La Gioconda aux Chorégies d'Orange : La Cieca
Aujourd’hui, Marianne Cornetti, qui a chanté les deux autres rôles féminins, nous présente celui de La Cieca : « J'aurais vraiment voulu et j'aurais dû m'enregistrer dans les trois rôles principaux féminins : La Gioconda et Laura que j'ai chantées à plusieurs reprises, et La Cieca que je vais chanter pour la première fois à Orange. J'aurais dû apprendre ce dernier rôle plus tôt et continuer de chanter les autres, d'entretenir La Gioconda qui est un rôle très délicat sur le plan vocal et qui déploie une passion théâtrale avec le phénoménal air "Suicidio" et puis Laura chante avec elle en duo, et elle a ce fameux air “Stella del marinar!” qui est infiniment plus difficile à chanter qu'il en a l'air [airs et personnages présentés dans nos précédents épisodes par leurs interprètes engagés à Orange, ndlr].
De son côté, La Cieca (mère aveugle de Gioconda sauvée par Laura des griffes de Barnaba qui l'accusait de sorcellerie) chante “Voce di donna o d'angelo” l'une des plus belles arias qui soient : tout s'arrête pour cette prière.
Connaître ces trois rôles permet aussi de déployer d'une manière particulière les interactions (un rôle très important pour moi qui suis la "vétérane" de cette production), et j'ai chanté tant de fois avec Saioa Hernández qui tiendra le rôle-titre, que la relation entre Cieca et Gioconda s'annonce d’autant plus intense et permettant un partage vocal nous renforçant mutuellement. Il en va de même pour les relations avec Claudio Sgura et Stefano La Colla (Barnaba et Enzo) avec lesquels l’intensité est essentielle, et ce sera aussi pour moi l'occasion de découvrir une nouvelle partenaire en la personne de Clémentine Margaine (Laura).
Avoir chanté les autres rôles veut aussi dire que j'ai travaillé avec d'autres grandes interprètes de La Cieca, dont je peux m'inspirer. Notamment du tempérament d'Elisabetta Fiorillo.
Je vais justement chercher à conserver une part frêle du personnage mais dans son apparence, car elle a du tempérament. Comparer les trois rôles permet de voir combien Gioconda est plus dramatique et plus haute, tandis que Laura est une mezzo dramatique assez typique, mais Cieca est plus grave. Elle permet ainsi de montrer la beauté du registre bas de mezzo, et de montrer son caractère compassionnel. Le rôle est grave et sombre mais il correspond désormais pleinement à ma zone de confort, à celle que j'ai développée.
Quant au tempérament théâtral du personnage, il se concentre dans la formule "a Mother knows" : comme mère, elle sent et ressent tout, elle pressent le danger et elle est prête à sacrifier sa vie pour sa fille. Il faut faire ressentir sa compassion, qui sublime leur relation. Il faut transmettre d'emblée la tendresse qu'elle déploie et qu'elle inspire à La Gioconda, c'est un rôle très passionné.
Vocalement elle peut faire penser à Ulrica (qui est plus grave) mais théâtralement elle semble unique, par cette compassion (qui la distingue des mères sorcières d'autres opéras). Cieca n'est pas un rôle très long mais elle dispose d'une merveilleuse aria, où tout le drame se suspend alors à ses lèvres, y compris dans un lieu avec 8.500 spectateurs. Revenir à Orange et revenir en France est un grand plaisir. Ce rôle et ce lieu sont ainsi essentiels car ils sont comme un nouveau départ après la pandémie. Quand Roberto Alagna chantait Radamès au Théâtre Antique en 2006, j'étais Amnéris. J'ai absolument adoré ce lieu, c'est un très bel endroit pour le chant. Nous avions certes dû interrompre une répétition à cause du vent mais tout s'est parfaitement déroulé pour le spectacle, c'était merveilleux. »
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1- Le rôle-titre
2- Enzo
3- Laura
4- La Cieca
5- Barnaba
6- Alvise Badoero
7- Zuàne
8- Isèpo
9- Les Chœurs
10- Le Ballet