La Gioconda aux Chorégies d’Orange : les chœurs
« La Gioconda est un Grand Opéra à grand spectacle : dans Gioconda, rien ne manque. Au contraire, tout y est en abondance, y compris les nombreuses interventions des chœurs qui nécessitent évidemment un effectif important. À Orange, ils seront 80 choristes, réunissant les Chœurs des Opéras de Monte-Carlo, d'Avignon, et du Capitole de Toulouse. Le chœur est omniprésent dans les trois premiers actes et chante tout ce qu'on peut imaginer pour un chœur d'opéra : le chœur est sollicité de toutes les manières possibles, du recueillement aux explosions, il y a toute la palette de couleurs possibles, tout ce qu'on peut demander. Dès le premier acte, le premier contact avec l'opéra se fait par un grand chœur d'entrée : la fête à Venise. Les chœurs se déchaînent dans une musique très joyeuse, très riche, avec plein de divisions (les dames à 3 ou 4 voix, les hommes en ténors 1 et 2, …).
Puis tout bascule soudainement de la liesse festive à la horde criminelle, de la fête à l’agression de La Cieca (accusée de sorcellerie et vouée au bûcher). Le chœur amorcé par le vil Barnaba devient très agressif et violent.
Puis (juste après le chœur “Carnaval! Bacchanale!” et dans la même scène refermant le premier acte), intervient des coulisses le chœur religieux, confirmant déjà toute la richesse de cette partition, aussi dans la richesse du contrepoint et du rythme (facilitée par le magnifique livret de Boito). Cette prière est un moment religieux magnifique, superbement écrit par Ponchielli avec des sonorités presque de la Renaissance.
Le deuxième acte s’ouvre sur le bateau avec le grand chœur des marins, où là aussi la finesse d'écriture de Ponchielli dans le contrepoint est au sommet, mais dans une écriture plus descriptive.
Mais le climat change bien évidemment, avec l'arrivée des navires ennemis. Tout le monde s'enfuit et le chœur des marins et matelots change violemment de couleurs et de sonorités : celles de la peur et de la frayeur.
Au troisième acte, la Serenata est un autre moment très délicat, et tout de suite après, l'entrée des chevaliers, encore une fois avec une explosion sonore (rapide et plus courte cette fois), un coup de génie de Ponchielli.
Les chœurs (sans l'orchestre) chantent en coulisses, très paisibles, avec un accompagnement léger des hommes, une mélodie très douce des femmes, de loin comme pour un moment de béatitude alors qu'au contraire c'est le moment le plus terrible où Badoero essaye de tuer son épouse. Le contraste est absolument "formidable", terrible, d'un génie absolu.
Le troisième acte se termine sur un style encore dans l'esprit verdien, majestueux, imposant, toutes les voix sur scène entonnant un contrepoint très raffiné, avec des changements de tempi, de sonorités, du pianissimo aux éclats. C'est la fin du troisième acte et presque la fin des interventions des chœurs (qui reprennent seulement ensuite la Serenata).
C'est la première fois que je dirige les chœurs de cet opéra, et je suis d'autant plus ravi de le faire aux Chorégies d’Orange avec mon ami le Maestro Callegari qui l'a dirigé tant de fois et dont c'est le cheval de bataille. Pour un chef de chœur, les choristes doivent être le plus nombreux possible mais 84 est un nombre important et suffisant à Orange, surtout car il s'agit de trois chœurs d'un très haut niveau professionnel : leurs forces expressives sont bien connues. L'importance est d'avoir un maximum d'homogénéité et l'acoustique d'Orange fait le reste. Forcément, les coulisses d'Orange sont très loin du public mais il faut ajuster d'après la partition et à ce qui est entendu depuis les gradins pour garder l'intention musicale et l'effet. L'année dernière, pour Samson et Dalila, nous avons résolu tous les enjeux de vocalité et de présence sans aucune adaptation particulière. »
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1- Le rôle-titre
2- Enzo
3- Laura
4- La Cieca
5- Barnaba
6- Alvise Badoero
7- Zuàne
8- Isèpo
9- Les Chœurs
10- Le Ballet