L’automne d’une hirondelle à Metz
La production mise en scène par le Directeur de la maison, Paul-Émile Fourny, se propose humblement, mais résolument, de fournir à cette Rondine un bel « écrin poétique », qui en permette l’éclosion efficace : sans connotations allusives à autre chose, avec une direction d’acteur entièrement orientée vers la lisibilité de l’intrigue et des passions. Le deuxième acte se fait virtuose lorsque, comme dans La Bohème, se déploient sur scène les protagonistes, noyés dans la foule du chœur et du ballet en action.
Le dispositif scénique de Benito Leonori, très élégant et soigné, seconde habilement ce parti pris avec une scène clairement délimitée : salon bourgeois vu comme une sorte de théâtre pour la partie du fond, salle de bal à l’Acte II, enfin la plage, pour revenir au Salon. Giovanna Fiorentini a réalisé des costumes « fin de siècle », élégants et parfois cocasses, en harmonie avec les décors. Les lumières de Patrick Méeüs, fonctionnelles aux actes I & II, deviennent narratives au III, accompagnant par leurs nuances l’effondrement intérieur de l’héroïne.
L’Orchestre national de Metz Grand Est, déployé dans la fosse et les loges du cadre de scène (format puccinien oblige), est solidement préparé et dirigé par Sergio Alapont. Il sait, dans ce flot continu, alterner les moments légers du salon et du Bal Bullier avec les moments intimistes et les bouffées lyriques des passions qui submergent les personnages. Son sens des transitions et des contrastes offre des dynamiques très efficaces, et soutient des cordes colorées.
Sous la houlette de Graham Erhardt-Kotowich, les artistes du Ballet maison se déchainent au Bal, avec une énergie de bon aloi, un peu décalée par un langage chorégraphique plutôt « moderne », mais en phase avec la proposition musicale de Puccini.
Les artistes du Chœur tiennent leur partie, avec un engagement scénique réjouissant. Plusieurs d’entre-eux contribuent aux parties solistes, avec le trio des fleuristes : Valérie Orts Rossi, Pauline Hoffmann et Mathilde Rogé-Brossollet, sans oublier le superbe quatuor des étudiants. Si les voix sont d'un peu plus faible format, l’engagement théâtral est sincère et entier.
Tadeusz Szczeblewski prête sa voix de ténor aux dimensions de son petit rôle de Gobin. Dans les rôles de Périchaud puis du Majordome, Olivier Lagarde projette son baryton assez sombre. Parmi les amies de Magda, Adélaïde Mansart (Lolette et Suzy) laisse percevoir son timbre chaud de mezzo. La piquante Lucile Lou Gaier incarne joliment sur le plan scénique Bianca et Gabriella, mais peine à émerger sur le plan sonore. Apolline Hachler tire davantage de son soprano léger assez projeté, mais de petit format, dans les rôles d'Yvette et Georgette, où son abattage fait florès.
Dans le rôle de Rambaldo, Jean-Luc Ballestra donne à entendre sa voix de baryton-basse particulièrement sonore et projetée, d’une grande efficacité, étendue et présente de part en part. La diction jointe à un phrasé élégant confèrent une certaine classe à ce « protecteur » sans doute épris de Magda.
Christian Collia prête son de ténor de caractère à Prunier, le poète aventureux, mais pas trop, assez mondain, mais épris sincèrement de Lisette. La voix n'est pas toujours assurée et manque de couleurs, ce qui est partiellement compensé par un engagement théâtral manifeste, tirant le personnage vers une posture de benêt un peu fantasque…
La Lisette de Louise Foor possède une étendue sonore, de timbre fruité et séduisant, renforcé par une vis comica indéniable.
Ruggero Lastouc, la victime de cette histoire, amoureux passionné de Magda qui finit par le rejeter, échoit au ténor Thomas Bettinger. Sa prestance scénique est efficace, sa voix un peu déconcertante : d’un beau métal, pleinement sonore et projetée, notamment dans le medium où s'écrit la plus grande partie du rôle, son entrée dans l'aigu est tirée et "blanchit" sur le plan du timbre.
Dans le rôle de Magda de Civry, Gabrielle Philiponet déploie son soprano lyrique. La voix est étendue, avec des sons mixés et poitrinés dans le grave, un aigu flamboyant et aisé. Le médium est moins audible (dans les échanges notamment), mais l’interprétation est poignante.
L’enthousiasme qui traverse cette production se fait contagieux auprès du public.