Marina Viotti, Métal doré au Château de Versailles
Parce que baroque, le programme résonne tout particulièrement avec le lieu, mais il profite aussi de la très grande diversité de cette musique-continent : morceaux sacrés ou profanes, virtuoses ou spirituels, ils ont pour point commun et fil rouge l'intensité et visiblement les goûts des interprètes. L'Orchestre de l'Opéra Royal de Versailles rend à Purcell, Porpora, Porta, Locatelli et Vivaldi leurs instruments et sonorités (et fougue et passion d’époque) dans des facettes là aussi kaléidoscopiques : la Grande Salle des Croisades où se tient ce concert miroiterait musicalement presque comme la Galerie des Glaces.
La chanteuse apporte ici ses deux mondes (voire davantage) : ses ornementations vocales sont mesurées et le phrasé respecte la déclamation dramatique baroque... le tout avec un caractère tranché et affirmé jusque dans la tenue vestimentaire. Sa dynamique de scène plus rock que bas-rock, offre une autre vision du baroque.
Car la technique est bien là, portée par cette intensité : Marina Viotti adopte un timbre précis, en parfaite harmonie avec les autres instruments pour créer une cohérence sonore. La clarté de sa voix permet une intégration harmonieuse aux nuances de l’orchestre, tandis que son placement vocal reste stable et chaleureux. Sa voix sait aussi bien se libérer qu'explorer avec une expression plus souple un timbre arrondi. Elle révèle des contrastes d’intensité vocale, alternant des passages plus fragiles (mais toujours adaptés au caractère de l’œuvre) comme elle exploite un registre doux, équilibré par des nuances mélancoliques. Les ornements, précis mais discrets, renforcent la transition vers une expressivité plus marquée sans surcharge.
L’Orchestre de l’Opéra Royal, sous la direction d’Andrés Gabetta, assure une interprétation contrastée, jouant sur des vagues de nuances dynamiques. La cohérence rythmique est minutieusement maintenue, avec des réponses s’opérant dans un équilibre homogène. Dans le répertoire orchestral de Concerto, le dialogue entre le violon et l’orchestre est fluide, ponctué par des cadences techniquement élaborées et maintenues en suspension.
L'instrumentarium apporte une résonance riche et typique, une texture sonore distinctive, dont la direction de Gabetta renforce les contrastes tout en veillant à la construction des transitions sonores, progressives et marquées, valorisant chaque timbre instrumental.
Le concert se conclut dans la précision des récits et lignes vocales, par un style déclamatoire clair et puissant : à l'image de cette immersion atypique et captivante, largement appréciée par le public présent.