino, jouant pleinement le jeu imposé par Laurent Pelly. Son personnage séduit par sa candeur, son innocence et surtout sa sincérité. Il bouge sans cesse, escaladant les bottes de paille, s’enivrant avec force de cet élixir souverain qui doit lui offrir l’amour d’Adina. Le timbre de voix s’avère particulièrement attractif, solaire, assez clair en fait. Le souffle apparaît bien maîtrisé, le legato de haute qualité, l’aigu émis avec aisance. Son interprétation de son fameux air "Una furtiva lagrima", s’impose par son raffinement et son sens des nuances. Pour autant, la projection demeure encore un rien limitée pour l’Opéra Bastille et les parties rapides le trouvent moins présent au plan vocal. Mais l’artiste se révèle fort attachant et le public ravi lui réserve un triomphe.
Titulaire du rôle d’Adina dans le cadre de cette reprise, la soprano américaine Sydney Mancasola a aussi eu des remplaçantes de prestige, avec Mane Galoyan, Pretty Yende et Aleksandra Kurzak (cette dernière connaissant déjà la production). Reprenant en cette soirée le rôle, Sydney Mancasola livre une prestation un peu en retrait, comme timide. Le timbre est certes séduisant, la vocalise précise, la voix se révélant assez homogène sur toute son étendue, mais sans le rayonnement ici manifestement attendu. De même, le volume apparaît globalement un peu trop restreint pour emporter l’adhésion.
Rien de tel pour Ambrogio Maestri qui revient au sein d’une production dont il connaît les moindres méandres. Tout en roublardise et bonimenteur de belle facture, il impose ses rondeurs italiennes au personnage de Dulcamara. La voix se déploie sans effort, forte et puissante, malgré quelques aigus assez tirés.
Simone del Savio pour sa part campe un Belcore sonore et enflé à souhait, tout imbu de sa personne, séducteur de pacotille. Voix ravissante et toute en légèreté, Lucrezia Drei pare d’une séduction certaine le personnage de Giannetta.
Succédant pour les deux dernières représentations à Giampaolo Bisanti, le jeune chef italien Leonardo Sini parvient sans peine à s’imposer. Sa direction musicale tout en souplesse et d’une attention de chaque instant au plateau -ce sans jamais couvrir les chanteurs- séduit les plus rétifs. Il impulse à l’Orchestre de l’Opéra national de Paris et aux Chœurs, une allure soupesée, emplie de gaieté et très italienne de forme et d’esprit. Les musiciens le saluent eux aussi largement, et contribuent à enivrer encore davantage cette seconde série de représentations.