Gaëlle Arquez et la mélodie française aux Journées Ravel
Les Journées Ravel fêtent en cette année leur 28ème édition avec un ensemble de concerts se répartissant entre Montfort-l’Amaury, lieu de résidence principale de Maurice Ravel en son fameux Belvédère, et plusieurs localités toutes proches comme Les Mesnuls et son église Saint-Éloi, aux pieds de laquelle repose Hélène Jourdan-Morhange violoniste, amie proche et interprète majeure des œuvres pour violon du compositeur.
La programmation annuelle des Journées Ravel se répartit sur deux week-ends d’octobre avec comme invités cette année entre autres les Quatuors Ibéria et Mirages, les pianistes Tom Carré, William Winterstin ou Cyprien Katsaris, le claveciniste Pierre Hantaï…
Revenant juste et en très grande forme de Monte-Carlo où elle vient de chanter et enregistrer pour les éditions du Palazzetto Bru Zane le rôle de Vanina dans l’opéra de Camille Saint-Saëns, L’Ancêtre avec l’Orchestre Philharmonique dirigé par Kazuki Yamada, Gaëlle Arquez a choisi pour sa part de se pencher sur un ensemble de mélodies impérissables du répertoire français : les trois mélodies constituant le cycle Shéhérazade de Maurice Ravel, deux mélodies d’Hector Berlioz dont La Mort d’Ophélie issue du cycle Tristia composée sur un poème d’Ernest Legouvé, et Le Spectre de la Rose issu du cycle Les Nuits d'été ainsi que des mélodies de Gabriel Fauré (en cette année centenaire), professeur de composition de Maurice Ravel.
Malgré la légère réverbération de l’église, l'artiste laisse s’épanouir sa voix de mezzo-soprano aux riches composantes, au timbre capiteux et au legato assuré. Gaëlle Arquez aborde le texte avec une diction nette et précise, attentive à en transmettre fidèlement les subtilités aux auditeurs dans toutes ses composantes musicales, sans pour autant faire un sort à chaque mot. Son interprétation vocale se veut en premier lieu passionnée, puissamment lyrique et d’un abord large. Elle sait moduler et retenir ses moyens imposants lorsqu’il sied, tout en variant presque à l’infini les couleurs. La lecture sait être touchante et réaliste à la fois, empreinte de délicatesses harmoniques tout en rejoignant un peu l’air d’opéra. L’échantillon proposé balaie différentes époques et thématiques, mettant en relief la maitrise de la cantatrice sur le souffle et le soutien, ou sa dimension plus aérienne et primesautière avant de revenir pour conclure vers des mélodies plus graves.
La pianiste Mary Olivon apparaît totalement en phase avec Gaëlle Arquez sur la partie du concert consacré à Fauré. Le toucher est sensible et bien établi, le lyrisme de bon aloi. Au piano seul, elle séduit tout particulièrement avec les préludes de Maurice Ravel, À la manière de Borodine et d’Emmanuel Chabrier comme avec cette paraphrase sur l’air de Siebel tiré du Faust de Gounod, puis par deux petites pièces charmantes et d’une fausse légèreté apparente de Germaine Tailleferre, la Valse lente et la Romance.
L’église Saint-Éloi des Mesnuls, affichant complet, accueille ce concert avec enthousiasme. Deux bis viennent compléter le programme : À Chloris de Reynaldo Hahn et la délicieuse mélodie Ma Poupée chérie de Déodat de Séverac dans laquelle les deux interprètes livrent tout leur cœur.