Le Met conte Hoffmann
La mise en scène de Bartlett Sher montre de manière réaliste les différents lieux de cette histoire, tout en articulant des leitmotivs visuels, et notamment du côté des danseurs/performeurs (comme avec ces danseuses/poupées de l’acte I, qui reviennent plusieurs fois par la suite).
Benjamin Bernheim semble se bal(l)ader sur la partition du rôle-titre, tout en chaleur et en rondeur, agrémentant simplement son timbre voluptueux d’un léger vibrato. En continuant à soigner le son et sa puissance, il manie l’intonation avec une grande précision, et n’hésite pas à affiner ses interventions d’une légère tonalité pincée ou de tête. Sur scène, il tranche un peu en faisant d’Hoffmann un personnage plus torturé qu’amusant.
À ses côtés, la mezzo-soprano Vasilisa Berzhanskaya fait elle aussi de la muse et de Nicklausse des rôles assez sombres. La rondeur de son timbre et de ses amplitudes donne de la chaleur à ses interventions, mais le manque d'articulation du français fait un peu perdre la langue et les propos du personnage.
Les personnalités contrastées des solistes incarnant les rôles féminins en soulignent les différences et nuances. Erin Morley joue sur les éléments traditionnels de la poupée Olympia (le détaché et les vocalises), avec une grande précision, notamment dans l’intonation. Le timbre n'en est pas moins chaleureux et si les derniers moments montrent un peu d’essoufflement, cela traduit aussi la propre fatigue de la poupée mécanique.
Pretty Yende est aussi bien Stella, la muse de la « vraie vie » d’Hoffmann, et son amour du deuxième acte, Antonia. Elle y déploie beaucoup de puissance et d’énergie dans les tenues, accentuant l’amplitude et la chaleur de son timbre, au large vibrato. Mais ses interventions manquent un peu de précision dans l’intonation, et ses grandes envolées manquent de variations dans leur musicalité.
En Giulietta, Clémentine Margaine affirme une dynamique certaine et un timbre peu vibré. Bien que puissantes, ses interventions se mêlent quelque peu à l’euphorie générale de ce troisième acte, qui souligne davantage la perte d’Hoffmann que la psychologie de cette troisième héroïne.
Les rôles masculins sont ici tous très intéressants et variés, avec leurs propres spécificités. Le méchant, en ses différentes incarnations, est interprété par Christian van Horn. Le baryton-basse joue sur des résonnances caverneuses associées à une nette puissance, mais il manque parfois un peu de souffle. C’est alors son assurance sur scène qui renforce son incontournable incarnation maléfique.
Aaron Blake est un valet amusant (et même plusieurs), accentuant les tremblements et autres effets dans les scènes comiques. Sa personnalité vocale se déploie avec des sonorités nasillardes mais d'une grande chaleur et puissance, qui posent le personnage-archétype.
Tony Stevenson manque malheureusement de puissance en fabricant de poupée (Spalanzani), et joue sur des moments parlés pas assez timbrés. Le père d'Antonia (Crespel) est interprété par Bradley Garvin de manière assez intéressante, avec un vibrato fin et une voix claire, presque sèche, qui manque toutefois de consistance face à Christian van Horn en Docteur Miracle. La mère d’Antonia (Eve Gigliotti) a effectivement une ressemblance vocale troublante avec sa fille dans la chaleur et la largeur du vibrato. Enfin, Jeongcheol Cha interprète le rival d’Hoffmann dans le dernier acte (Schlémil) en privilégiant une voix sèche et un large vibrato. Il peine toutefois à se faire entendre dans cette production aux larges voix puissantes.
Le chœur est plutôt discret, mais les voix claires des ténors font toutefois émerger leurs lignes mélodiques, tandis que les basses sont d’une (trop) grande discrétion. La partie féminine du chœur se révèle dans les derniers moments de l’opéra, avec de jolis contrechants entre les aigus des sopranos et le fond plus rond des altos.
L’orchestre fait ici un travail remarqué, valorisant la partition d'ensemble et les interventions solistes. Marco Armiliato à la baguette donne voix à tous, malgré quelques moments de décrochements entre la scène et la fosse.
Dans un final en forme de marathon, le public salue longuement les solistes, de même qu’il l’avait à chacune des interventions marquantes de ses chanteurs, traduisant par leurs interventions un peu du merveilleux des histoires d’Hoffmann.
Retrouvez également notre présentation-interviews de cette production qui ouvre la saison du Met et sa saison de retransmissions au cinéma ainsi que notre compte-rendu de la création qui en fait de même...