La Gioconda aux Chorégies d’Orange : le rôle-titre
Avant de réécouter ensemble la fameuse "Danse des Heures" et de faire connaissance avec tous les autres personnages de cet opéra, commençons aujourd’hui par le rôle-titre : La Gioconda présentée par Saioa Hernández : « Pour moi ce personnage de La Gioconda est très romantique : dans son caractère et dans son chant. Elle aime profondément sa mère (La Cieca : l’aveugle), elle est profondément amoureuse d’Enzo Grimaldi (jusqu’au sacrifice) : son cœur définit sa personnalité. Elle ne connaît pas l’histoire passée rapprochant Enzo et Laura. Dès qu’elle s’en rend compte et qu’elle se sent trahie, alors elle change : elle est forcée à devenir femme par une douleur qui la fait mûrir d’un coup (c’est donc un sentiment très intense) mais qui la pousse vers la noblesse du sacrifice, parce que Laura avait sauvé sa mère. Les rapports entre Gioconda et l’espion Barnaba (qui l’aime sans retour, et la fait chanter pour arriver à ses fins) est comme celui entre Otello et Iago. Gioconda, Enzo et Laura sont manipulés et poussés à mal agir mais parviennent néanmoins à montrer qu’ils sont de bonnes personnes.
Vocalement, La Gioconda est toujours un défi, car les moments chantés les plus importants viennent à la fin. Le quatrième (et dernier) acte est très sombre et très grave, mais demande aussi parfois une voix lumineuse, brillante : reflétant la pureté romantique de cette femme qui ne veut qu’être aimée, qui ne voudrait que faire le bien et de son mieux. Il faut refléter cela dans le chant, malgré des moments très durs et noirs : le duo de lionnes avec Laura par exemple demande un caractère impétueux, et immédiatement ensuite un caractère très intime.
Dans le grand air “Suicidio” il y a aussi la tendresse du souvenir, la souplesse du récitatif (comme lorsqu'elle parle à sa mère, tel un enfant). Le chant doit contenir tout cela et devra déployer tout cela dans l'immense espace à ciel ouvert des Chorégies d'Orange.
Les Chorégies me permettront de retrouver le chef d'orchestre Daniele Callegari avec qui j’ai fait ma prise de rôle, pour cet opus avec lequel j’ai une histoire merveilleuse, qui m’a donné de si belles histoires, avec tous les lieux où je l’ai chanté. De La Gioconda je connaissais le Ballet, les airs “Suicidio”, “Cielo e mar” et le grand duo, j’étais donc très heureuse d’avoir l’opportunité de travailler en entier ce rôle d’un opus rare, pour auditionner devant Daniele Callegari, et le chanter avec lui à Piacenza. Je l’ai ensuite chanté à La Scala (où je le chante à nouveau en ce mois de juin) et ce rôle a marqué mes débuts au Liceu.
La Gioconda dans un théâtre est une intense expérience mais en plein air c’est une atmosphère, presque plus réelle avec les éléments, le ciel, le vent (j’ai chanté de nombreuses fois en plein air : à Vérone, Martina Franca, Macerata, à l’Odéon d'Hérode Atticus à Athènes). Et les Chorégies seront comme mes seconds débuts français après Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai à Strasbourg en 2017, avant aussi mes débuts à l’Opéra de Paris en Tosca la saison prochaine. »
Le chef d’orchestre de ses débuts et de cette production, Daniele Callegari à Orange (qui présentera notre prochain épisode), a également tenu à dire quelques mots sur cette interprète dans ce rôle-titre : « Pour faire Gioconda, il faut une grande Gioconda. J'ai découvert Saioa Hernández grâce aux auditions pour Piacenza et pour moi elle s'est immédiatement imposée comme une évidence (même si elle ne l'avait pas encore chantée). Ce qui m'a vraiment impressionné c'est la puissance de la voix, énorme et en même temps capable d'être ironique comme c'est prévu dans les agilités de l'air final au quatrième et dernier acte : l'ironie sachant qu'elle ne peut pas tomber dans les bras de Barnaba, et elle déploie alors une ligne de legato extraordinaire. Je suis ravi de travailler avec elle à nouveau. »
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1- Le rôle-titre
2- Enzo
3- Laura
4- La Cieca
5- Barnaba
6- Alvise Badoero
7- Zuàne
8- Isèpo
9- Les Chœurs
10- Le Ballet