Don Giovanni entre rires et tragédie à l’Athénée
Dès l’ouverture, Julien Chauvin emporte une ambiance vibrante, riche en passions, d'autant qu'il maîtrise l'art de diriger en jouant du violon. Son jeu agile et dynamique nourrit une direction expressive et claire, dans les passages plus exigeants pour son instrument et donc sa phalange du Concert de la Loge (installée sur scène dans un dispositif re-scénographiant celui du concert, comme le faisait tout récemment, hasard des circonstances artistiques, La Falaise des lendemains à Rennes). Dans cette efficace scénographie de Laure Pichat, ils sont ainsi en prise directe avec les chanteurs, une passerelle au-dessus de l’orchestre et un escalier reliant les artistes.
Les instrumentistes incarnent même des invités de la scène, partageant des coupes de champagne et portant des masques de bal, soulignant ces liens entre musique et théâtre (une signature de l'Athénée) comme entre Mozart et Molière. Le Théâtre à l'italienne de l’Athénée se fait pleinement le cadre-écrin de cet opus et de ces nuances orchestrales, incisives et précises, soutenant harmonieusement les voix et formant un équilibre sensible.
Les costumes de Claudia Jenatsch sont simples et élégants, mettant en valeur l'expressivité des caractères. Les lumières de Victor Egéa suivent les émotions de l’intrigue : des teintes chaudes et ensoleillées accompagnent les moments de tendresse, tandis que des lumières sombres et glaciales apparaissent lors des retours terrifiants du Commandeur.
Les interprètes, chacun dans son rôle, contribuent pleinement à cette ré-union tranchante entre théâtre et musique. Le baryton Timothée Varon, dans le rôle-titre, en impose par sa voix puissante et sa proximité touchante avec le public. Son timbre est dynamique et ample, capable de modulations subtiles et de dévoiler une douceur inattendue, idéale pour un tel séducteur-préda(c)teur.
Adrien Fournaison incarne Leporello avec l'aisance du valet, sa touche de comique bénéficiant de la douceur et de l'ouverture de son registre de basse. Sa présence scénique est fluide et son interaction avec les musiciens, disposés autour de lui, amplifie l’effet théâtral de la mise en scène.
La soprano Margaux Poguet a un timbre pincé qui accentue la douleur et la fragilité de Donna Elvira, tantôt puissante, tantôt douce, exprimant une émotion vibrante, d'intensité et de désespoir.
La soprano Marianne Croux, en Donna Anna, se distingue par un registre très lyrique et ornementé, offrant une richesse de nuances et une intensité dramatique palpable. Sa voix dévoile l’angoisse et la dignité du personnage, la profondeur de sa quête de vengeance.
Le ténor Abel Zamora, en Don Ottavio, accompagne Donna Anna avec une voix douce et sensible, incarnant un fiancé loyal et aimant, dont la fragilité se dessine par un registre vocal délicat.
Le duo entre la soprano Michèle Bréant, dans le rôle de Zerlina, et la basse Mathieu Gourlet, dans celui de Masetto, offre un moment d’intimité touchant. La voix lyrique de celui-ci, avec son timbre ferme et chaud, complète celle de celle-là, pleine d’énergie et de sincérité avec un timbre doux et mélodique. Leur alchimie touche visiblement le public, par la simplicité de leur amour confronté aux trahisons du libertin.
Dans le rôle du Commandeur, la basse Nathanaël Tavernier s’impose par la chaleur et la puissance de son timbre. Sa résurrection, marquée par un maquillage saisissant, ajoute à l'intensité du plateau.
Inès Lorans, Alexia Macbeth, Corentin Backès et Samuel Guibal apportent en chœur leur présence unie.
Le public ovationne les artistes et cette production, qui mènera ce Don Giovanni à chercher de nouvelles victimes en d'autres contrées : à Maisons-Alfort, Massy, Tourcoing, Perpignan,...