Une saison sur le thème du « ricochet ». Voici ce que propose le Clermont Auvergne Opéra pour ce millésime 2024-2025, manière de mieux rebondir après des dernières années marquées par l’ombre de la crise sanitaire. Manière aussi de repartir de l’avant après le départ du directeur « historique » Pierre Thirion-Vallet l’an passé, remplacé depuis par la soprano Ève Coquart. Et quoi de mieux qu’un opéra-bouffe pour débuter ce nouveau cycle ?

Le public apprécie l’idée, en tout cas, lui qui se présente en nombre pour assister à cette Belle Hélène ici confiée à la troupe d’Opéra Eclaté (qui a depuis longtemps pris ses marques au pied des volcans). Il y avait eu La Cenerentola, Cosi fan tutte ou encore La Vie Parisienne (Offenbach, déjà), place désormais à La Belle Hélène qui donne une nouvelle l’occasion à Olivier Desbordes de faire montre de toute son inventivité. 

L’idée, ici, est bien de faire du livret de Meilhac et Halévy un propos le plus universel possible, et moderne, surtout, « pour mieux parodier les grands de ce monde », comme l’ambitionne le metteur en scène dans sa note d’intention, reprenant la visée d’Offenbach un siècle et demi plus tôt. Ainsi, exit les Atrides ou même Napoléon III et sa cour, place à une famille royale des plus contemporaines, où les têtes sont coiffées de couronnes grotesques et où les vestes de costumes cintrées s’accompagnent de kilts ou… de shorts de bain.

Des tenues souvent désopilantes (signées Stella Croce) qui s’inscrivent dans un univers propre à séduire les tabloïds, où tout respire la modernité la plus crue : cette royal family échange par textos ou sur TikTok, elle s’informe en lisant les pages éco du journal local, et lorsqu’une manifestation du mouvement MeToo (ou ici : "MiTou") vient troubler sa quiétude, c’est à l’initiative du syndicat "FO"… pour Femmes Oubliées. 

Voilà qui a de quoi faire sourire, pour un spectacle qui mise bien plus sur ces références cocasses et sur le mouvement permanent que sur des décors qui vont à l’essentiel : deux panneaux géants en fond de scène (pour figurer notamment des colonnades et des moutons tout droit sortis d’un film d’animation), des trônes un peu chiches sur lesquels des rois benêts viennent assister aux « Jeux Olympiques de l’intelligence », et puis un lit King Size où Ménélas viendra surprendre Hélène dans les bras d’un Berger devenu Pâris. Des effets matériels sans strass ni paillettes, pleinement mis en valeur cependant par les vives lumières, toujours projetées à bon escient, de Simon Gautier. 

Ingénue, mais lyrique

Dans ce spectacle où quelques chorégraphies bien travaillées (à en faire passer la macarena pour une danse de salon) viennent rajouter à l’ébullition générale, la voix très lyrique d’Ahlima Mhamdi sort du lot. Son Hélène, avec ses manières un peu ingénues, est portée par un chant qui se fait bien plus distingué, avec une projection de belle rondeur, ce qui n’empêche pas l’instrument de prendre des contours plus facétieux lorsqu’il s’agit pour cette reine d’échanger avec ses drôles de comparses.

Raphaël Jardin endosse avec entrain le rôle Pâris, d’abord grimé en Berger. Sa voix parfois un peu nasale mais ample et projetée avec fermeté, s’illustre sans mal dans ces drolatiques JO de l’intelligence.

Matthieu Toulouse porte Calchas par une même pétulance dans le jeu scénique et une voix de basse autoritaire donnant toute sa stature à ce joyeux augure. 

Thibault De Damas prête à Agamemnon son baryton-basse imposant, au timbre distingué, quand l’impayable Ménélas (qui se retrouve avec une improbable tenue de ski à son retour de Crète, hommage, ajouté ou coïncident, tombant à pic pour Michel Blanc), est campé par Alfred Bironien au ténor aussi mordant que sonore.

Avec son look de rappeur US, la mezzo Analia Téléga est un Oreste à la projection vocale épanouie et à la diction bien ciselée, l’Achille de Fabio Sitzia (avec son fameux talon dans le plâtre) étant tout aussi affirmé et allègre tant vocalement que scéniquement.

En Ajax 1 et 2, le ténor Alexis Brison et le baryton Eduard Ferenczi Gurban se distinguent par une égale assurance dans l’art de la comédie et par leurs voix jeunes mais déjà bien placées et vivement projetées. Plus furtivement, et souvent dans des emplois de choristes, Aviva Manenti (Parthenis), Pauline Jolly (Léæna), Nathalie Schaaff (princesse du Pirée) et Flore Boixel (Bacchis) donnent à entendre des voix qui ne dépareillent pas dans la folie sonore ambiante. 

À la tête d’un orchestre de poche d’où cornet, piccolo et percussions s’en donnent à cœur joie, Gaspard Brécourt et sa gestuelle précise donnent une impulsion enjouée et festive à une partition où se font même entendre quelques notes du Bolero et de Star Wars.

De quoi ravir plus encore le public qui applaudit à tout rompre la folâtre troupe.