Le Comte Ory au TCE : Cyrille Dubois et Sara Blanch acclamés
Si l’absence de mise en scène et de décor ne nuit généralement pas à la compréhension des intrigues et, parfois même, permet une concentration de l’écoute sur la musique, la représentation de ce soir dément en partie ce constat.
Il faut dire que l’histoire cocasse, accompagnée de travestissements et de changements de rôle n’est pas facile à suivre sans scénographie. Le livret, dû en partie à Eugène Scribe, décrit les agissements et les stratagèmes du Comte Ory qui, profitant de l’absence des hommes partis pour la croisade, jette son dévolu sur la Comtesse Adèle, ainsi que sur toutes les femmes du château (aujourd’hui, ce Comte ferait peut-être la une de certains journaux révélant des faits de harcèlement). S’ensuit un enchaînement de situations comiques comme cette scène d’ébats amoureux drolatique réunissant le trio Adèle, Ory et Isolier qui, ce soir, atteint difficilement le niveau de facéties requis.
La posture de certains interprètes, demeurant derrière leur pupitre et lisant scrupuleusement leur partition, ne rend également pas justice à la théâtralité induite par la musique.
Le ténor Cyrille Dubois, cependant, déclenche les rires du public lorsqu’il apparait vêtu d’une jupe noire sur son costume bleu tout en adoptant une attitude pieuse. Son accroche solide lui assure une présence vocale même aux moments d’intensité orchestrale. Il se délecte du texte et investit le personnage à fond. Cependant, son engagement s’accompagne parfois d’une pression vocale excessive faisant entendre une certaine fragilité d’émission et, s’il use du registre mixte ou du falsetto rendant le velouté des phrasés, les aigus en voix pleine sont solides tout en étant fortement dirigés vers la nasalité.
« C’est charmant, c’est divin » chante Le Comte Ory et ses chevaliers… et qualifie la prestation de Sara Blanch dans le rôle d’Adèle. Cette dernière connait parfaitement le rôle pour l’avoir chanté à plusieurs reprises ce qui lui permet de se détacher de la partition et d’investir le personnage pleinement. Son soprano magnifié ignore les difficultés de la partition et la chanteuse survole les traits virtuoses, les suraigus et les retours rapides dans le grave avec un naturel confondant et un français impeccable.
En page amoureux (Isolier), la mezzo-soprano Ambroisine Bré est convaincue et délivre des lignes vocales souples dans une belle conduite. Très sollicitée dans les aigus, ceux-ci peuvent manquer quelque peu d’espace et de rondeur.
La mezzo-soprano Monica Bacelli est à la peine pour interpréter vocalement Dame Ragonde, sa voix manquant cruellement de stabilité. Elle incarne cependant théâtralement le rôle avec bonheur et malice.
Si la basse puissante et les graves résonnants de Nicola Ulivieri campent toute l’autorité du gouverneur, son fort accent oblige souvent l’auditoire à lire les surtitres.
Il ne manque que quelques décibels au baryton Sergio Villegas-Galvain pour assumer pleinement le rôle de Raimbaud. Son timbre bien défini et sa prestance engagée ne lui suffisent pas pour passer l’orchestre et gagner le public.
Marielou Jacquard incarne très naturellement le rôle d’Alice. Lucas Pauchet, Flore Royer et Pierre Barret-Mémy sont trois Coryphées assurés.
Si l’ouverture de l’opéra semble manquer de vivacité, Patrick Lange dirige l'œuvre avec précision et élégance tout en symbiose avec l’Orchestre de chambre de Paris. Très attentif au chœur, ce dernier (préparé par Frédéric Pineau) offre une prestation rigoureuse et investie. Toutefois, le chef ne parvient pas toujours à préserver le contact avec les solistes placés très à l’avant et il en résulte une fragilité dans la synchronisation de certains passages rapides.
Cyrille Dubois et Sara Blanch semblent avoir touché particulièrement le public qui leur réserve une vive acclamation.