Roberto Alagna aux Invalides : des frissons dans une Cathédrale
Relativement rare en France ces derniers mois, Roberto Alagna propose aux Invalides un concert mêlant extraits d’opéras italiens en première partie et chansons napolitaines - italiennes en seconde. Deux répertoires que le ténor affectionne et dans lesquels il s’investit pleinement, affichant un plaisir évident à partager ces musiques. Le programme est varié, passant du rire aux larmes, de la danse au recueillement, des tubes (« Questa O Quella » extrait de Rigoletto, par exemple) aux raretés, des grands éclats de bravoure vocale aux plus doux et frissonnants piani. Le chanteur aurait bien fait danser le public sur une tarentelle si le concert ne s’était tenu dans une cathédrale : qu’à cela ne tienne, le public claque des doigts ou des mains.
Il est accompagné dans son entreprise par cinq musiciens, à commencer par son complice Yvan Cassar au piano, au toucher fluide et sensible. Il paraîtrait presque laisser surgir une larme furtive dans un extrait de L'Arlesiana de Cilea. Il arrange (et accompagne) notamment « Casta diva » (extrait de Norma) pour le violoncelle de Julie Sevilla-Fraysse en un sommet de nuances et d’émotions, interprété sur un fil fin. Plus surprenant est l’arrangement de La Danza de Rossini pour la trompette de Célestin Guérin : aussi suave que soit l’instrument, il reste en effet frustrant de ne pas entendre la voix du ténor sur cet air célèbre. Thomas Coeuriot gratte avec finesse les cordes de sa mandoline avec son médiator, dans ce style si typique de la chanson italienne. Benoit Dunoyer de Segonzac offre quant à lui ses basses (en pizzicati le plus souvent) à la contrebasse.
Tout au long du concert, Roberto Alagna, vêtu d’un costume noir brillant, démontre sa pleine santé vocale. Si ses aigus lyriques sont tenus et rayonnants, il est tout aussi à l’aise dans de délicats piani, infiniment fins et pourtant très audibles, soigneusement vibrés et longuement tenus, les yeux fermés et les mains jointes. Il voyage ainsi, d’un style à un autre, souriant ou dans la retenue, alternant attaques franches et portés de voix, explorant l’étendue de sa technique pour nourrir une bien grande musicalité et une constante puissance évocatrice.
Il chante aussi deux chansons de son cru (composées avec son frère Frederico), dédiées à ses filles, Malena et Ornella. Ces deux mélodies ne sont pas les moins intéressantes : la seconde, dédiée à sa première femme décédée suite à une maladie foudroyante il y a plus de trente ans, est interprétée avec une grande douceur et une infinie tendresse. Émouvante.
Une fois le programme achevé, Roberto Alagna « offre un petit quelque chose » au public. Deux bis offrant la même variété de style que le reste du concert : Caruso de Lucio Dalla, puis Funiculì funiculà de Luigi Denza, pour « finir dans la joie ». Le public lui offre en retour une ovation debout. Le ténor peut désormais se préparer pour Fedora qu’il donnera prochainement à l’Opéra de Genève.